politique – Revue Sources https://www.revue-sources.org Wed, 02 Aug 2017 06:42:02 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Un magistrat en butte au populisme https://www.revue-sources.org/magistrat-butte-populisme/ https://www.revue-sources.org/magistrat-butte-populisme/#respond Mon, 24 Jul 2017 07:30:54 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2328 [print-me]Populisme. Cela aurait pu être un mot noble mais il a mal tourné. Ou plutôt, il a suivi le même chemin que d’autres expressions qui ont tiré leur origine des réalités du peuple, mais qui sont devenus synonymes d’une situation négative. Les mots latins populus et vulgus ont ont été rapidement dévalorisés par les citadins qui détenaient le pouvoir, pour donner naissance aux mots français :populaire, populace, populisme, vulgaire ou vulgarité. Tandis que les gens de la ville (urbs, civitas), par contre, ont par contraste donné leur nom à l’urbanité ou à la civilité. C’était déjà mal parti…

Ainsi donc, au niveau du langage déjà, on a créé les conditions qui donnent libre cours à l’envie, à la jalousie et au ressentiment qui sont les ressorts de ce qu’on appelle populisme et sur lesquels on souffle pour attiser et renforcer l’animosité ambiante. A force de cloisonner les personnes en castes, de favoriser certains et non les autres, de cataloguer les instruits et les ignorants, la fêlure se transforme en précipice sur lequel il devient dès lors impossible de construire des ponts. Ces précipices artificiels, souhaités et entretenus sont les ferments qui nourrissent la haine entre les humains.

Il est primordial de thématiser cette situation, de l’analyser sans choisir son camp, que l’on soit politicien ou observateur. Ce n’est pas toujours évident. J’ai été moi-même traité de « Conseiller d’Etat populiste » par un journaliste de « Domaine Public ». Probablement parce que j’étais inclassable, indépendant et ne rentrais pas dans les cases du politiquement correct. Pourtant, j’ai envie de donner du crédit à toutes celles et à tous ceux qui s’engagent pour servir le bien commun car je veux croire qu’il y a au départ de leur engagement un véritable souci altruiste et généreux.

Jouer avec le vent

Quand les seuls vecteurs de l’information étaient les journaux, puis les radios, la tentation était peut-être moins forte de jouer avec le vent. Quoique si l’on regarde en historien les extraits des « Actualités suisses » émises au cours de la dernière guerre mondiale, on se rend bien compte de la mainmise de l’officialité sur cette presse. Avec l’arrivée de l’image, l’intrusion des sondages, le poison de l’audimat, nous avons créé les conditions pour alimenter le populisme et réveiller en nous les sentiments et les ressentiments négatifs. Ces instruments nouveaux portent en eux, paradoxalement, une défiance par rapport aux lecteurs, aux auditeurs et aux spectateurs. Et si on leur disait ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre ou de voir !

« Audience, audience, c’est toi la plus belle en mon miroir », chante en choeur la grande majorité des actionnaires engagés dans la presse, devenue un moyen comme un autre de faire de l’argent. Quand le nouveau propriétaire de l’Hebdo exige 15% de rendement au profit des actionnaires qui ne gagnent plus assez dans d’autres placements, il décide, sans le dire bien entendu, de mettre à mort la parution de ce magazine dont se moquent par ailleurs ses actionnaires. Ce n’était que du « welche » ! Si cette triste mentalité persiste, je ne donne pas cher de la survie des autres publications du même groupe.

Les sociétés anonymes génèrent le populisme

Les fameuses sociétés anonymes qui deviennent omnipotentes ont été très bien décrites par le Professeur canadien Joël Bakan, dans le livre intitulé : « Corporation » : « La corporation, personne morale aux yeux de la loi, a un comportement déviant qui rappelle à s’y méprendre celui d’un psychopathe. Egocentrique, amorale et inhumaine, elle défend sans relâche son propre intérêt économique, parfois au mépris des conséquences désastreuses de ses actions. Si la poursuite de son objectif l’exige, elle n’hésite pas à exploiter les populations des pays pauvres, vendre des produits dangereux, piller des ressources naturelles, abuser de la naïveté des enfants, diffuser des propos mensongers…. Ces infamies, elles les commettent souvent en pleine impunité, la communauté étant aveuglée par ses prétentions à la responsabilité sociale et les gouvernements ayant renoncé à tout contrôle en optant pour la déréglementation et la privatisation ».

