temps – Revue Sources https://www.revue-sources.org Wed, 04 Jan 2017 13:18:05 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Danser la Vie https://www.revue-sources.org/danser-la-vie/ https://www.revue-sources.org/danser-la-vie/#respond Mon, 01 Jul 2013 08:35:57 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=304 [print-me]

Des siècles durant, et aujourd’hui encore dans maintes parties du globe, hommes et femmes ont vécu au rythme des semailles, des récoltes et des moissons pour les peuples sédentaires, des transhumances saisonnières pour les nomades en quête d’eau ou de pâturages.

Les saisons ponctuaient la vie quotidienne, faute de lumière on se couchait avec les poules. Dès l’Antiquité néanmoins, grâce à l’essor des villes, se développe un autre temps, lié à l’artisanat et au commerce. Les plus riches peuvent narguer la nuit et festoyer à la lueur de leurs lampes à huile. Dans notre Moyen Age occidental le temps se rythme selon le bon vouloir des seigneurs, clercs ou riches bourgeois, dont les clochers ou les beffrois dictent la cadence, entre travail, prière et festivités. Le temps s’élargit et se précise à la Renaissance, au diapason des espaces qui s’allongent à l’infini. Emerge l’individu, qui s’évade du temps collectif grâce à sa montre à gousset. Mais c’est au XXe s. que le temps s’affole vraiment. D’un côté on perce le mur du son, de l’autre on découvre l’infiniment petit. N’importe quel résultat sportif se compte dorénavant en 100ème de seconde. «Les espaces infinis m’effraient», écrivait prémonitoirement Blaise Pascal. L‘homme contemporain navigue ainsi, ballotté, entre des temps contrastés.

Quelle est notre image du temps?

Le temps des anciens est essentiellement circulaire: on revient, à rythmes plus ou moins immuables, au point de départ, à l’instar des saisons. Ce dont rendait bien compte le calendrier romain, qui commençait au printemps, avec l’émergence de la nature et se terminait avec la fin de l’hiver. Les vitraux de nos cathédrales qui relatent par le menu les travaux de la terre ont gardé la trace de ces cycles naturels. Le philosophe grec Parménide, dont s’inspirera Platon, marque cette volonté de privilégier l’être au-delà du devenir, la stabilité au-delà du mouvement, l’absolu au-delà du relatif.

Mais avec le monde judéo-chrétien émerge une autre temporalité, linéaire, en forme de flèche, qu’avait déjà suggérée Héraclite dans son fameux panta rei: tout coule, rien ne revient jamais à la source. Peuple nomade, le peuple juif découvre qu’il vit une histoire unique, nourrie de l’espérance dans le Dieu d’Abraham et de Moïse, le Dieu qui libère de la servitude. Il chante une terre nouvelle et un ciel nouveau et attend un sauveur qui le délivrera définitivement de tout joug. Promesse mystérieuse, que le christianisme ne finit pas de décrypter, mais promesse qui change le visage de Dieu, des dieux.

Les dieux païens incarnent des figures d’un destin écrasant. Au mieux ils ignorent l’homme ou condescendent à lui abandonner quelques miettes de leur richesse. Au pire, ils l’écrasent ou s’en rient. Le tragique l’emporte, qu’il s’exprime à travers la fatalité ou la révolte de Sisyphe. Le Christ, après les prophètes, suggère un temps qui n’écrase plus, mais fait éclore les cœurs, le temps renversant des Béatitudes: Bienheureux ceux qui pleurent, ceux qui souffrent, car ils verront le royaume des cieux. Le chemin n’est pas moins ardu, mais l’homme y trouve un compagnon qui partage son pain de labeur et de vie. Dieu advient à ses côtés au fil des heures.

Reste que ce temps linéaire peut conduire lui aussi à des impasses, lorsqu’il s’inspire d’une vision prométhéenne de l’homme. Le XIXe siècle voit naître la grande industrialisation qui déifie le progrès. Mais ce dernier se cantonne dans l’économique, au détriment des autres pôles: spirituel, philosophique, politique, social, tous réduits à découler de la prospérité matérielle qu’elle soit individuelle via le capitalisme sauvage, ou collective dans le marxisme. Or l’histoire tragique du XXe s. montre à l’envi que le «tout économique» broie les êtres. Déjà Nietzsche, qui se targuait de promouvoir une haute idée de l’homme, eut l’intuition des limites d’un progrès unilatéral, lui qui après avoir invité la créature à se délivrer de toutes ses servitudes – «quitte ton statut asservissant de chameau animal de bât, bats-toi comme le lion, ce roi des animaux, et retrouve l’esprit de liberté qui caractérise l’enfant» – finit par retomber dans le schéma de l’Eternel Retour. Renvoyés dos à dos, le cercle et la flèche, le statique et le dynamique?

