oecuménisme – Revue Sources https://www.revue-sources.org Tue, 28 Feb 2017 13:51:47 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Déchirement et rencontre https://www.revue-sources.org/dechirement-et-rencontre/ https://www.revue-sources.org/dechirement-et-rencontre/#comments Tue, 07 Feb 2017 15:50:45 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2140 [print-me]Avec un petit sourire, j’ai repéré récemment cet intitulé mis en exergue dans une bonne page du quotidien romand Le Temps. Je vous le livre tel que je l’ai lu: «Vous êtes ouvert sur le monde, rationnel, libéral, vous prenez vos responsabilités, vous chérissez avant tout la liberté individuelle et l’esprit critique? Alors vous êtes protestant. Non? Eh bien si.»

A contrario, je déduis de cette étrange confession de foi que ceux qui ne sont pas protestants, catholiques en l’occurrence, sont des individus bornés et prélogiques, qu’il comptent au rang des intégristes rassis, qu’ils ne prennent aucune décision sans avoir préalablement consulté leur curé, ne savent que faire de leur liberté et détestent les gens qui réfléchissent. Si tel était le cas, il serait grand temps que je fasse un pèlerinage du côté de Wittenberg, ou, à la rigueur, que je ne lise plus «Le Temps».

Caricature partagée

Ces clichés ont la vie dure. Je me réjouis de les voir aujourd’hui démentis. Ou plutôt, je constate que la caricature franchit allègrement les frontières confessionnelles. Le cléricalisme, par exemple, n’est plus une marque déposée catholique. Je ne ferai pas le compte des pasteurs jaloux de leur autorité et de leur pouvoir ou des conseillers synodaux et paroissiaux qui se comportent en rois sacristains.

« Ce n’est pas l’évangile qui est devenue obsolète, mais la manière d’en parler et de le vivre »

Quant à la liberté de croyance, j’ai comme l’impression que subsistent dans la tradition réformée des Rubicon à ne pas franchir impunément. Ne serait-ce que la fameuse troïka: «Sola fide, Sola scriptura, Sola gratia». Ce dogme – car c’en est un – en vaut bien d’autres confinés dans le catéchisme catholique.

L’histoire nous rappelle aussi hélas le zèle mis en œuvre par certains pères fondateurs de la Réformation pour éliminer leurs contradicteurs. Allez le demander à Michel Servet à Genève, à Thomas Müntzer en Rhénanie ou aux anabaptistes noyés dans la Limmat à Zurich. Et que dire de Cromwell, bourreau des «papistes» irlandais, dont l’effigie figure sans honte sur un mur célèbre de la«ville de Calvin»?

Mieux vaut s’ignorer que s’étriper

Mais cessons d’additionner nos points. Que chacun balaye devant sa porte ou «broute sur son territoire», selon la formule judicieuse qui mit fin à la première empoignade à couteaux tirés entre catholiques et réformés sur le territoire helvétique.

Cela se passait à Kappel am Albis en 1529. Un pacte de non agression mutuelle ou un «gentlemen agreement» s’en suivit, au terme duquel les adversaires de la veille s’interdisaient de s’ingérer dans les affaires religieuses du voisin, mais restaient maîtres d’en définir chez eux la nature et la teneur. «Cujus regio ejus religio». Ce principe permit aux Confédérés suisses de cohabiter tant bien que mal pendant plusieurs siècles. La religion ne pouvait que les diviser et les opposer à moins de prendre le parti de ne pas en faire état dans leurs affaires communes.

Donc, «chacun chez soi, et les vaches seront bien gardées!» Ou encore: En deçà les «papaux», au-delà les «huguenots», comme le disaient les Payernois protestants et ma grand-mère catholique, habitant un village fribourgeois frontalier. A la rigueur, elle se rendait à la foire de ce bourg «huguenot» pour y vendre ses poules et ses cochons, mais surtout pas pour ramener chez elle des filles à marier par ses garçons. Pendant des siècles, la mixité confessionnelle fut considérée comme facteur de troubles et même comme une aberration religieuse. On vivait les uns à côté des autres, cloisonnés dans des ghettos confessionnels qu’on appellerait de nos jours «communautaristes». La paix civile était à ce prix.