Ce livre a été écrit en 2004. Joël Bakan n’avait même pas imaginé que l’histoire prendrait le mors aux dents et que Trump, spécialiste des sociétés anonymes, sauterait le pas et serait porté au pouvoir par les populistes qu’il méprise en cultivant des « fake news ». Nous revoilà donc au coeur du populisme. Ne croyons pas que nous sommes épargnés chez nous. De trop nombreuses affiches des référendums et initiatives de ces 50 dernières années en portent le sceau. C’est intéressant de constater que ce sont les publicitaires qui vendent la mèche : « Nous ne nous occupons pas de morale. Nous choisissons le dessin le plus efficace, celui qui fait peur, qui déstabilise et qui sert le seul but pour lequel nous sommes payés : gagner la votation »

Sondages et lobbyistes

Vous êtes-vous demandé comment on faisait avant les sondages ? Une histoire pas si vieille, mais qui a affaibli la liberté du citoyen et de la démocratie. Ces sondages sont considérés plus importants que la paix et la sérénité des citoyens. Ainsi, dans les dernières six semaines qui précèdent une votation, si les sondages laissent présager une issue différente de celle souhaitée par certains groupes de pression et que le peuple « ignorant » se prépare à voter en toute indépendance, on injecte en catastrophe quelques millions pour tenter d’inverser la tendance. Ce procédé va de pair avec une nouvelle maladie qui consiste à infester les parlements de lobbyistes. Ce qui revient à dire que lorsque nous élisons nos 246 parlementaires fédéraux, on nous fait accroire que, tout seuls, ces députés ne pourraient pas bien se déterminer, puisqu’ils leur faut encore deux lobbyistes chacun. Avez-vous déjà élu l’un de ces 492 acteurs majeurs de la politique fédérale ? Assureurs ou syndicalistes, riches propriétaires, sans oublier les représentants des multinationales ? Je ne parle pas des dizaines de milliers de leur collègues qui font les courtisans à Bruxelles ou à Washington !

De l’audience avant tout !

Dans les émissions de la RTS visant la formation de l’opinion, que ce soit Forum ou Infrarouge, il faut de l’audience avant tout. Je l’ai vécu. Lors d’un Infrarouge où je devais croiser le fer avec Fernand Cuche (homme politique suisse, du parti écologiste), le journaliste nous dit 

« Je ne la sens pas cette émission. Vous êtes trop copains, vous deux ». A la fin de cette même émission, une autre journaliste qui était à la réalisation arrive au studio et nous dit : « Il y a eu du sang, c’était bien » ! Audimat quand tu nous gouvernes…

La formation paisible de l’opinion ? Loin derrière l’audimat. J’ai entendu lors du G 20 à Evian, des journalistes de radio inventer un buzz à 7 heures avec le maire d’Evian pour en faire le sujet principal du Forum de 18 heures en confrontation avec Genève. Plus subtil encore, pendant le débat télévisé sur l’adhésion de la Suisse à l’ONU en 2002, alors que le représentant du Conseil fédéral tentait de convaincre les téléspectateurs qu’il fallait adhérer, un cameraman filmait Oskar Freysinger qui faisait des simagrées sur sa chaise. Le réalisateur de l’émission n’avait rien trouvé mieux que remplacer la tête du magistrat par les grimaces du politicien valaisan.