Retrouver la spirale

Enfant, je dessinais inlassablement des spirales sur mes cahiers. Aujourd’hui encore, il me semble y trouver une piste de vie pour concilier deux temps antagonistes. Lorsqu’on monte jusqu’au sommet de la tour de Pise, on aperçoit certes d’étage en étage les mêmes paysages. Mais on les perçoit autrement. De même, nos Noëls ou nos anniversaires se répètent et pourtant chacun est unique. Le progrès aveugle tue la mémoire. En sens inverse, la fatalité fige la vie. A nous de trouver une troisième voie qui articule fidélité et créativité, pour construire une histoire propre, une destinée aux antipodes du destin.

Comment concilier temps de l’ouverture à autrui et temps de l’écoute de soi?

Quelle articulation dans un temps bousculé?

Il est évident que l’accélération induite par les avancées scientifiques et technologiques a bouleversé tous nos repères. Le monde va de plus en plus vite et, pour y survivre, de nouvelles qualités sont exigées. De la rapidité certes, mais surtout du discernement.

Dans un cadre traditionnel, les événements dictaient nos comportements. Et nous avions du temps. Pour accueillir, pour aller nous promener, pour lire, pour cuisiner, pour partager, pour faire la fête. La spontanéité primait; nous osions frapper chez le voisin sans craindre de le déranger.

Dans une situation de modernité surtout urbaine – encore que les jeunes paysans vivent une réalité analogue, pressés qu’ils sont de rentabiliser terres, troupeaux ou machines – tout doit être programmé, prévu. En fonction des situations, certes, mais encore plus selon nos priorités.Nous devons tenir compte des autres (vivent les doodle, où on l’on essaie de trouver une date commune pour se retrouver!); nous avons tout à gagner à mieux nous organiser. Les formations pour gérer son stress ou savoir mieux planifier son travail font florès. Mais la vraie question est ailleurs. Et ici on rejoint Freud, le troisième maître à penser de nos derniers siècles après Marx et Nietzsche. Quel est notre désir profond?

Notre bon-heur ou notre bonne heure?

Le temps a éclaté, mais cela ne signifie pas que nous devions nous laisser ballotter. Quelles valeurs nous chevillent?

Faire une belle carrière, réussir matériellement, gagner beaucoup d’argent pour trouver l’aisance? Fort bien, mais il faudra carburer à 200 à l’heure pour ne pas perdre de bonnes opportunités, nouer les contacts requis, acquérir rapidement les connaissances idoines. Impressionnant, le parcours de jeunes artistes ou sportifs qui doivent de plus en plus tôt fournir des résultats, fût-ce au détriment de leur santé ou de leur vie. Un choix valable, mais à condition qu’il soit pleinement assumé et ne sacrifier aucun volet majeur de son être. Méfions-nous des ambitions liées à des références extérieures: nos parents, notre éducation, notre milieu social.

Nous donner cœur et âme à une cause, intellectuelle, politique, humanitaire? Là aussi, jusqu’où aller pour que cet engagement ne devienne pas une drogue qui empêche de vivre, de réfléchir et de prendre les nécessaires distances? Le despotisme de Robespierre pétri d’idéalisme est né de pieux sentiments. En sens inverse, nous laisser porter, naviguer au gré des sollicitations extérieures et des invitations momentanées? Ce peut être fécond brièvement, lors de l’adolescence par exemple, pour tester ce que l’on est, ce que l’on aime. Mais cela se révèle stérile à long terme. Que dire de ces adolescents prolongés, de quarante, soixante ans ou plus, qui continuent à bourlinguer sans boussole?

Bref, quel est notre projet de vie, accordé à nos capacités, nos goûts, notre quête de sens? Le laissons-nous émerger ou le noyons-nous sous un flot d’activités quotidiennes? Qu’est-ce qui nous habite et nous anime? Que disent notre sciatique, notre migraine ou d’autres maux insidieux, qui tentent de nous signaler, le plus souvent à notre insu, que notre existence bousculée manque d’unité ou de cohérence? Quelle conscience avons-nous du fait que nos choix nous obligent souvent à un équilibrisme de mauvais aloi? Des rythmes incompatibles avec nos possibilités physiques et psychiques.

Le degré de disponibilité

Certains et certaines – pensons en particulier aux mères – peuvent avoir une capacité de disponibilité plus que monacale: nourrir, soigner, habiller, véhiculer les enfants, entourer les vieux parents, gérer le ménage, le jardin, tout en conciliant un travail rémunéré. Elles se sont donné comme devise de ne jamais dire non et se retrouvent vides et désemparées lorsque leur progéniture les quitte. D’autres, conscients des risques d’un dévouement excessif, font tout pour se protéger et laissent entendre que leur calendrier est déjà très chargé. Ne leur demandez rien et n’espérez pas les rencontrer sans rendez-vous programmé.

Le monde crève sous le poids d’administrateurs tatillons, de managers robotisés; les personnalités peinent de plus en plus à émerger. Comment concilier temps de l’ouverture à autrui et temps de l’écoute de soi? Et comment veiller à ce que chacun de ces deux temps féconde l’autre au lieu de s’entrechoquer? Sommes-nous toujours contemporains de nous-mêmes? Que de fois notre tête court en avant de notre corps qui préfère le ralenti? Que de fois notre affectivité court-circuite notre réflexion? Que de fois nous disons ce que nous ne pensons pas ou faisons ce que nous ne voulons pas? Que de pendules intérieures différentes nous mettent en branle, à temps et contretemps? La météo nous prédispose, nos proches nous indisposent, notre état de vie nous impose des obligations, nous aspirons à tout déposer, sans savoir où poser notre tête… Pause!