Vreneli et Joël

La libre circulation des personnes à l’intérieur du territoire helvétique – présage de la libre circulation à l’intérieur de l’Europe – prit son temps pour bouleverser ce schéma rigoureux.

La première protestante que je rencontrai de ma vie s’appelait Vérène ou Vreneli, dans son parler bernois. Fille d’un paysan d’Oberland qui avait trouvé domaine dans un hameau de mon village, Vérène fréquentait notre école primaire.

Le second fut Joël, fils d’un pasteur vaudois des environs, avec qui je partageai quelques années plus tard le même banc d’école secondaire. De très bonnes personnes, en l’occurrence, en dépit de leur «bizarrerie» de s’affirmer protestant. Je découvris chez l’un et l’autre une humanité qui semblait faire fi de nos ukases confessionnels et m’obligeait à redéfinir dans mon paysage mes convictions catholiques. Je n’étais donc pas le seul à croire au Dieu de Jésus-Christ? Belle découverte! Mieux encore, la foi de ces amis interpellait la mienne, la purifiait, la développait tout en la rééquilibrant.

L’avènement de l’oecuménisme

Cette expérience fut partagée par ceux et celles que l’amour entraînait à jeter des passerelles par dessus les fossés confessionnels. Il a bien fallu que les Eglises s’y fassent, passant de l’interdiction absolue de célébrer des mariages mixtes à tolérer ces unions contractées dans le secret d’une sacristie (pour éviter le scandale!), puis, de nos jours, autoriser une cérémonie de mariage œcuménique au temple ou à l’église.

Le réveil biblique et conciliaire des années soixante généra une impulsion oecuménique extraordinaire dans le monde catholique. Il s’agissait de rattraper le temps perdu et reprendre le chant des ténors réformés qui dès le début du 20ème siècle avait entonné cette antienne. Ainsi se créèrent de multiples liens entre chrétiens d’obédiences diverses, heureux et étonnés de vivre les mêmes «fondamentaux» chrétiens, ceux-là même que les disputes confessionnelles avaient obscurcis et mis en berne.

Fin des clivages confessionnels?

Certains espéraient que ces rapprochements auraient pu relativiser et même supprimer les particularismes confessionnels. Au point de prendre leurs rêves pour réalité, d’autres s’imaginent que la question est désormais résolue et qu’il n’est plus nécessaire d’y accorder quelque importance que ce soit. Cette vision est partagée par certains offices étatiques, volontiers réducteurs et simplificateurs, heureux de n’avoir en face d’eux qu’une seule famille chrétienne, plutôt qu’un patchwork aux nuances multiples et indéfinissables.

Il faudrait se désoler si nos richesses confessionnelles respectives disparaissaient sous l’effet d’une globalisation qui ne rechercherait que le plus petit dénominateur commun, habituellement proche du néant. Notre patrimoine confessionnel respectif a pu nous diviser certes, mais il est aussi une richesse dont nous pouvons faire part à celui qui relève d’une autre tradition chrétienne. Pendant des décennies, les groupes «Foyers Mixtes» se sont donnés ce remarquable objectif. Je crains qu’ils ne soient désormais fatigués et qu’ils laissent tomber les bras face à l’indifférence religieuse de leurs propres enfants qui sur ce point ne sont pas différents de l’immense majorité des jeunes de leur génération.

Le rejet de toute appartenance religieuse est un phénomène récent qui affecte nos sociétés occidentales. Il lamine nos Eglises et communautés, réduit certains groupes à l’état de moignons, cruellement amputés des foules de fidèles auxquelles ils s’étaient habitués. La survie de certaines dénominations devient problématique. D’où le raidissement et la radicalisation de ces communautés, hantées par la perspective d’une prochaine disparition. Elles réaffirment leur identité confessionnelle originelle et originaire comme si elles voulaient conjurer ce péril.

