Revue Sources

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In cordis jubilo. Le mot jubilé évoque chez moi la joie de Noël. Sans doute la réminiscence d’un vieux cantique chanté ce jour-là. Une jubilation donc, pour célébrer une naissance, un point de départ et non pas une arrivée ou le terme d’une longue marche, aurait-elle duré huit siècles. Mieux vaut se réjouir de ce qui naît que d’établir le bilan de ce qui fut et qui n’est plus. Non sans quelques bonnes raisons, les jubilaires sont souvent classés parmi les «has been».

Quand on lit la Bible, chaque demi-siècle Israël remettait ses pendules à l’heure et l’église, si j’ose dire, au milieu du village. L’année jubilaire devait effacer les dettes, réparer les injustices et rétablir l’équilibre social originel. Bref, on ramenait l’ardoise à zéro et on repartait allégé pour un nouvelle cinquantaine d’années.

Ce jubilé est un départ, non une arrivée.

C’est à un tel processus que je songe quand on me parle du Jubilé de l’Ordre des Prêcheurs. Il n’y a pas lieu de gonfler notre thorax et clamer en jetant un regard admiratif sur les huit siècles qui ont marqué notre histoire: «Y en a point comme nous!». Ce jubilé est un départ, non une arrivée. Surtout, pas une fin de course qui coïnciderait avec le repos ou la mort des guerriers.

La reconnaissance que nous devons à nos devanciers ne devrait pas nuire à notre lucidité. Saint Dominique nous a ouvert un chemin, sans pour autant nous ramener à celui qu’il parcourut au Languedoc ou en Lombardie. Forts de son intuition et de sa prière, nous avons à refonder un Ordre de Prêcheurs capables d’écouter les jeunes de ce temps et de répondre à leurs questions. Un Ordre, aussi, au service d’une mission désormais universelle, sans cloisonnement national, provincial, idéologique et même théologique. Les héritiers, qui ont de qui tenir, sauront-ils prendre ce nouveau tournant?

Ce numéro ne répond sans doute pas à tous les aspects de cette vaste question. Il trace pourtant en pointillé quelques pistes que nos aînés n’auraient pas désavouées. Ce dossier est le fruit des réflexions de quelques frères et sœurs de la Province dominicaine suisse. Un pétale parmi d’autres pour composer un bouquet d’anniversaire.

Ce numéro – spécial! – est aussi l’hommage que la revue Sources veut rendre à tous les amies et amies qui lui ont été fidèles depuis sa fondation, voici quarante ans. Vous l’aurez sans doute compris, ce numéro est le dernier à paraître. Du moins sous cette forme. Une nouvelle mouture électronique est en chantier. Pour nous aussi, mais à notre humble et modeste échelle, le jubilé nous ouvre une porte, alors qu’une autre se ferme.

«Vita mutatur, non tollitur»

«La vie n’est pas détruite, elle est transformée» (Préface de la messe des défunts)

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Le frère Guy Musy, du couvent dominicain de Genève, est rédacteur responsable de la revue Sources.

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