prière – Revue Sources https://www.revue-sources.org Wed, 04 Jan 2017 13:21:09 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Iter para tutum https://www.revue-sources.org/iter-para-tutum/ https://www.revue-sources.org/iter-para-tutum/#respond Wed, 15 Jun 2016 02:03:04 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1398 [print-me]

Il m’arrive de chantonner ce verset extrait de l’«Ave Maris Stella», une hymne du premier millénaire chrétien que la liturgie mariale a rendue célèbre. Trois mots prennent la forme d’une prière à la Vierge: «Aménage-nous un chemin sûr» ou «Prépare-nous un itinéraire sans danger!»

Homo viator

Il faut donc partir, se mettre en chemin. Homo viator, disaient les anciens. Mais partir pour aller où? Vers quoi? Vers qui? Pas forcément en croisière, comme pourrait le suggérer le titre de la Vierge invoquée dans cette hymne. Marie n’est pas l’étoile du berger qui montre aux marins leur route dans la nuit. Le but de l’expédition est bien précisé par les versets qui suivent.

Comme les mages l’ont fait en leur temps, le chrétien entreprend un pèlerinage pour voir Jésus et éprouver à ce spectacle la joie qu’Hérode ne connaît pas. Iter para tutum / Ut videntes Jesum / Semper collaetemur. «Prépare-nous un bon chemin pour qu’à la vue de Jésus nous puissions ensemble nous réjouir.

Désirer voir!

Voir de ses yeux, quoi de plus humain! Ecrire «seen» sur les diverses haltes concoctées par un voyagiste. «Tu as voulu voir Vierzon, Vesoul, Honfleur, Hambourg…», chante Jacques Brel. Puis, tu n’as plus voulu voir Vierzon, Honfleur…Comme toujours!

Le pèlerin qui demande le secours de Marie est un touriste d’une autre veine. Il n’a que faire de Vesoul, Honfleur ou des remparts de Varsovie. Paysages fugitifs qui sautent aux yeux, puis s’évanouissent. C’est Jésus que le pèlerin veut voir. Désir profondément ancré chez ces chrétiens médiévaux qui, faute de voir ce Jésus tant désiré, se contentent de contempler la blanche hostie qui à la messe le représentait.

Pour les satisfaire, les liturgistes de l’époque inventent le rite de l’élévation et sainte Julienne de Cornillon suggère que soit processionné l’ostensoir le jour du Saint Sacrement. Depuis Thomas qui ne voulait croire qu’après l’avoir vu, les chrétiens cheminent à tâtons à la recherche du visage perdu de Jésus. Ce singulier pèlerinage est aussi long que leur vie.

Pas de  regard nostalgie ou nostalgique

Mais sans nostalgie et sans archéologie. Comme s’il s’agissait de retrouver ou reconstituer les traits physiques du fils de Marie. Laissons ce rêve impossible aux romanciers bibliques et aux pèlerins de Palestine. Ce n’est pas le Jésus d’hier qui nous fait signe, mais celui d’aujourd’hui et plus encore celui de demain. «Sans le voir, nous l’aimons et nous tressaillons de joie» chaque fois que son visage prend forme en ceux et celles qui lui ressemblent.

Vers le face à face

Depuis le jour où le signe de la croix a été marqué sur son front, le baptisé chemine à la recherche du visage de Jésus. Comme la fiancée du Cantique, il court à la quête de celui que son cœur aime. Comme le disciple bien aimé, il croit le percevoir dans l’obscurité d’une tombe vide ou au bord d’un lac enfoui sous la brume. La route n’est pas toujours sûre, le chemin mal balisé. Le pèlerin n’est pas à l’abri du faux pas, ni de l’impasse qui conduit nulle part. Il s’égare faute de repères, ou, lassé et découragé, il s’écrase au bord du chemin. A moins qu’il ne cède à la séduction d’autres aventures.

Le chrétien médiéval n’était pas dupe de ces dangers. Il prie Marie de l’en préserver: Iter para tutum! Il prend la Mère comme compagne de route et se laisse conduire par elle jusqu’à l’étape finale: la vision tant attendue, celle que les théologiens d’autrefois appelaient le «face à face» ou la vision bienheureuse, assortie d’une joie imprenable. Ut videntes Jesum semper collaetemur.