Malheur ou Chance?

Je ne pense pas que cette voie soit une planche de salut pour sauver ces communautés à la dérive. Le temps n’est certainement pas à l’isolement qui ne ferait que précipiter leur ruine, mais à un nouveau rapprochement entre ceux et celles qui se réclament de Jésus de Nazareth et tentent de mettre leurs pas dans les siens. J’aimerais que ces hommes et ces femmes m’expliquent pourquoi leurs enfants se sont éloignés de la foi qu’ils voulaient leur transmettre. Pourquoi cette rupture de transmission? Ont-ils trahi, déformé le message qu’ils avaient eux-mêmes reçu? Ou alors, est-ce le message lui-même qui ne répond plus aux attentes des nouvelles générations? Si c’était le cas, la «bonne et joyeuse nouvelle» aurait cessé d’être universelle. Elle n’aurait concerné qu’une tranche périmée de l’histoire de l’humanité.

A dire vrai, ce n’est pas l’évangile qui est devenue obsolète, mais la manière d’en parler et de le vivre. Nos Eglises, jusque là glorieusement régnantes, sont devenues réfugiées et exilées sur leurs terres. Est-ce un malheur ou une chance? Le moment est venu de relire – ensemble – les prophètes de l’exil.

Ces graves et urgentes questions devraient préoccuper tous nos responsables d’Eglises et de communautés chrétiennes. Plutôt que fourbir des armes en vue de nouvelles croisades contre les «infidèles» de ce temps, plutôt que s’échiner à résoudre le mystère de la justification ou celui de la transsubstantiation. Même s’il fallait oublier pour un temps qu’il y eût un pape à Rome, un patriarche à Moscou ou Constantinople et Martin Luther à Wittenberg.[print-me]


Frère Guy Musy, dominicain, rédacteur responsable de la revue «Sources».

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Entre nos mains le suaire du Ressuscité https://www.revue-sources.org/entre-nos-mains-suaire-ressuscite/ https://www.revue-sources.org/entre-nos-mains-suaire-ressuscite/#comments Tue, 07 Feb 2017 15:29:54 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2132 [print-me]Ayant dépassé (grâce à Dieu!) depuis peu le cap des quatre-vingts ans, je ne peux m’empêcher d’esquisser un bilan. Non pas de ma propre vie, mais des efforts des Eglises pour tisser leur unité, une tâche qui m’occupe depuis quelques décennies.

Comme d’autres artisans d’unité, une image me guida longtemps: la «tunique sans couture, tissée tout d’une pièce à partir du haut» évoquée par l’évangéliste Jean (19,23-24). Alors qu’ils se partageaient les vêtements du crucifié, cette tunique étonna les soldats: ils décidèrent de ne pas la déchirer, mais de la tirer au sort. C’était avant la mort de Jésus, la tunique était une. Au tombeau vide, Pierre ne découvrit que des bandelettes et le suaire roulé à part. (Jean 20,7) Il n’hérita pas de la tunique sans couture, devenue par le hasard propriété d’un obscur soldat.[1] Pierre hérita du suaire, si du moins il le prit. Comme si, dès le début, l’Eglise était revêtue, non pas de la tunique sans couture, mais du linceul marqué par les plaies, les larmes et le sang du Seigneur.

Tunique ou suaire?

La tunique sans couture était pour moi l’image de l’unité de l’Eglise, déchirée par nos mains malhabiles et nos cœurs étroits, tunique à raccommoder, à rafistoler, avec nos mains toujours malhabiles. Mais la tunique a disparu. Reste entre nos mains le suaire du Ressuscité. Devant le tombeau vide et ce suaire bien rangé, nous sommes, comme les Evangiles le disent des premiers témoins: Ou bien tremblants, troublés, tétanisés, ne disant rien à personne, car nous avons peur. (Marc 16,8) Ou hésitant entre peur et joie, nous l’annonçons. (Matthieu 28,8) Ou enthousiastes comme Marie de Magdala: «J’ai vu le Seigneur, et voici ce qu’il m’a dit.» (Jean 20,18) Ces contradictions évangéliques disent notre état à nous, aujourd’hui, entre pusillanimité et audace, nos divisions dans l’annonce du Christ ressuscité.