Il y a bientôt 40 ans, Bernard Béguin, journaliste éminemment respecté, a osé écrire un livre intitulé :  « Journaliste, qui t’a fait roi ? ». Ce livre devrait être réédité, lu et relu dans toutes les rédactions. Trouverait-on encore le temps de le lire et de le méditer ? Pourtant j’aime la presse, j’aime et je respecte les journalistes consciencieux. Je suis un lecteur, un auditeur et un téléspectateur assidu. Mais il est des moments où je fulmine quand on fait le jeu de la jalousie et du ressentiment qui sont les ferments du populisme.

Dérive journalistique

Pour illustrer encore cette dérive dont certains journalistes assurent ne pas être pas responsables, je ne peux m’empêcher de prendre l’exemple du « retour » orchestré d’Oskar Freysinger lors de l’assemblée de l ‘ASIN du 6 mai dernier. Au téléjournal, la journaliste avait sagement décidé de ne pas montrer le tribun puisqu’il refusait de parler aux médias responsables, selon lui, de sa non réélection. Tout au contraire, dans le Matin Dimanche du 7 mai on eut droit à une photo pleine page (25 cm sur 18) du politicien. Et comme pour confirmer la dérive, sur la même page on n’avait qu’une toute petite mention du Pape François recevant la Présidente Doris Leuthard. Une photo de 9 cm sur 6 ! O tempora ! O mores !

Quand le berger suit les brebis

Le même 6 mai j’avais particulièrement apprécié la réflexion de Louis Ruffieux dans La Liberté, un journaliste dans la ligne de François Gross et de Roger de Diesbach. Son édito était intitulé : « Quand les bergers suivent les brebis ». Louis Ruffieux s’interrogeait sur l ‘Eglise de France incapable de mettre en garde ses ouailles tentées par le Front national. « Leur rejet de la modernité les conduit à épouser les mouvements les plus nauséeux et les thèses les plus régressives ». Puis plus loin, citant le Cardinal Decourtray : « Comment pourrions-nous laisser croire qu’un langage et des théories qui méprisent l’immigré ont la caution de l’Eglise de Jésus-Christ ? » Combien de compromissions nous faudra-t-il encore avaler par faiblesse ou lâcheté ?

Restons modestes

Pour rester modeste et responsable, je dois admettre qu’on est tous au bord du risque du populisme si on doit convaincre pour être élu ou réélu. Mais si les bases éthiques sont là, on pourra toujours trouver la force de prendre des décisions et de poser des actes qui rendent impossible le rejet d’un être humain et empêchent d’aboyer avec les loups. « Homme mon frère…» nous faisait chanter Don Helder Camara, l’Archevêque défenseur des pauvres brésiliens. Anne-Catherine Lyon qui n’a pas flirté avec le populisme a eu cette belle parole de Roosevelt en quittant son poste de Conseillère d’Etat : « Le progrès est accompli par celui qui fait les choses et non pas par celui qui dénonce comment elles n’auraient pas du être faites ». Voilà qui fait toute la différence. Pascal Corminboeuf.[print-me]


Pascal Corminboeuf (photo), ancien conseil d’Etat fribourgeois, réélu sans parti à deux reprises au premier tour de scrutin, sur une liste qui ne portait que son nom.

]]>
https://www.revue-sources.org/magistrat-butte-populisme/feed/ 0
Journalistes et politiciens à l’épreuve du populisme https://www.revue-sources.org/journalistes-politiciens-a-lepreuve-populisme/ https://www.revue-sources.org/journalistes-politiciens-a-lepreuve-populisme/#comments Mon, 24 Jul 2017 07:20:21 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2332 [print-me]Au début, ce fut simple et idyllique: pas de démocratie sans liberté d’opinion et sans liberté de presse. Les pères fondateurs des Etats-Unis l’affirment dans leur Constitution, la Révolution française et ses répliques tumultueuses sur tout le continent européen l’illustreront: élus et journalistes oeuvrent pour le bien commun. Il n’est pas rare que les parlementaires manient la plume pour défendre leurs idées ou que les plumitifs s’offrent au suffrage universel.