La «petite voie»

Nombre de nos contemporains verront dans ce voyage non pas une marche à la clarté de l’étoile, mais l’illusion naïve d’un mirage. Pourtant, eux aussi courent. Mais pour quoi et pour qui courent-ils? Le savent-ils seulement ? Peut-être ne courent-ils que pour s’étourdir et masquer le vide tragique qui marquera la fin de leur parcours.

Entre désespérance et naïveté que choisir? Je ne me laisserai pas enfermer dans ce dilemme. Je m’accroche à une parole d’évangile. Le Fils a le visage du Père. Qui me voit a vu le Père! Pas d’autre chemin vers Dieu que celui-là. Je n’aurai pas assez d’une vie pour le parcourir. Mais, avant qu’elle ne s’épuise: «Je cherche le visage, le visage du Seigneur… tout au fond de vos cœurs!».

Un souvenir m’étreint. Deux jours avant sa mort, au terme d’un long voyage, un frère aîné me confiait avec sérénité : « Je n’ai pas peur de mourir. Je vais voir Dieu».

Ceci dit, je respecte les religions ou les philosophies qui proposent d’autres chemins. Je respecte aussi ceux et celles qui n’en proposent aucun. Mais qu’on ne me détourne pas de ma «petite voie». Elle me suffit .

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Guy Musy

Guy Musy

Guy Musy, rédacteur responsable

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… il y eut un soir! https://www.revue-sources.org/il-y-eut-un-soir/ https://www.revue-sources.org/il-y-eut-un-soir/#respond Mon, 01 Jul 2013 08:28:52 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=298 [print-me]

Sol non occidat super iracundiam vestram. Y a-t-il expression plus incisive pour illustrer le temps et sa vanité que les célèbres cadrans solaires?

«Sol non occidat super iracundiam vestram». «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère!»

«Sol non occidat super iracundiam vestram». «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère!»

S’il est exact que leur fonction horaire était secondaire par rapport à la fonction sociale et esthétique, le touriste-voyageur se soustraira difficilement à la fascination de leurs adages intempestifs, tenus d’ordinaire en latin. Celui, par exemple, déniché sur une maison seigneuriale de Viège (Valais) qui vous procure des frissons en affirmant que chaque heure qui passe vous blesse, et que la dernière vous tue – «omnes vulnerant – ultima necat». Ou alors cet autre cadran solaire, plus récent, découvert à Saint-Véran (Hautes Alpes) et qui, assorti d’un coq, «marque les premières heures de ton éternité». Arrêtons-nous cependant à celui que la revue reproduit ci-contre et qui fait la fierté d’une belle demeure dans le canton de Zoug: «Sol non occidat super iracundiam vestram». «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère!»

Finir la journée en beauté

L’adage est tirée de l’Epître aux Ephésiens, chapitre 4, verset 26. Il se prête à merveille pour évoquer le crépuscule, la nuit tombante, une fin de journée… et la signification que celles-ci prennent dans la vie de l’humain, et pas uniquement de l’enfant. «Au matin qu’il y eut» suivra inéluctablement «le soir qu’il y a». Rien de surprenant donc si la fin d’une journée, tout comme son début, se retrouve investie d’une profonde symbolique spirituelle. Il s’agit de finir la journée en beauté, libre et libéré de la colère et du ressentiment. Certains auteurs spirituels n’hésitent pas à parler d’une culture nocturne proprement chrétienne.

«Que le soleil ne se couche pas sur votre colère». Cette exhortation est développée par l’Epître aux Ephésiens dans un long chapitre à caractère éthique, sans structure claire et nette. Comme le fait remarquer la Bible Bayard, ces consignes visent à donner des orientations générales valables au quotidien. Le chapitre en question souligne le fait que la conduite de vie d’un chrétien se démarquera de celle des «païens». Un croyant bouclera sa journée autrement qu’un incroyant. Sa foi en Christ l’invite à donner au coucher du soleil une signification nouvelle.

Le soleil couchant nous presse, surtout, à faire la vérité en profondeur, dans un dernier face-à-face avec celui qui se révèle à nous comme «Christ et Seigneur».