« Vivre la synodalité, c’est décider de marcher avec les autres, peut-être plus lentement qu’on ne le ferait seul, mais en se réjouissant que le Ressuscité accompagne les marcheurs »

Le suaire entre nos mains est un signe fort, plus que la tunique sans couture. Il dit aux Eglises: «Etes-vous capables de clamer au monde, ensemble, en même temps, d’une même voix: ‘Il est ressuscité, Celui qui fut crucifié et descendit aux enfers! Il vous invite tous et toutes, bons et mauvais, au festin du Royaume.’ Mais que fait là cet étranger, dans la salle du banquet, sans la tunique de fête? – ‘Je n’ai que mon suaire, Maître, dit l’intrus. Souviens-toi, j’étais tout près de toi sur la croix. Souviens-toi de moi dans ton Royaume!’»

Nous ajoutons aux taches du suaire

Chaque fois que nous fêtons Pâques séparés dans de multiples salles du Royaume, chaque fois que nous sommes ici ou là interdits de table au banquet eucharistique des autres, nous ajoutons aux taches du suaire.

Ne rêvons pas! Dès le début, l’unité de l’Eglise ne fut pas un trésor acquis à tout jamais qu’il suffit de conserver, voire de rabibocher, mais une communion à créer, entretenir, nourrir, un tissage à remettre sans cesse sur le métier.

Au premier millénaire de «l’Eglise indivise», les chrétiens se posaient peut-être la même question que nous: «Quand verrons-nous enfin l’Eglise une?» Conflits théologiques, rivalités des sièges primatiaux, interférences politiques, tentations du pouvoir chez les chefs d’Eglise: tel était le terreau humain, trop humain où devait tomber la bonne semence. Mais le meilleur du peuple de Dieu ne supportait pas ces chamailleries, moins encore l’indifférence qui tourne le dos aux autres. Moins encore la communion ecclésiale rompue qui blesse, une fois encore, le Corps du Christ.

L’histoire des Conciles œcuméniques, du 4e au 8e siècle, n’est pas un long fleuve tranquille où les évêques, de leur barque, se seraient contentés de proclamer: «Voyez qu’il est bon d’habiter ensemble comme des frères!» Chaque fois qu’une crise éclatait, l’impatience de quelques-uns tentait de construire une communion capable de témoigner de «ce qui est cru partout, toujours et par tous».[2]

Des îles à l’archipel

Aujourd’hui, c’est une autre image, moins tourmentée, qui occupe mon esprit. Depuis quelques mois tournent dans ma tête ces vers du poète anglais John Donne, mort en 1631:

«Nul n’est une île en soi suffisante.
Tout homme est une parcelle de continent,
une partie du tout.»

Comme certains d’entre vous, je les ai découverts il y a longtemps, en 1956, au début d’un livre de Thomas Merton. Leur petite musique me revient inlassablement chaque fois que j’évoque la situation de l’Eglise, de nos Eglises.

Iles éparses, les Eglises sont à la surface de l’eau des nénuphars épanouis ou flétris, isolés. Tantôt elles se tournent le dos, s’éloignent ou feignent de se rapprocher, dans un lent ballet dont nos yeux peinent à discerner le sens. L’écume des jours ressemble à un jeu de rôles: les cathos, les orthos, les protos, sans oublier les évangélos, selon le langage familier des sacristies. Ou des jeux de miroirs, quand nous croyons percevoir chez l’autre l’image que nous nous en faisons. Ou des jeux de langage, quand les mots de la tribu dissimulent les réalités. Or, les nénuphars plongent leurs rhizomes, ce qui est enraciné, dans une terre commune, quoique invisible. De même, les îles communiquent entre elles, sans qu’on le voie, dans la paix des profondeurs, dans un fond commun, l’Evangile et le baptême dans la foi.