Du côté de l’Evangile

Sans chercher très loin l’Evangile nous offre quelques ouvertures jubilatoires. De prime abord, Jésus semble éminemment disponible, à des individus de tous genres: femmes, enfants, mécréants, romains… Il est à l’aise aussi bien avec une seule personne – la Samaritaine -, qu’avec quelques amis – ses apôtres – ou un plus grand nombre – ses disciples, les foules du Sermon sur la montagne ou même les autorités romaines ou juives -.

Mais il entrecoupe chacune de ses rencontres de temps de silence, temps hors-champ qui nourrissent et vivifient ses rencontres. Il était là, et le voilà qui disparaît, sur la montagne, de l’autre côté du lac… Derrière les temps éclatés que Jésus traverse, apparaît un temps unifié qui lui permet de rejoindre l’autre dans la bonne distance, en alliant passion et patience…

L’avons-nous déjà remarqué? Plus nous sommes occupés, accaparés, déchirés, plus nous avons de la peine à nous arracher à nos occupations.

C’est sans doute un signe de l’urgence de la vacatio, cette invitation à retrouver souffle et rythme. Vous êtes encore ou bientôt en vacances? Bonnes retrouvailles avec vous-même et avec ce/Celui qui vous fait vivreet imprime la juste cadence à vos tentatives de danser la vie plutôt que de la subir!

Bibliographie

Jean-Louis Servan-Schreiber, L’art du Temps, Fayard 1983.

Collectif: Thérèse Glardon, Bernard André, Jean-Claude Schwab, en dialogue avec Hans Bürki, Le temps pour vivre, du temps éclaté au temps réconcilié, collection Espace, Presses Bibliques Universitaires 1991

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Monique Bondolfi

Monique Bondolfi

Monique Bondolfi-Masraff, professeur de philosophie, enseigne à l’Atelier Œcuménique de Théologie (AOT) de Genève. Elle est aussi membre de l’équipe rédactionnelle de la revue « Sources »

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La «mesure du temps» selon Bède le Vénérable https://www.revue-sources.org/la-mesure-du-temps-selon-bede-le-venerable/ https://www.revue-sources.org/la-mesure-du-temps-selon-bede-le-venerable/#respond Mon, 01 Jul 2013 08:33:12 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=302 [print-me]

Après avoir écrit différents ouvrages d’exégèse, d’histoire, d’enseignement de l’orthographe ou de la poésie, le prolifique Bède le Vénérable achève en 725 un ouvrage intitulé: De temporum ratione. Ce faisant, il écrit cette fois-ci un livre dont le but principal est d’expliquer à ses élèves comment calculer la date de Pâques, pour que ceux-ci puissent répondre à tous ceux qui propagent de fausses idées sur ce sujet majeur pour tout chrétien.

Des questions fondamentales

A côté du comput romain, celui qui est encore utilisé de nos jours, subsistaient à cette époque le comput victorien, particulièrement peu précis, et le comput celte, au départ lié à l’hérésie du pélagianisme mais qui a largement survécu à cette dernière dans les îles britanniques. Pour parvenir à ses fins, Bède développe de manière encyclopédique toutes les méthodes alors connues de mesurer le temps et de dater un événement. Dès lors, même s’il est à la base un ouvrage d’enseignement, le De temporum ratione eut une importance telle qu’il traversa la Manche … et tout le Moyen Âge.

En effet, en arrière-fond de l’objectif didactique, Bède nous livre sa conception philosophique et religieuse sur le temps. Dès la lecture des premières lignes, on se rend compte que son message nous parle encore très clairement aujourd’hui. Ainsi, lorsqu’il définit son plan de travail par la formule «de temporum statu, cursu ac fine» (l’état, le cours et la fin des temps), il nous interpelle déjà sur trois questions fondamentales, toujours d’actualité, concernant le temps: la stabilité que nous y introduisons, le cours qu’il suit inexorablement et ce vers quoi il tend. En d’autres termes: quels sont les marqueurs permanents du temps, comment il s’est écoulé et dans quelles conditions il finira?

La stabilité tout d’abord. Elle est marquée par le cycle des fêtes religieuses, qui doivent revenir selon un plan bien défini. Cette régularité est nécessaire pour que nous ayons déjà un petit goût d’éternité: c’est l’intemporel qui est introduit dans le temporel. Mais on ne peut pas fixer ces fêtes de façon aléatoire: elles doivent correspondre au cycle solaire ou au cycle lunaire, ou encore mieux aux deux cycles réunis. C’est la seule solution pour respecter la Genèse I, 14: «Dieu dit: Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit; qu’ils servent de signes tant pour les fêtes que pour les jours et les années».

