Revue Sources

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« Bien commun… Bonum commune ». Abstractions insipides, sur nos bancs d’apprentis… scolastiques! Et pourtant, Dieu sait si la réalité nous était familière. Novice dans un Ordre mendiant, je devais mettre tout « en commun » ou, du moins, « au commun ». Y compris mes chemises qui pour être particulières n’en étaient pas moins conservées dans un local appelé « le commun ». Mais déjà de misérables subterfuges me permettaient de satisfaire mon intérêt privé, sans détrôner pour autant le bien général. Ainsi, j’écrivais en latin sur la page de garde de chacun de mes livres ces mots magiques: « ad usum » (à l’usage de…) suivi de mon nom. Le tour était joué. L’ouvrage pouvait dormir sur une travée de ma bibliothèque jusqu’à ce que mort s’en suive! J’aurais pu écrire aussi la même formule sur ma brosse à dents, autre bien commun « à mon usage » ou, plus tard, sur le capot de ma voiture. Chassez le naturel…

Eternel tiraillement entre la sphère sacrée de l’individu et l’intérêt général auquel il devrait sacrifier.

Eternel tiraillement entre la sphère sacrée de l’individu et l’intérêt général auquel il devrait sacrifier. Deux pôles au magnétisme inversé: la souveraineté absolue des droits individuels d’un côté et, de l’autre, l’hégémonie, voir le totalitarisme du bien collectif, représenté, selon les cas, par le couple, la famille, la société, la communauté, l’Etat, l’Eglise ou même par Dieu. Equilibre difficile à tenir et maintenir, si bien rendu par la devise helvétique célèbre: « Un pour tous, tous pour un ». Un programme d’ajustement quotidien répété et toujours corrigé.

Par chance, l’expérience sociale et la réflexion philosophique ont progressé depuis Aristote et ses émules médiévaux (Pardon, mes frères!). Nous ne comprenons plus le bien commun comme une idole lointaine, indifférente à notre sort particulier. Ou, pire, comme un Moloch prêt à nous dévorer. On se plaît aujourd’hui à le définir – lisez notre dossier! – comme un « vivre ensemble » où chacun devrait se retrouver heureux et satisfait. Une qualité de vie pour l’ensemble des humains.

Un tel état de grâce ne tombe pas du ciel, ni ne résulte des affres d’une révolution sanglante. Il est le fruit du don volontaire de chacune des composantes de notre humanité. C’est la capitalisation de ces dons gratuits, si minimes soient-ils, qui constitue le bien général, là où les plus démunis pourront puiser selon leurs besoins mais donner aussi le peu qu’ils peuvent offrir. Une révolution, bien sûr. Celle du cœur ou de l’Amour.

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