S’il est illusoire, aujourd’hui, de réunir les Eglises en un continent sans visas, sans limites, sans exclusion, comment ne pas vouloir qu’un archipel les rapproche? La mondialisation interdit aux Eglises le quant-à-soi, l’autarcie. Des Eglises autonomes, autosuffisantes, autocéphales deviennent des Eglises autologales, chacune dans son coin parlant d’elle-même, selon ses propres règles, son propre code de valeurs. Réunir «la Parole en archipel» (si l’on peut détourner ce titre de René Char), c’est reconnaître que «nul n’est une île en soi suffisante».

«N’oubliez pas l’hospitalité

On peut aimer être un insulaire. L’actualité récente le montre. Mais quand on vit en Eglise, de l’Eglise, c’est une illusion mortifère. Ce que j’aime dans l’Eglise – dans mon Eglise quand elle ouvre ses portes – c’est son hospitalité. Quand elle se souvient des mots de la Lettre aux Hébreux: «Que demeure l’amour fraternel! N’oubliez pas l’hospitalité: grâce à elle, sans le savoir, quelques-uns ont accueilli des anges.» (Hébreux 13,1-2) L’auteur fait allusion à Abraham et Sara qui, sans le savoir, accueillirent sous le chêne de Mambré des messagers du Seigneur, le Seigneur lui-même. (Genèse 18,1-17) J’aime mon Eglise quand elle se souvient qu’elle a fait de l’hospitalité d’Abraham l’icône de la Trinité. Et donc l’icône de l’Eglise.

Mais la douleur est grande quand dans mon Eglise trop d’orthodoxes crient à l’hérésie, au schisme, discréditent ces chrétiens hétérodoxes qui ne pensent pas en tout comme eux, qui ne s’organisent pas ou ne prient pas comme eux, qui ne tirent pas de l’humus commun les mêmes éléments nutritifs. La douleur est grande quand ailleurs l’autorité exacerbée annihile le sacerdoce commun des baptisés. La douleur est grande quand des Eglises font chambre à part, hasardant leur destin isolé sur des terres incertaines où seule l’aide des autres permet de progresser.

Rétablir la conciliarité dans l’Eglise du Christ, c’est choisir la concertation plutôt que l’aventure solitaire. Vivre la synodalité, c’est décider de marcher avec les autres, peut-être plus lentement qu’on ne le ferait seul, mais en se réjouissant que le Ressuscité accompagne les marcheurs, «leur expliquant ce qui est dit de lui dans les Ecritures». Pouvoir se dire l’un à l’autre, d’une Eglise à l’autre: «Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous lorsqu’il nous parlait en chemin?» Il fallut que la fraction du pain révélât le compagnon mystérieux. (Luc 24,24-32)

Que le dialogue entre les chrétiens, entre leurs Eglises se fasse dans la vérité et la charité! Que la charité préside à tout! J’aime bien que la charité devienne amitié, quand «l’amour fraternel et tendre nous lie dans une estime réciproque» (Romains 12,10). Il arrive que les grands chefs de grandes Eglises nous en donnent le goût. Que les rencontres plus modestes entre croyants de tous les crus en répercutent la saveur.[print-me]


Noël Ruffieux, laïc orthodoxe, fut longtemps responsable de la Paroisse orthodoxe de Fribourg et président de la Commission œcuménique de la région de Fribourg.

[1] Sur la destinée historique ou légendaire de la tunique, la page Sainte tunique de Wikipédia donne des informations intéressantes.

[2] Vincent de Lérins (5e siècle), Commonitorium I, 2.