Dater Pâques et Noël

C’est surtout la symbolique liée à ces cycles qui peut et doit donner un parfum d’éternité au temporel, car elle fait revivre les événements, elle ne les rappelle pas seulement. Ainsi la fête de Noël est-elle fixée au solstice d’hiver, respectant le calendrier solaire, car c’est au plus profond de la nuit que doit apparaître la lumière véritable. Et c’est en raison d’une triple symbolique que Pâques doit respecter trois cycles: le solaire, avec l’équinoxe vernal, le lunaire, avec la pleine lune, et l’hebdomadaire, avec le dimanche. S’il ne s’agissait que de se souvenir de la mort et de la résurrection du Christ, il suffirait de fixer un jour dans l’année, correspondant plus ou moins à la pâque juive. On pourrait prendre par exemple l’équinoxe vernal, qui symbolise la perfection divine. Mais la date doit représenter vraiment la résurrection et donc la naissance de l’Eglise. En effet, la lune, qui n’est pas lumineuse d’elle-même mais qui a besoin de la lumière du soleil, représente l’Eglise qui ne brille que par la lumière du Christ. On doit donc fêter Pâques à une date proche de la pleine lune, mais ultérieure à l’équinoxe vernale, car l’Eglise ne peut atteindre sa plénitude avant d’avoir eu le secours de la grâce et donc de la perfection divine. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’hérésie pélagienne, niant la nécessité de la grâce, utilisait un comput tel que Pâques pouvait être fêté avant l’équinoxe vernal. Enfin, le dimanche, jour de la semaine correspondant à la résurrection du Christ, doit être retenu comme seul jour possible pour revivre l’événement. On arrive donc à la règle: premier dimanche, suivant la première pleine lune succédant à l’équinoxe vernal. Ainsi pour peu que l’équinoxe vernal tombe un samedi de pleine lune, Pâques sera fêté le 22 mars.

Cela dit, pour que l’éternité entre vraiment dans le temporel, il faut que les cycles soient respectés. Mais là apparaît tout de suite une ambiguïté: doit-on respecter la symbolique des astres ou l’ordre des jours? Pour Noël, il y a eu clairement unanimité: la fête a été maintenue le 25 décembre, quand bien même cette date ne correspond plus au solstice. Ce fait était déjà connu de Bède, qui en était un peu gêné. Il est vrai que l’on peut encore juger que l’obscurité est suffisante le 25 décembre. Pour ce qui est de Pâques, l’Eglise catholique a préféré retenir la symbolique des astres, tandis que la plupart des Eglises orientales ont préféré conserver l’ordre des jours défini par le concile de Nicée, et donc le calendrier julien. Les deux attitudes sont fondées de manière légitime en fonction du même objectif: introduire le status dans le cursus du temps, le stable dans le fuyant. Reste que Bède craignait que la symbolique de Pâques et toute sa richesse se perdent auprès des croyants si ceux-ci ne connaissent pas les raisons qui permettent d’établir cette date. Qui peut lui donner tort avec le recul?

Le cours du temps

Mais il reste que le temps passe, ou plutôt comme le dit Ronsard: «Le temps s’en va, le temps s’en va, Madame. Las le temps! Non, mais nous nous en allons».

Un livre se voulant exhaustif sur le thème du temps ne pouvait pas faire l’économie de traiter le plus complètement possible l’histoire des hommes pour mettre en évidence le cursus temporis. C’est ainsi que Bède nous offre des chroniques partant du premier jour décrit dans la Genèse jusqu’à l’âge auquel il écrit le De temporum ratione. Qu’elles comportent un certain nombre d’erreurs historiques est compréhensible, comme pour toutes les chroniques qui lui sont contemporaines. Plus intéressant est le parallélisme qu’il fait entre l’histoire du monde et sa création décrite dans la Genèse (I,1 à II, 4). En effet, tout en admettant qu’il est plus facile de considérer que ces versets sont à prendre au pied de la lettre, Bède leur préfère clairement une interprétation allégorique, inspirée de saint Augustin et que l’on peut résumer ainsi. Le premier jour, la séparation de la lumière et des ténèbres, va d’Adam à Noé: la création de la lumière correspond à celle du paradis terrestre, alors que sa séparation des ténèbres marque la séparation de l’homme de sa semence. Au soir, Dieu regrette son œuvre et veut détruire la terre. Le deuxième jour va de Noé à Abraham: le firmament au milieu des eaux est l’arche de Noé suspendue entre pluie du ciel et inondation de la terre; elle va assurer la survie de l’humanité, mais au soir la conspiration des hommes avec l’épisode de la tour de Babel crée une nouvelle séparation. Le troisième jour, celui des arbres et des plantes, est la période d’Abraham à David. Tandis que des nations sont enracinées dans le culte des démons, Abraham s’en va portant les semences qui feront les saints, mais au soir les Hébreux demandent un roi qui massacre prêtres et prophètes. Au quatrième jour Dieu crée le soleil et la

Quels sont les marqueurs permanents du temps, comment il s’est écoulé et dans quelles conditions il finira?