Au moment même d’observer le soleil qui s’éteint à l’horizon, le croyant voit se lever sur la nuit naissante et en lui un autre astre, le Christ lumière. Il devient alors impossible d’entrer dans l’obscurité abyssale de la nuit sans avoir purifié au préalable le jour en déclin de la colère et des ressentiments qu’il aurait vu surgir. Les enfants le pressentent mieux que les adultes: avant de s’endormir, ils tiennent à dissiper les contentieux que la journée écoulée a suscités au foyer.

Colère de l’homme et colère de Dieu

Mais comment se libérer des tourbillons de la colère causés par les aléas d’une moche journée qui touche à sa fin? Il est peu probable que la lettre aux Ephésiens veuille nous entraîner dans des considérations d’ordre physiologique, psychologique, philosophique, moral… Et à l’époque, la colère n’était pas encore devenue un des sept péchés capitaux!

La colère est tout d’abord cet état d’âme qui nous prive de sommeil. Tourmentée par mille ressentiments, l’âme ne saurait se reposer en paix. Pour l’Epitre aux Ephésiens, le ressentiment est diabolique, littéralement, car quiconque succombera aux poussées de la colère «donne emprise au diable». Le démon, ce trouble-fête, brouille les relations humaines. Ceux ou celles qui sont à l’origine de ma colère, méritent-ils encore ma confiance? mon affection? mon amour? Le tentateur m’incite à les laisser tomber.

En chrétiens, nous avons une totale liberté pour parler de la colère, la reconnaître et même l’admettre. C’est que Dieu lui-même l’a éprouvée, et c’est là un fait bien troublant! «Dans sa colère il a juré, jamais ils n’entreront dans mon repos» (Psaume 94). Causée par des hommes aux cœurs égarés et endurcis, la colère tente le Seigneur, diaboliquement, de les «abandonner et leur cacher sa face» (Deutéronome31,17). Colère doublée d’amertume et accompagnée du regret «de les avoir faits» (Genèse 6,7).

Mais, ce même Yahvé est aussi un Dieu «lent à la colère et plein d’amour» (Psaume 144). Son affection pour le peuple infidèle, scellée par alliance, ne saurait le lâcher. L’histoire du Peuple élu est à lire du début à la fin comme le récit incessamment repris d’une confiance retrouvée et d’un amour à renouveler – «avant le coucher du soleil»! C’est-à-dire avant de voir les relations humaines et la vie tout court sombrer dans une nuit opaque, sans aurore et sans lendemain. Tandis que l’homme croyant, dégagé de sa colère et aux ressentiments apaisés, s’endort en paix, le gardien d’Israël, lui, ne sommeille pas. «Celui qui te garde, ne peut dormir» (Psaume 121).

L’heure de vérité

«Sol non occidat super iracundiam vestram». Auteur de mensonges mignons et autres plus graves qui nous font douter de la confiance et de l’amour, le diable est aussi à l’origine du grand mirage qui consiste à «nier que Jésus est le Christ» (1 Jean 2,22). L’heure du sommeil se révélera, une fois encore, comme l’heure de la vérité. Instant propice pour régler les contentieux mineurs de la journée, le soleil couchant nous presse, surtout, à faire la vérité en profondeur, dans un dernier face-à-face avec celui qui se révèle à nous comme «Christ et Seigneur».

Tel soir sera suivi de tel matin.

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Clau Lombriser

Clau Lombriser

Le frère dominicain Clau Lombriser, membre de l’équipe rédactionnelle de la revue «Sources», est responsable, au nom de la Conférence des évêques suisses, des prêtres «Fidei Donum» en service dans un diocèse étranger.

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Prière sur le temps et l’histoire https://www.revue-sources.org/priere-sur-le-temps-et-lhistoire/ https://www.revue-sources.org/priere-sur-le-temps-et-lhistoire/#respond Mon, 01 Jul 2013 08:16:20 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=286 [print-me]

Dieu du temps et de l’histoire,
des commencements et des résurrections,
Dieu de la mémoire et de la promesse,
enseigne-nous à vivre avec et dans le temps,
à l’accueillir comme un cadeau;
donne-nous de l’aimer dans ses dimensions d’instant et d’éternité.