Au XXème siècle, l’industrialisation de la production des journaux et le formidable essor de la publicité cassent peu à peu ce lien vital pour la santé démocratique. La presse devient généraliste mais d’autant plus puissante dans son rôle de contre-pouvoir inquisitorial que le travail des rédactions est financé par la manne qui semble, alors, sans fin des annonceurs.

Politiques et chroniqueurs de la chose publique entrent dans la phase orageuse de leurs relations, on nage en plein «je t’aime, moi non plus». Les uns ont besoin des autres et vice versa pour exister, les uns pour séduire les électeurs, les autres pour intéresser les lecteurs, les auditeurs, les téléspectateurs.

La classe polico-médiatique

Quand ils se pencheront sur la résurgence du populisme dans le premier quart du XXIième siècle, les historiens du futur prêteront certainement attention à une antienne qui se répand dès la fin des années 1980: «la classe politico-médiatique». Le concept, qui jette un même opprobre sur les politiciens et les journalistes, fait toujours autant fureur, on parle désormais d’élites et d’«entre-soi» pour qualifier leurs liens. Coupés du peuple et de ses préoccupations, les uns comme les autres failliraient dans leur mission conjointe de servir la démocratie, tout occupés à proroger les privilèges dont ils jouissent.

C’est le moment opportun pour exiger des journalistes l’art de la critique constructive et des politiciens l’obsession des résultats concrets.

Les enquêtes d’opinion qui mesurent la confiance de la population envers divers professions ou institutions sont impitoyables: les politicards comme les journaleux squattent les dernières places du classement. Cette mauvaise réputation ne les rend pas plus solidaires.

Actuellement, les deux castes sont pareillement «disruptées» par la montée en puissance des réseaux sociaux. Plus besoin ni des uns ni des autres dans un monde orwellien où les sondages en ligne seraient permanents, nourrissant l’illusion que les citoyens décident en toute liberté, et surtout pas orientés par les intermédiaires, les médiateurs, que sont les rédacteurs et les partis politiques.

Juguler le populisme

Voilà pour le contexte. On s’inquiète des ravages du populismes, mais peu de la disqualification que subissent ceux dont la démocratie a besoin pour fonctionner: d’une part les représentants légitimement choisis par les citoyens et, d’autre part, les fabricants d’opinion qui font métier de rendre compte et de questionner le monde tel qu’il est, d’apporter avec honnêteté intellectuelle le vertige de la contradiction.

Juguler le populisme à long terme nécessitera de travailler sur toutes ses causes. En premier lieu, le mal être social et économique qui laisse en moyenne européenne au moins un travailleur sur dix au chômage. Sans emploi, sans perspectives salariales dignes, difficile de ne pas céder aux discours qui promettent que demain sera meilleur et plus juste.

En second lieu, la presse, mais également le monde académique, les artistes, tous ceux qui ont vocation à réfléchir sur le monde et ses dysfonctionnements, doivent s’engager plus activement, déconstruire les solutions «perlimpimpesques» des démagogues, proposer des alternatives,…

Un brin d’autocritique

Dans cet exercice, un brin d’autocritique des journalistes sera bienvenu. Par manque de moyens (souvent) mais aussi d’ambition et d’exigence, par goût du spectacle, par paresse, ils n’ont pas assez combattu les populistes. Ils ont été une caisse de résonance alors qu’ils auraient dû se dresser en rempart.

Ils ont cédé à la «pipolisation» de la vie politique, ravageuse entre toutes, jouant sur l’émotion, la simplification, alors que les problèmes sont complexes. Ils ont personnifié les enjeux à l’excès, alors que la volonté, pour être efficace, doit s’appuyer sur le collectif.

Le journaliste doit, avec humilité, retrouver le sens de sa mission: décrire les événements du monde, leur donner une profondeur historique et éthique, afin de fournir aux citoyens les moyens de décider en conscience. Ce faisant, les acteurs médiatiques retrouveront la confiance de leur public.