lune, les deux sources de lumière que sont David et Salomon, connus dans le monde, mais au soir, le peuple est dans le péché et c’est la déportation de Babylone. Le cinquième jour, les poissons les oiseaux se multiplient: Israël se multiplie en Chaldée, une partie du peuple vole vers les plaisirs célestes, une autre souffre entre les fleuves de Babylone. Au soir, la venue du Sauveur est imminente, mais le peuple juif est tributaire des Romains à cause de ses mauvaises actions. Enfin le sixième jour, Dieu crée l’homme à son image et en tire la femme: avec la venue du Sauveur et de l’Evangile, l’homme est créé à l’image de Dieu; de même que la femme est façonnée à partir de la côte de l’homme, l’Eglise naît du sang et de l’eau coulant du flanc du Christ. Nous vivons encore ce jour, au soir duquel il y aura les persécutions de l’Antéchrist. Quant au 7ème jour, celui du repos des âmes des justes, il n’a pas de soir, il dure éternellement et de fait il a déjà commencé avec la mort d’Abel le juste.

De tout ceci, il est intéressant de retenir qu’une interprétation purement symbolique de la première semaine décrite dans la Genèse est déjà proposée en 725 aux élèves des moines, plutôt qu’une interprétation littérale. Par ailleurs, l’allégorie du 6ème jour mérite qu’on s’y attarde pour que le cursus de l’histoire et de nos vies contribuent à créer l’homme à l’image de Dieu.

La fin des temps

C’est une des originalités de Bède que de consacrer dans son ouvrage une partie importante à la fin des temps. Le mot finis est à interpréter dans ses deux sens: le terme et le but.

Concernant le terme du temps, nous savons un certain nombre de choses de par l’Apocalypse de Jean, mais, Bède est intransigeant à ce sujet: nous ne pouvons pas en connaître la date. A ses yeux, c’est une question cruciale en raison de la conjoncture. En effet, des chronologistes affirmaient que la création du monde avait eu lieu aux environs de l’an 5000 avant Jésus-Christ. Collant cette hypothèse à la semaine de 6 jours et au verset 3,8 de la deuxième Epître de Pierre: «Mais voici un point, très chers, que vous ne devez pas ignorer: c’est que, devant le Seigneur, un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour», ceux-ci affirment donc que la fin du monde aura lieu autour de l’an 1000 (et non en l’an 1000 exactement, comme on le lit parfois). Mais, tout en acceptant, et même en développant la métaphore des jours de la semaine de la création, Bède refuse catégoriquement une interprétation qui ferait fi, par exemple, de Matthieu 24, 36: «Quant à la date de ce jour, et à l’heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, personne que le Père seul».

Nous pouvons ainsi faire le lien avec la fin des temps conçue comme but de toute temporalité. Le chrétien est certain de la venue du Christ. Il peut se comporter comme un mauvais serviteur, faisant le mal et surpris par le retour du maître. Le bon serviteur, de son côté, dira «Veillons et prions». Mais, Bède, méditant une Lettre de saint Augustin, affirme que même le bon serviteur peut être entraîné dans l’erreur. Il pourrait penser que la venue du Christ n’est pas simplement retardée, mais qu’elle ne se produira jamais. Il peut ainsi perdre la foi. L’enthousiasme pour une venue proche non réalisée peut provoquer un discrédit sur la foi chrétienne chez ceux qui manquent de constance. Voilà qui devrait faire méditer certains «prophètes» d’aujourd’hui qui pèchent par présomption!

Une œuvre qui défie…le temps

Même si Bède n’est pas très connu dans le monde francophone contemporain, il ne faut pas oublier que ses œuvres ont été déterminantes dans bien des débats. Son De temporum ratione fut la référence pour refuser toute croyance en une fin du monde prévue pour l’an mil. De même, cet ouvrage permit de fixer la date de Pâques tout au cours du Moyen Âge, une date fondée sur un nouveau calcul basé sur la position réelle des astres. La théologie et même la philosophie de Bède gardent donc toute leur valeur. C’est le propre de tous les Pères de l’Eglise de nous avoir transmis des œuvres qui défient … le temps.

(Bède, dit le Vénérable est un moine anglo-saxon né vers 672 et mort le 26mai 735. Son œuvre la plus célèbre est l’Histoire ecclésiastique du peuple anglais. Ses traductions des œuvres grecques et latines des premiers pères de l’Église ont joué un rôle important dans le développement du christianisme en Angleterre. En 1899, Bède est proclamé docteur de l’Église.)

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Roland Pillonel

Roland Pillonel

Roland Pillonel, membre de l’équipe rédactionnelle de la revue «Sources», est responsable à l’Université de Fribourg de la formation des enseignants du cycle secondaire.

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… il y eut un soir! https://www.revue-sources.org/il-y-eut-un-soir/ https://www.revue-sources.org/il-y-eut-un-soir/#respond Mon, 01 Jul 2013 08:28:52 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=298 [print-me]

Sol non occidat super iracundiam vestram. Y a-t-il expression plus incisive pour illustrer le temps et sa vanité que les célèbres cadrans solaires?