Donne-nous d’aimer le temps passé:
qu’il soit pour nous mémoire,
plutôt que nostalgie,
sève et sagesse de vie,
plutôt que relique idolâtrée.

Donne-nous d’aimer le temps à venir:
qu’il soit pour nous destination choisie et maintenue,
plutôt qu’inconnue d’un destin redouté,
promesse qui rassemble,
plutôt que rétribution qui divise.

Donne-nous surtout d’aimer le temps présent:
qu’il soit dans nos mains comme une pâte à pétrir,
plutôt que sable fuyant entre nos doigts,
signe de ton Royaume à suivre sur nos chemins d’humanité,
plutôt qu’empire à préserver.

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Ion Karakash, Pasteur réformé genevois

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A Bose, on ne communique que ce que l’on vit https://www.revue-sources.org/a-bose-on-ne-communique-que-ce-que-lon-vit/ https://www.revue-sources.org/a-bose-on-ne-communique-que-ce-que-lon-vit/#respond Tue, 01 Jan 2013 11:04:22 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=389 [print-me]

La Communauté de Bose (Italie du Nord) est une communauté monastique de frères et de sœurs qui, jour après jour, cherchent à vivre les exigences de l’Évangile dans leur beauté et leur radicalité, à travers le célibat et la vie commune.

Les membres de la communauté appartiennent à différentes Églises chrétiennes: la majorité sont catholiques, mais plusieurs réformés en font partie et une sœur orthodoxe prend également part à cette vie. Bose, qui est donc à la fois mixte et œcuménique, compte actuellement environ quatre-vingts religieux: quarante-cinq hommes et trente-cinq femmes. À travers leur existence, les moines et les moniales de Bose transmettent assurément quelque chose de leur foi à ceux qui les côtoient, qu’ils soient hôtes réguliers ou visiteurs de passage. Cette transmission, qui n’est pas le but premier de cette vie en communauté mais en est comme un fruit, naît de l’intention des frères et des sœurs de se situer dans la compagnie des hommes et des femmes de leur temps et de se mettre à leur service.

Bose ne se pose ici en aucun cas comme modèle, mais peut simplement donner le témoignage de la foi qui anime ses membres. A Bose, aucun effort spécifique n’est fourni pour proposer concrètement la foi. Mais c’est à travers l’authenticité de ce qu’ils vivent entre eux que les chrétiens – et en particulier ceux qui partagent une vie communautaire – rayonnent éventuellement vers d’autres une étincelle de l’espérance qui les anime. En effet, avant de se transmettre par des mots, la foi passe davantage par le témoignage d’une vie reconnue comme belle et heureuse. C’est parce que notre quotidien manifeste que ce qui nous fait vivre ensemble colore notre existence de beauté et même de bonheur que nous parvenons aussi à transmettre, par notre existence même, quelque chose de crédible concernant la foi qui nous anime. S’agirait-il là d’une manière somme toute égoïste de concevoir la transmission de la foi? C’est bien davantage l’idée selon laquelle on ne peut communiquer à d’autres que ce que l’on vit concrètement dans sa propre personne. Et qui est appelé à se propager de proche en proche.

Une grande attention alors est portée à Bose sur la qualité, la sobriété et l’esthétique des temps de prière et de célébration.

Cela passe bien entendu par une dimension proprement humaine qui rappelle notre enracinement et notre cheminement quotidien avec le Seigneur qui s’est lui-même fait homme pour partager et vivifier notre propre existence humaine. Mais cela se traduit aussi par le partage d’une vie commune qui est sans doute une des aspirations fortes de nos contemporains, si souvent tiraillés entre les appels de l’individualisme et l’ouverture démesurée de la mondialisation. La transmission de la foi passe aussi par la célébration quotidienne de la liturgie, mémoire orante de la relation fondamentale qui nous lie les uns aux autres et, en premier lieu, au Seigneur qui a appelé chacun d’entre nous à cette vie de louange et d’intercession. Pour proposer la foi et offrir l’intuition d’un mystère, la beauté d’une prière commune est parfois plus persuasive que de nombreux discours, aussi savants et brillants soient-ils! Une grande attention alors est portée à Bose sur la qualité, la sobriété et l’esthétique des temps de prière et de célébration.