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La pastorale des foyers mixtes https://www.revue-sources.org/pastorale-foyers-mixtes/ https://www.revue-sources.org/pastorale-foyers-mixtes/#comments Tue, 07 Feb 2017 14:53:06 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2111 [print-me]Jean-Baptiste Lipp s’est marié en 1987 avec Dominique Lehner, pianiste de confession catholique, qui lui donnera trois enfants. La même année, il recevait la consécration pastorale à Lausanne et prenait son premier poste à la paroisse réformée de Fribourg … jusqu’en 2004, année du déménagement de la famille à la cure de Belmont-sur-Lausanne. En marge de son ministère en paroisse, le pasteur Lipp découvre, avec son épouse, le mouvement des Foyers Mixtes, et s’y engage, notamment à l’école du Père René Beaupère du Centre Saint-Irénée de Lyon.

A la suite du 2ème Rassemblement mondial des Familles interconfessionnelles à Rome en 2003, dont il a été l’un des animateurs, il est appelé à devenir l’aumônier protestant de l’AFI-CH (Association des Foyers Interconfessionnels de Suisse).

Et voici qu’en fin d’année 2016, Jean-Baptiste Lipp nous fait savoir que l’Association de Familles Interconfessionnelles dont il est co-fondateur et aumônier protestant envisage sa disparition. Nos Eglises, constate-t-il avec une certaine amertume, n’ont plus aucun intérêt sur la question et les couples non plus…

Sur sa proposition, nous nous proposons de reprendre ce qu’il a rédigé en 2013 pour la revue Itinéraires, sous forme de thèses et antithèses, laissant encore ouvertes des réponses pour l’heure inaudibles.


Lépreux oubliés!

Avril 2008. Le Comité de l’Association des Familles Interconfessionnelles de Suisse a franchement l’impression de «pédaler dans le yoghourt», après quatre années d’existence. Il devient urgent … de s’arrêter! Retraite du Comité au Monastère œcuménique de Bose. Frère Guido nous encourage à persévérer dans un esprit de non rentabilité… Je joue les prolongations de cette retraite de couples, en passant une semaine de retraite individuelle au Monastère de la Maigrauge. Ce d’autant qu’un Conseiller synodal de mon Eglise m’a interpellé, en ces termes, sur l’affaire des foyers mixtes: «Explique-moi ce dossier? N’est-ce pas trop tard? N’a-t-on pas manqué quelque chose dans nos Eglises?

Je rédige, en dix points, les raisons de tout arrêter en matière de pastorale et de mouvement des foyers mixtes. Un inventaire et un argumentaire de deux pages! C’est comme une croix faite sur un idéal. Puis je riposte, point par point, et trouve, dix raisons de continuer. Quatre pages. Je partage le résultat de mon bilan avec mon Comité de l’AFI-CH, mon Conseiller synodal et quelques oecuménistes. On ne me donnera pas pour autant un mandat officiel pour creuser ou défendre le dossier… Une collègue aura cette jolie formule pour éclairer le silence institutionnel autour des foyers mixtes: «L’œcuménisme et l’interreligieux, c’est un peu comme la lèpre et le sida. Depuis qu’il y a la nouveauté des défis autour du sida, on oublie ceux de la lèpre…» Les foyers mixtes seraient-ils donc ces lépreux oubliés, à l’ombre des couples interreligieux? Extraits choisis et retravaillés de quelques thèses et antithèses.

La reconnaissance mutuelle du baptême

Thèse

Les Eglises catholique et protestantes de Suisse peuvent considérer qu’elles ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour faciliter les choix et la vie des foyers mixtes. Et c’est en effet énorme: reconnaissance mutuelle du baptême (1973), assouplissement du Droit canon qui demande au conjoint catholique de faire tout son possible pour que les enfants soient baptisés et éduqués dans l’Eglise catholique. Dans la bonne tradition helvétique de la paix confessionnelle, les Eglises contribuent à une certaine «paix des ménages» pour les mariages mixtes. Mais elles cherchent également à garantir la paix de leurs ménages à elles, en enjoignant les foyers mixtes d’insérer leurs enfants dans une seule confession (1987)*.