«Sol non occidat super iracundiam vestram». «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère!»

«Sol non occidat super iracundiam vestram». «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère!»

S’il est exact que leur fonction horaire était secondaire par rapport à la fonction sociale et esthétique, le touriste-voyageur se soustraira difficilement à la fascination de leurs adages intempestifs, tenus d’ordinaire en latin. Celui, par exemple, déniché sur une maison seigneuriale de Viège (Valais) qui vous procure des frissons en affirmant que chaque heure qui passe vous blesse, et que la dernière vous tue – «omnes vulnerant – ultima necat». Ou alors cet autre cadran solaire, plus récent, découvert à Saint-Véran (Hautes Alpes) et qui, assorti d’un coq, «marque les premières heures de ton éternité». Arrêtons-nous cependant à celui que la revue reproduit ci-contre et qui fait la fierté d’une belle demeure dans le canton de Zoug: «Sol non occidat super iracundiam vestram». «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère!»

Finir la journée en beauté

L’adage est tirée de l’Epître aux Ephésiens, chapitre 4, verset 26. Il se prête à merveille pour évoquer le crépuscule, la nuit tombante, une fin de journée… et la signification que celles-ci prennent dans la vie de l’humain, et pas uniquement de l’enfant. «Au matin qu’il y eut» suivra inéluctablement «le soir qu’il y a». Rien de surprenant donc si la fin d’une journée, tout comme son début, se retrouve investie d’une profonde symbolique spirituelle. Il s’agit de finir la journée en beauté, libre et libéré de la colère et du ressentiment. Certains auteurs spirituels n’hésitent pas à parler d’une culture nocturne proprement chrétienne.

«Que le soleil ne se couche pas sur votre colère». Cette exhortation est développée par l’Epître aux Ephésiens dans un long chapitre à caractère éthique, sans structure claire et nette. Comme le fait remarquer la Bible Bayard, ces consignes visent à donner des orientations générales valables au quotidien. Le chapitre en question souligne le fait que la conduite de vie d’un chrétien se démarquera de celle des «païens». Un croyant bouclera sa journée autrement qu’un incroyant. Sa foi en Christ l’invite à donner au coucher du soleil une signification nouvelle.

Le soleil couchant nous presse, surtout, à faire la vérité en profondeur, dans un dernier face-à-face avec celui qui se révèle à nous comme «Christ et Seigneur».

Au moment même d’observer le soleil qui s’éteint à l’horizon, le croyant voit se lever sur la nuit naissante et en lui un autre astre, le Christ lumière. Il devient alors impossible d’entrer dans l’obscurité abyssale de la nuit sans avoir purifié au préalable le jour en déclin de la colère et des ressentiments qu’il aurait vu surgir. Les enfants le pressentent mieux que les adultes: avant de s’endormir, ils tiennent à dissiper les contentieux que la journée écoulée a suscités au foyer.

Colère de l’homme et colère de Dieu

Mais comment se libérer des tourbillons de la colère causés par les aléas d’une moche journée qui touche à sa fin? Il est peu probable que la lettre aux Ephésiens veuille nous entraîner dans des considérations d’ordre physiologique, psychologique, philosophique, moral… Et à l’époque, la colère n’était pas encore devenue un des sept péchés capitaux!

La colère est tout d’abord cet état d’âme qui nous prive de sommeil. Tourmentée par mille ressentiments, l’âme ne saurait se reposer en paix. Pour l’Epitre aux Ephésiens, le ressentiment est diabolique, littéralement, car quiconque succombera aux poussées de la colère «donne emprise au diable». Le démon, ce trouble-fête, brouille les relations humaines. Ceux ou celles qui sont à l’origine de ma colère, méritent-ils encore ma confiance? mon affection? mon amour? Le tentateur m’incite à les laisser tomber.

En chrétiens, nous avons une totale liberté pour parler de la colère, la reconnaître et même l’admettre. C’est que Dieu lui-même l’a éprouvée, et c’est là un fait bien troublant! «Dans sa colère il a juré, jamais ils n’entreront dans mon repos» (Psaume 94). Causée par des hommes aux cœurs égarés et endurcis, la colère tente le Seigneur, diaboliquement, de les «abandonner et leur cacher sa face» (Deutéronome31,17). Colère doublée d’amertume et accompagnée du regret «de les avoir faits» (Genèse 6,7).

Mais, ce même Yahvé est aussi un Dieu «lent à la colère et plein d’amour» (Psaume 144). Son affection pour le peuple infidèle, scellée par alliance, ne saurait le lâcher. L’histoire du Peuple élu est à lire du début à la fin comme le récit incessamment repris d’une confiance retrouvée et d’un amour à renouveler – «avant le coucher du soleil»! C’est-à-dire avant de voir les relations humaines et la vie tout court sombrer dans une nuit opaque, sans aurore et sans lendemain. Tandis que l’homme croyant, dégagé de sa colère et aux ressentiments apaisés, s’endort en paix, le gardien d’Israël, lui, ne sommeille pas. «Celui qui te garde, ne peut dormir» (Psaume 121).