De manière plus prosaïque, des rencontres touchant la Bible ou diverses thématiques de spiritualité sont aussi régulièrement proposées à ceux qui souhaitent y participer. Mais pour les frères et les sœurs de Bose ce n’est encore qu’une occasion de transmettre à d’autres ce qu’ils vivent eux-mêmes. Communauté monastique, Bose n’a aucun mandat pastoral. Elle ne constitue qu’une petite oasis dans le désert où les pèlerins assoiffés peuvent venir partager un brin de fraîcheur ou une goutte d’eau. Le temps d’une brève halte, avant de reprendre la route.

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Le frère Matthias Wirz, de nationalité suisse, est membre de la Communauté de Bose, fondée par Enzo Bianchi, dans le Nord de l’Italie.

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La prière commune https://www.revue-sources.org/priere-commune-chemin-royal-transmettre-foi/ https://www.revue-sources.org/priere-commune-chemin-royal-transmettre-foi/#respond Tue, 01 Jan 2013 11:00:23 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=383 [print-me]

S’il y a dans ma vie de prêtre une chose que je regrette sincèrement c’est bien de ne pas avoir proposé plus souvent la prière!

La réserve et la pudeur caractéristiques de notre époque à l’égard de cet acte combien intime et personnel m’ont parfois empêché d’inviter à prier ensemble. Encore dernièrement, alors que je venais de recevoir la visite d’un diacre catholique et de son épouse, l’un et l’autre missionnaires au Kazakhstan. Au terme de notre entretien, je me suis limité à les accompagner poliment à leur voiture. Eux non plus n’ont osé délier nos langues, alors que le Notre Père était sur les lèvres.

Cette conversion à la prière a mis du temps à frayer son chemin dans ma vie. Graduellement, elle s’est imposée comme une évidence au curé de paroisse que je fus durant 17ans. Et même comme un passage privilégié qu’aime emprunter la transmission de la foi.

C’est un véritable drame de constater que trop de rencontres et de réunions ecclésiales, administratives ou autres se trouvent privées de la dimension spirituelle que leur accorderait une prière en commun. Proposée comme la chose la plus naturelle du monde, elle se révélerait rapidement bénéfique, notamment à la fin d’une journée de travail. L’homme est fait pour prier et sa foi grandit et se renforce en priant.

C’est un véritable drame de constater que trop de rencontres et de réunions ecclésiales (…) se trouvent privées de la dimension spirituelle que leur accorderait une prière en commun.

Les enfants du catéchisme et les jeunes de l’aumônerie seront les premiers bénéficiaires de cette pédagogie vénérable que la religion chrétienne propose en guise d’initiation. Le catéchumène, ne reçoit-il pas à un moment donné de son initiation le «Notre Père»? Pas de leçon de catéchisme, pas de soirée de parents, pas de sortie scoute sans chants et prières. Initiés de la sorte, adolescents et adultes apprennent non seulement à prier, mais découvrent qu’ils sont capables de prier. Puissant facteur de cohésion, la prière commune rend les jeunes complices d’une expérience singulière dont ils découvriront rapidement qu’elle n’est pas à la portée de tous leurs amis et copains.

On sait que la prière personnelle et communautaire tient une place de choix au sein des Equipes Notre-Dame. Les foyers en bénéficient, tout comme les communautés chrétiennes elles-mêmes. Ce n’est donc pas par hasard que d’autres groupes paroissiaux, moins structurés, s’en inspirent. Ainsi les Jeunes foyers de la paroisse francophone de Zurich. Just married il y a quelques années, et devenus depuis parents, ils ont rapidement acquis l’heureuse habitude d’ouvrir leurs soirées mensuelles par un moment de prière, ponctué par la lecture de l’évangile du jour, d’intercessions et du «Notre Père». En cela, les initiés entraînent les novices, les confirmés, les hésitants. La parole se libère en priant.

Sans vouloir trancher de la relation entre foi et prière, force est de constater qu’on devient croyant en priant. Proposer de prier et oser prier ensemble pourrait donc bel et bien constituer un chemin royal de la transmission de la foi.