Antithèse

En ces temps d’oubli des acquis œcuméniques et de retours identitaires – et ce malgré le «supermarché du religieux» où chacun se recompose son itinéraire spirituel – il n’est pas certain du tout que les couples mixtes soient dûment informés, par leur prêtre et/ou leur pasteur, de la reconnaissance mutuelle du baptême! Pas davantage de l’adaptation du Droit canon en Suisse! Il n’est pas impossible que la mixité confessionnelle soit même l’une des causes d’abandon du projet de baptiser et d’éduquer dans la foi chrétienne: «C’est notre enfant qui choisira!». Il vaut donc la peine de revisiter le potentiel œcuménique de la reconnaissance mutuelle du baptême. Ce que la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse et la Conférence des Evêques Suisses ont récemment décidé de faire au sein de leur Commission de dialogue. Il s’agira non seulement de faire sortir cet accord d’un certain oubli, mais encore d’en dégager de possibles extensions: si le baptême est vraiment reconnu d’une Eglise à l’autre, que reste-t-il à reconnaître, par exemple dans les domaines de l’Eucharistie ou des Ministères? Les couples mixtes peuvent-ils officiellement communier ensemblesans transgresser ?

D’une Eglise à l’autre

Thèse

La pastorale auprès des foyers mixtes devrait, aux yeux des Eglises, se limiter à l’accompagnement temporaire de couples aux prises avec une décision ponctuelle. Pour des raisons ecclésiologiques, la meilleure nouvelle qui soit, pour les institutions, c’est qu’un couple finisse par se décider pour une seule Eglise. Pour des raisons pratiques, ayant de plus en plus de travail sur le terrain et de moins en moins de forces pour l’accomplir, les Eglises n’ont plus de temps à perdre en déléguant des prêtres et des pasteurs dans le suivi de gens qui voudraient cultiver une quelconque double appartenance ou explorer des voies non prévues. Les priorités des Eglises sont ailleurs. Celles des couples mixtes aussi, pour qui la question œcuménique est trop complexe ou alors non pertinente.

Antithèse

Si les Eglises ont pris la co-responsabilité de célébrer des mariages, n’ont-elles pas à en assumer la suitedans la durée? Les Eglises sont censées offrir des outils aux couples mixtes pour les «temps de crise» (krisis = décision): où et comment se marier? où et comment baptiser? etc… Mais qu’en est-il du chemin de vie et de foi entre les temps forts: fréquentation du culte et/ou de la messe? catéchisme? Dans le Canton de Vaud, les deux Eglises ont développé une confiance mutuelle telle, qu’elles admettent des missions communes dans certains secteurs (aumôneries, etc…). Pourquoi ne pas officialiser une sorte de «mission commune» pour les foyers mixtes? Pourquoi ne pas reconnaître pleinement une «mission commune» par les foyers interconfessionnels, considérés, sans gêne ni honte, comme capables d’aller et venir d’une Eglise à l’autre, avec la liberté prophétique des brebis du bon Berger (Jean 10, 9)?

Bilingue de la foi?

Thèse

L’idée selon laquelle une famille pourrait être bi-confessionnelle est fallacieuse! Surtout chez les enfants. Les «yeux vairons» sont une anomalie! Les lois des Eglises, tout comme celles de la nature, démontrent bien que l’identité chrétienne doit être assumée dans le choix d’une seule confession. Le projet de faire d’un enfant un «bilingue de la foi» est voué à l’échec. Dans le meilleur cas, il finira pour vouloir camper – et parfois dans l’oubli ou le déni de l’autre confession parentale – dans une identité confessionnelle unique et claire. Ce qui arrange bien les Eglises…

Antithèse

Les Eglises pensent rendre service aux couples en leur demandant de ne pas placer leurs enfants «entre deux chaises» (cf Document cité en note. Dans bien des cas, le conseil s’avère utile et pratique. Cependant, aussi longtemps que les mêmes Eglises demandent aux futurs parents de faire un choix confessionnel clair pour les enfants à venir, tout en leur demandant de sensibiliser leur progéniture à l’autre confession, il est non seulement légitime, mais encore souhaitable que soient tentées et même encouragées des expériences de double catéchèse ou de double insertion. Cela permettrait aux enfants de se sentir à la maison dans l’une et l’autre Eglise, y apprenant règles, rites et langages propres. De telles expériences devraient pouvoir être encouragées par les pasteurs et par les prêtres, à condition de pouvoir eux-mêmes s’appuyer sur le soutien de leurs Eglises…