Urgence de reconstruire

La crise de la presse n’est pas que technologique ou financière, c’est une crise de la démocratie. Pour les journalistes, lâchés par des éditeurs plus soucieux de leurs bénéfices que de leur responsabilité sociale, tout est à reconstruire. Pour les élus, bousculés par les démagogues, aussi. C’est le bon moment pour recommencer à travailler ensemble, dans le respect des prérogatives et des compétences de chacun. C’est le moment opportun pour exiger des journalistes l’art de la critique constructive et des politiciens l’obsession des résultats concrets. Face aux populistes, il est urgent que les uns comme les autres retrouvent ce qui leur a tant manqué récemment: la force de convaincre, à la loyale, sans tromper ni divertir.[print-me]


(© twitter.com/chantaltauxe)

Journaliste basée à Lausanne, Chantal Tauxe a travaillé successivement à 24 Heures, Le Matin, l’Illustré et L’Hebdo, dont elle a été la rédactrice en chef adjointe (de 2003 à 2016). Depuis 2017, elle collabore aux travaux de Médias pour tous visant à refonder les conditions-cadre du journalisme en Suisse. Elle est membre de l’équipe Bon pour la tête et publie régulièrement sur son blog personnel.

]]>
https://www.revue-sources.org/journalistes-politiciens-a-lepreuve-populisme/feed/ 1
S’engager en politique https://www.revue-sources.org/sengager-en-politique/ https://www.revue-sources.org/sengager-en-politique/#respond Thu, 01 Jan 2015 14:21:57 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=223 [print-me]

A quel moment et dans quelles circonstances débuta votre engagement en politique?

En 2000, le canton de Fribourg a élu les membres d’une assemblée constituante chargée de la révision complète de la Constitution cantonale. J’étais candidate à cette élection. C’est à cette occasion que j’ai fait mon entrée en politique. J’avais alors 43 ans et ne m’étais jamais engagée sur ce plan.

Quelle ne fut pas ma surprise le 12 mars de cette année-là, lorsqu’au soir de l’élection j’appris que j’allais me trouver pour une durée de quatre ans parmi les 130 élus à la Constituante. Mon nom avait figuré sur une liste indépendante, hors parti, le «groupe citoyen». Contre toute attente, ce groupe obtint onze élus. J’étais du nombre. C’est ainsi que je pris goût à la politique, grâce à cette expérience exceptionnelle de participer à la révision de la Constitution cantonale. La dernière datait de 1857.

L’engagement c’est donner du temps, mais, plus encore, c’est répondre aux appels qui nous parviennent sur le parcours de nos vies.

Engagée sur cette voie, je fus sollicitée pour assumer d’autres responsabilités politiques. Ainsi, quelques années plus tard, je fus élue à l’exécutif communal de Belfaux, ma commune de domicile. Il me fallut alors apprendre «sur le tas» le fonctionnement du système et me confronter aux difficultés très concrètes des réalités villageoises. Je n’en avais aucune idée jusque là. Responsabilités et travaux pas toujours gratifiants. Les décisions prises ne pouvaient plaire à tout le monde. Pourtant, j’ai beaucoup aimé traiter de projets qui touchaient directement la vie quotidienne des citoyennes et citoyens. Il ne me fut pas toujours possible de réaliser leurs propositions et leurs rêves, mais le dialogue et l’écoute suffisaient à calmer les esprits.

Quels sont vos mandats actuels? Et quelles sont les motivations qui vous ont conduite à les accepter?

Depuis 2011 j’ai accédé à la députation du Grand Conseil fribourgeois, l’organe législatif du canton. Un peu plus éloignés des problèmes quotidiens, les députés sont chargés d’élaborer les lois et surveillent, en quelque sorte, le Conseil d’Etat chargé d’exécuter et de mettre en application cette législation. Pour pouvoir agir au sein de ce parlement et influencer les changements de société, j’ai dû suivre les règles du système démocratique et intégrer un parti politique. Pour moi, ce fut le parti socialiste. Mon appartenance à ce groupe parlementaire me permet de défendre mes convictions et mes points de vue. Même s’ils ne sont pas toujours admis par d’autres députés.