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Clau Lombriser

Clau Lombriser

Le frère dominicain Clau Lombriser fut pendant 17 ans curé de la communauté francophone de Zurich. Aujourd’hui, père maître des étudiants au couvent de formation St.Hyacinthe de Fribourg et membre de notre équipe de rédaction.

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Quand Dieu s’invite en prison https://www.revue-sources.org/quand-dieu-sinvite-en-prison-2/ https://www.revue-sources.org/quand-dieu-sinvite-en-prison-2/#respond Tue, 01 Jan 2013 10:55:22 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=375 [print-me]

Notre Dieu, qui ne manque pas de créativité, nous donne rendez-vous dans des carrefours inattendus et insoupçonnés. La prison n’est pas exclusivement un lieu territorial, mais surtout un lieu «existentiel», marqué par l’expérience de la perte de sa liberté, de la douloureuse séparation des liens familiaux, de la confrontation avec soi-même.

Peut-elle devenir aussi le lieu de la proposition de la foi? En tant qu’aumôniers, nous essayons d’adapter nos pas au rythme de ceux et celles que nous accompagnons, de devenir «guetteurs» de l’œuvre de l’Esprit. Au fond, Dieu «se propose» Lui-même et ne cesse d’attirer à Lui tous ceux et celles qui le cherchent dans la sincérité du cœur.

Merci à nos deux frères dans la foi qui ont accepté d’oser une parole et de témoigner, avec leurs propres mots, de leur parcours spirituel. Que ces paroles puissent aussi redonner courage et espérance à toutes les personnes détenues qui, devant l’âpreté de l’expérience de l’incarcération, n’arrivent pas à «se redresser et à relever la tête». Oui, la grâce de Dieu peut transformer ce «temps perdu en temps fécond»!

Foi de nuit

En mars 2008, ma vie a basculé. J’entre en prison en abandonnant ma femme enceinte, à une semaine d’accoucher de notre enfant. Le ciel venait ainsi de tomber sur ma tête. Dès lors, la douleur, faite de culpabilité, de remords et d’enfermement s’est emparée de moi. J’étais complètement assommé et vidé de mon être. Les nuits m’étaient longues et surtout blanches. Mais de ces nuits torturantes, commençaient par s’échapper des réflexions mûres et approfondies sur ce que je suis, ce que je devrais être et ce qui devrait être ma priorité. Très vite, mes préoccupations allaient sur DIEU.

Je ne cherchais pas forcément un sauveur pour me sortir des antres du naufrage, je n’étais même pas dans la dynamique de recherche d’un salut. Mais j’étais épris de toutes sortes de questionnements sur Dieu et sur la spiritualité en général. La nuit, que je redoutais pour son âpreté, ne me pesait plus. J’y prenais même goût. Elle me permettait d’avancer dans ma réflexion. J’en étais arrivé à un stade où il fallait échanger avec une personne avertie sur ces sujets qui me passionnaient et qui transformaient mon incarcération en une sorte de quête.

Je fis appel aux aumôniers. De nos rencontres hebdomadaires, et de mes lectures de textes bibliques et philosophiques, s’est peaufinée et s’est forgée mon orientation spirituelle. Celle-ci sera renforcée au fil du temps. En somme, Dieu manifesta sa miséricorde à mon égard en me donnant cet irrésistible et imparable cheminement vers Lui. De ce cheminement, j’étais le seul à m’en dévier dans ma fratrie. En effet, par une conjonction d’événements, je n’ai pas été baptisé à ma naissance comme mes autres frères. Le trop plein de rationnel en moi ne m’aidait pas non plus à trouver les chemins sinueux mais combien salvateurs de la foi. Je végétais dans une sorte de néant spirituel. Au plan de l’Esprit et du partage de la Vérité, je n’existais pas. Mon incarcération est venue consacrer en moi cette Vérité dans l’Esprit.