L’heure de vérité

«Sol non occidat super iracundiam vestram». Auteur de mensonges mignons et autres plus graves qui nous font douter de la confiance et de l’amour, le diable est aussi à l’origine du grand mirage qui consiste à «nier que Jésus est le Christ» (1 Jean 2,22). L’heure du sommeil se révélera, une fois encore, comme l’heure de la vérité. Instant propice pour régler les contentieux mineurs de la journée, le soleil couchant nous presse, surtout, à faire la vérité en profondeur, dans un dernier face-à-face avec celui qui se révèle à nous comme «Christ et Seigneur».

Tel soir sera suivi de tel matin.

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Clau Lombriser

Clau Lombriser

Le frère dominicain Clau Lombriser, membre de l’équipe rédactionnelle de la revue «Sources», est responsable, au nom de la Conférence des évêques suisses, des prêtres «Fidei Donum» en service dans un diocèse étranger.

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Le temps d’un chômeur https://www.revue-sources.org/le-temps-dun-chomeur/ https://www.revue-sources.org/le-temps-dun-chomeur/#respond Mon, 01 Jul 2013 08:21:44 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=292 [print-me]

Le temps du chômage dont je peux parler le mieux est celui qui intervient dans un parcours professionnel déjà bien entamé, mais pas encore tout à fait terminé. On dispose d’une certaine expérience et il est encore possible de la mettre en œuvre dans un autre poste, pour un autre employeur. Mais précisément, ce poste n’existe pas ou n’existe plus. On n’a pas vu venir à temps les difficultés économiques ou la liquidation de l’entreprise. Ou alors, la société pour laquelle on travaille fait l’objet d’un rachat par de nouveaux actionnaires, par un concurrent. Et, tout à coup, le poste précédemment occupé est supprimé dans le cadre d’une vaste réorganisation.

Chômeur déstructuré…

Alors que la journée de travail est rythmée par l’heure d’arrivée au bureau, par les réunions, les tâches à mener, les appels téléphoniques reçus ou passés, les différentes pauses (la pause café, la pause cigarette ou la pause déjeuner rythment le temps de travail), le chômeur n’a plus désormais de contraintes externes. Quelques jours auparavant, il était écrasé par un emploi du temps surchargé. Du jour au lendemain, il se retrouve sans appel téléphonique, sans rendez-vous, sans date urgente pour remise de dossier.

Le chômeur n’a plus pour impératif de se lever tôt pour rejoindre son bureau, plus aucune obligation le soir de quitter ce même bureau pour rentrer à la maison. Le rythme de la semaine est également déstructuré. Pas de reprise le lundi matin, aussi difficile soit-elle. Pas de séparation d’avec les collègues le vendredi accompagnée de souhaits de passer une bonne fin de semaine. Et à quoi bon les jours fériés, auparavant attendus avec quelque impatience, puisque désormais tous les jours sont fériés!

Sans certitudes…

Le temps du chômage est le temps d’une attente dont le terme est inconnu. L’événement qui marque la fin du chômage est la date de signature du nouveau contrat de travail et la reprise effective d’une activité professionnelle. Mais quand cela se produira-t-il exactement? Personne ne le sait d’avance, ne peut y répondre. Cette incertitude est difficile à vivre. Sauf à monter sa propre activité et devenir indépendant. Mais il s’agit là d’une autre aventure!

Le plus important est donc de redonner une structure au temps.

Alors que l’Avent ou le Carême sont des temps d’attente qui peuvent être mis à profit pour se préparer à un événement futur annoncé, la date de la fin du chômage n’est pas connue, le terme est incertain.

Sans projets…

Cette absence soudaine de structuration du temps (de la journée, de la semaine, des mois ou des années) révèle un vide bien difficile à remplir. Quelques semaines auparavant on regrettait de ne pas avoir assez de temps pour rédiger une note de service, boucler un dossier, on se trouve soudain béant devant une masse de temps disponible. Ce temps qui était rare et précieux devient abondant, superflu et sans valeur.

Rares sont les personnes qui peuvent véritablement mettre à profit ce trop plein de temps libre pour réaliser des projets jusqu’alors repoussés. Il y faut une force de caractère peu commune et sans doute aussi une certaine préparation pour pouvoir les mener à bien.

Soumis à des contraintes…

Le plus important est donc de redonner une structure au temps. Il y a d’abord la contrainte que la collectivité impose au chômeur. L’assurance chômage veut bien verser des indemnités ou des prestations destinées à compenser la perte de revenus, mais le chômeur devra justifie les efforts qu’il a fait pour retrouver le plus vite possible un emploi. Le candidat va devoir prendre des rendez- vous, se présenter pour des entretiens, respecter un horaire. Mais ces contraintes suscitent rarement l’enthousiasme de ceux qui y sont soumis. Dès que les premiers échecs ou les premiers refus arrivent, la motivation initiale se transforme vite en une inertie d’un poids insoupçonné.

Mais stimulé par d’autres chômeurs

De fait, la contrainte la plus efficace sans doute est celle que l’on s’impose à soi-même dans le cadre de l’appartenance à un groupe.