Comment associer votre vie privée et professionnelle avec l’exercice de vos mandats politiques?

L’engagement c’est donner du temps, mais, plus encore, c’est répondre aux appels qui nous parviennent sur le parcours de nos vies. Pendant plusieurs années j’ai répondu aux besoins de ma famille, de mon fils et de mes amis. Je me suis engagée dans un comité de parents d’élèves, dans des mouvements d’Eglise, dans des associations culturelles. Lorsque j’ai commencé mon engagement politique les occupations familiales avaient diminué. Mon engagement n’a pas changé d’orientation, bien au contraire. J’ai simplement fait le pas d’accueillir des responsabilités qui me permettraient de continuer d’accomplir les missions auxquelles je tenais.

Dans mon travail professionnel, mes activités au sein du centre culturel dont je suis responsable me permettent de m’organiser librement. C’est un avantage bien appréciable. En effet, la disponibilité est un atout indispensable pour s’adonner aux responsabilités politiques.

Quels bénéfices personnels en retirez-vous? (Je ne parle pas de vos jetons de présence!). Y a-t-il une expérience particulièrement positive dont vous aimeriez parler? Et peut-être aussi vos déceptions…

L’expérience de la politique me fait grandir chaque jour davantage. Les défis sont nombreux, personnels et sociaux. Je me sens toute petite devant la masse de choses à faire, à décider, à accomplir pour avancer sur le chemin de notre réalité sociale. Ma satisfaction n’est pas nécessairement celle d’avoir réussi à faire passer telle ou telle motion ou idée, mais plutôt celle d’œuvrer pour le bien commun, à ma toute petite échelle.

Il est important de donner aux jeunes le goût de la politique.

Les déceptions sont multiples. Par exemple, celles que j’éprouve lors des résultats de votes qui nous sont défavorables. Cependant, les membres d’un parti minoritaire comme le mien apprennent à être des perdants, toujours prêts à repartir et rebondir. Déceptions, mais aussi désillusions. Il y a encore trop de laissés-pour-compte qui n’ont pas trouvé place sur l’échiquier de notre démocratie. Et cela, malgré mes convictions.

Pourquoi la politique suscite-t-elle que peu de vocations? Celles de jeunes, en particulier. Que leur diriez-vous pour les sensibiliser à cet engagement?

Une des causes du désintérêt que suscite l’engagement politique est la charge qu’il impose et la grande disponibilité qu’il réclame. Mais ceci n’est pas particulier à la politique. Il existe des professions incompatibles en termes de disponibilité de temps avec un autre engagement tant soit peu sérieux. D’autre part, la politique de milice de notre système suisse implique que l’on entre en politique sans que le militant n’en connaisse les règles et sans qu’il n’ait appris à gérer les tâches qui lui incombent. De nos jours, les responsabilités sont importantes et difficiles à assumer. Beaucoup d’élus se découragent et démissionnent de leur fonction avant la fin de leur mandat.

Je pense toutefois qu’il est important de donner aux jeunes le goût de la politique. La meilleure voie pour y parvenir est leur engagement dans des associations existantes. On y apprend comment fonctionner ensemble, comment s’accorder pour mener à bien des projets. Ces expériences sont formatrices. Elles permettent aux futurs politiciens et politiciennes d’asseoir leurs engagements sur des convictions profondes, plutôt que chercher à accéder à une promotion personnelle.

[print-me]


Née à Fribourg et mère d’un enfant. Avant de s’engager en politique, Andréa Wassmer s’est investie dans le scoutisme et la JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne). Actuellement elle est responsable d’un espace culturel de sa ville natale et membre de l’équipe rédactionnelle de «Sources».

]]>
https://www.revue-sources.org/sengager-en-politique/feed/ 0