Ma foi, que je conçois comme une audace, a pris toute sa dimension et sa force entre quatre murs, loin du charivari ambiant. J’étais face à moi-même, j’étais face à la Vérité. C’est-à-dire: «Je l’ai cherché, et il n’a pas détourné de moi sa face. Et maintenant, je le louerai dans la Grande Assemblée» (Ps 21, 1 Tm 6,16). Aujourd’hui mon esprit se trouve dans un état de gratitude et de félicité car le saint Mystère qui dépasse toute intelligence se révèle à moi. On m’a souvent dit que je suis né de la nuit, les ténèbres de la geôle et dans les dédales des barbelés. Je me retrouve sous la douce emprise du Seigneur et j’avance inlassablement sur mon chemin.

Maintenant, je me demande comment ai-je pu traverser toutes ces années sans cette foi, dépourvu de cette force apaisante et rassurante? Comment ai-je pu évoluer en dehors du champ de cette Lumière inhérente au Père des lumières (Jc 1,17)? Lumière qui m’a renouvelé et crée de nouveau à travers le Baptême. Comme quoi, des ténèbres (prison) peut jaillir la lumière. J’en suis une preuve. Jésus nous tend la main, où que nous sommes, quoi qu’on ait fait. Je suis honoré d’être dans cette Lumière, car: «Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire» (Jn 6,44) a dit le Christ. Si tout petit que je suis, si pécheur que je suis, le Seigneur m’attire à lui, alors sa Miséricorde et son Amour sont sans exclusive.

Cette tribune pour témoigner de cette Foi inébranlable au Christ Vivant est aussi une occasion pour moi de remercier très sincèrement l’évêque, qui a officié ma cérémonie de baptême, mon parrain et ma marraine et tout le personnel de la prison pour leur inestimable accompagnement sur ce chemin de l’Amour et de la Vérité dans le Christ.

Dominique*

Spirituellement libre

Dans mon pays d’origine, la religion nous est inculquée depuis que nous sommes tout petits, et comme tous les enfants j’ai appris comment prier le Notre Père et d’autres prières. Au fur et à mesure que le temps passait mon désir de mieux connaître augmentait. Quand je racontais à ma maman ce qui m’arrivait, elle me disait de prier car Dieu m’écouterait et me parlerait. C’est ainsi que j’ai fait, mais je n’ai reçu aucune réponse à mes prières; c’est à partir de ce moment que commença la plus grande recherche de ma vie.

Pendant longtemps j’ai été dans plusieurs lieux, j’ai parlé à plusieurs personnes afin qu’elles puissent m’aider à écouter Dieu, mais aucun lieu ni personne n’a pu m’aider.

Le temps a passé et il est arrivé un moment, dans ma vie, où tout a commencé à s’écrouler. Tout allait très mal pour moi; j’ai perdu mon travail, la proximité avec ma famille, ma vie de couple, une partie de ma joie et enfin ma liberté. Pendant longtemps, ici en prison, j’ai été préoccupé pour ma famille: j’étais son principal appui et je n’ai pas pu communiquer avec elle pendant six mois.

Depuis mon arrivée en prison, chaque jour je priais pour ma famille, je demandais conseil et un peu de sérénité et un jour j’ai reçu ce que j’avais tant cherché: une réponse.

Tout le monde dit qu’ici c’est un mauvais lieu et passe son temps en rêvant de sa famille ou en se demandant combien de temps va-t-il rester prisonnier. Je ne veux pas dire que pour moi ce n’était pas ainsi, mais je le vis d’une manière différente, sans trop m’occuper de quand je sortirais d’ici et en sachant que ma famille va bien.

Quand j’ai été incarcéré je pensais avoir tout perdu alors qu’en vérité, j’ai gagné beaucoup plus que ce que j’ai perdu.

Aujourd’hui, grâce à Dieu, je me sens spirituellement libre; bien que je sois dans une prison j’ai en moi une paix et une sérénité incroyables; j’ai retrouvé la joie que j’avais et elle est même plus grande qu’autrefois; j’ai des contacts avec ma famille qui reste pour moi un grand appui. Le temps que j’ai passé ici n’a pas été du temps perdu, mais, au contraire, je l’ai transformé en temps fécond.

Felipe*

* Prénoms fictifs

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Federica Cogo fait partie de l’aumônerie œcuménique d’un établissement pénitentiaire de Suisse romande.

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