Nous étions trois amis et nous nous rencontrions chaque dimanche à la sortie de la messe – une contrainte temporelle bien utile et pas seulement pour y cueillir les nourritures spirituelles! – quand nous nous sommes retrouvés quasi simultanément sans travail. Alors, nous avons décidé de nous réunir une fois par semaine pour faire le point sur nos démarches, nos progrès, nos échecs et nos difficultés. Le groupe a rapidement grandi et chaque semaine nous nous retrouvions dans un café ou une salle mise à notre disposition. Ces rencontres informelles avaient le mérite de nous obliger à sortir de nos domiciles respectifs, à reprendre le chemin d’un «bureau». Ces réunions étaient aussi l’occasion de faire le point sur les démarches des six derniers jours, de rédiger enfin et d’expédier la lettre de motivation ou le dossier de candidature dont on avait parlé lors de la dernière réunion, mais qui demeurait enfoui sous des piles d’autres dossiers tous aussi importants les uns que les autres. J’aurai toujours en mémoire cette remarque d’un des membres du groupe qui me disait ne jamais autant faire de choses en si peu de temps que la veille de nos réunions hebdomadaires.

Ces réunions furent aussi le temps de partager nos joies, comme la bonne nouvelle de la découverte d’un emploi par l’un d’entre nous. Une nouvelle dûment fêtée autour d’une bonne bouteille! Ou alors le temps de constater que tel autre s’enfonçait dans des démarches inutiles, suivait des pistes sans issue, perdait peu à peu son énergie, n’arrivait plus à mobiliser ses forces pour se battre.

Happy end

Il arrive aussi que la situation s’éclaircisse, qu’une piste aboutisse, que les entretiens se succèdent. Certes, le temps de l’entreprise paraît encore trop long au candidat sélectionné, mais il sent bien que les choses bougent, vont se préciser, que l’horizon s’ouvre, se dégage enfin.

Une fois le contrat signé, reste à savourer le temps qui s’étend entre la signature et la reprise effective du travail. Encore le temps du chômage puisque ces quelques jours, ces quelques semaines sont sans travail. Il est alors temps de réfléchir un peu, de se reposer des efforts fournis, des tensions ou des frustrations accumulées. Avant de partir pour de nouvelles missions, de nouveaux horizons!

Hélas, tous n’auront pas cette chance et devront faire face au chômage de longue durée. Il faudra s’en souvenir quand nous aurons repris le chemin du bureau ou de l’atelier.

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Yves L’Helgouach, nom fictif

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Temps pleins https://www.revue-sources.org/temps-pleins/ https://www.revue-sources.org/temps-pleins/#respond Mon, 01 Jul 2013 00:01:25 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1026 [print-me]

On ne cesse de fantasmer sur le « temps », expression équivoque à souhait dans notre langue. Le temps qui court ou qui s’envole n’est pas celui qu’il fait aujourd’hui ou fera demain. La météo ne se prédit pas au chronomètre. Il y a des temps forts et donc aussi des temps faibles, des temps pleins et des temps vides. Les uns et les autres ne se mesurent pas en secondes, mais en intensité. Flambées furtives, les plus importants inaugurent de nouvelles ères. Ainsi, les chrétiens conviennent-ils que la naissance de Jésus – à la « plénitude des temps » – est le moment le plus fort de leur l’histoire, même si l’événement parut anodin aux contemporains de l’enfant de Bethléem.

Rien ne sert de compter nos années si on ne se soucie pas de leur donner du poids.

Ceci dit, le temps n’est que la mesure du mouvement. On ne parle de durée quantifiée qu’en présence d’êtres mobiles. Même les glaciers bougent. Leurs progressions ou retraits peuvent donc faire l’objet d’une datation. L’univers tout entier est en mouvement. Ses déplacements permettent aux astro-physiciens de déterminer les étapes de son expansion. Seule, l’éternité de Dieu, immobile et immuable, échappe au temps. Nous venons au monde et nous nous envolons. Naissance et mort, croissance et déclin imprègnent nos existences fugaces et celles de nos civilisations.

Ne confondons pas cependant l’être contingent et temporaire avec la mesure qui le jauge. Il est assez plaisant de constater comment les humains fêtent ou cachent leurs anniversaires. Une périodicité qui les émeut davantage que le statut réel de leur santé. Ils adorent ou redoutent la mesure de leurs années, mais négligent ce qu’elle doit mesurer. Rien n’est plus relatif et dérisoire que le compte chiffré de nos vies. Pendant des siècles, les humains ont fixé leur date de naissance en fonction des souverains régnant à leur époque. Et même des famines qui frappaient leur territoire. Quant à nous, nous nous réglons prosaïquement sur l’Observatoire chronométrique de Neuchâtel! D’autres, plus réalistes, affirment qu’ils ont l’âge de leurs artères ou la jeunesse de leur cœur. Une jauge qui, pour être moins précise, est plus proche de la réalité. Rien ne sert de compter nos années si on ne se soucie pas de leur donner du poids.

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