Un rôle: «grandeur nature» 

Thèse

Il est illusoire de penser que les foyers mixtes de type interconfessionnel pourraient être un moteur de l’œcuménisme. Que peut la cellule, ou un petit amas de cellules, par rapport à l’unité d’un corp soit disant malade? L’œcuménisme est une chose trop sérieuse, institutionnelle et théologique pour le laisser prendre en charge par de simples laïcs. Les foyers mixtes n’ont plus aucune contribution originale à apporter au mouvement œcuménique.

Antithèse

Nos Eglises font comme si leurs tissus étaient homogènes, ce qu’ils sont de moins en moins. Si l’Eglise catholique a tendance à problématiser la question des mariages mixtes sans penser pouvoir leur donner davantage de solutions au nom d’une ecclésiologie haute et auto satisfaisante (notamment en matière d’hospitalité eucharistique), les Eglises réformées ont tendance à considérer que le problème n’en est plus un, et cela, au nom d’une ecclésiologie basse et également auto satisfaisante. Or il est de plus en plus insoutenable, pour certaines familles inter-confessionelles conscientes de leur identité d’«Eglises domestiques», de ne pas être reconnues à part entières dans leur ecclésialité par les uns, et de voir que les autres banalisent la pertinence du débat ecclésiologique. Les familles inter-confessionnelles et leurs associations ne seront toujours que des seconds rôles dans le grand et long drame du mouvement œcuménique, mais ils n’en ont pas moins un rôle à jouer: un rôle … grandeur nature!

Note.- Document de la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse et de la Conférence des Evêques Suisses intitulé «Baptême et insertion ecclésiale»[print-me]

(Texte repris de la revue Itinéraires, No.69, 209-2010)


Jean-Baptiste Lipp

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Genève: la perspective œcuménique de l’AOT https://www.revue-sources.org/geneve-perspective-oecumenique-de-laot/ https://www.revue-sources.org/geneve-perspective-oecumenique-de-laot/#comments Tue, 07 Feb 2017 14:46:41 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2107 [print-me]L’Atelier œcuménique de théologie a été fondé en 1972 par des théologiens protestants et catholiques, dans le souffle qu’a apporté Vatican II. Leur projet fut de rendre la théologie au peuple de Dieu, ensemble, dans un projet œcuménique. Ainsi fut créé l’AOT, qui offre à des croyants de toutes les confessions une formation théologique de base sur deux ans, à raison de deux heures par semaine.

En septembre 2017 va s’ouvrir la 23ème volée de formation, sur le thème «En quête de sens, d’identité… de Dieu?».

«A» comme Atelier

La force de l’AOT, c’est d’être en perpétuel chantier: d’où l’importance de ce mot «Atelier». En effet, lors de rencontres bimensuelles, les enseignants partagent leurs réflexions théologiques et leurs idées; ils réfléchissent ensemble et élaborent leurs programmes (différents pour chaque volée) ainsi que leurs cours.

« l’AOT est un lieu privilégié où des chrétiens de diverses confessions peuvent penser ensemble »

Les participants font eux aussi «Atelier» lorsque leurs représentations de Dieu, de la Bible, de la théologie et des Eglises sont questionnées et bouleversées. En effet, durant leur parcours de formation, l’AOT leur propose une alternance entre grands groupes et petits groupes qui permet à chacun de creuser des thématiques et de participer activement au chantier.

«T» comme Théologie

L’Atelier des fondateurs connut des dialogues épiques et des confrontations, l’ecclésiologie des uns venant se cogner à celle des autres. Les controverses étaient fréquentes produisant quelques étincelles mémorables, mais le projet était d’arriver au dialogue et de faire de la théologie ensemble.

Or, qu’est-ce que faire de la théologie? N’est-ce pas élaborer une parole sur Dieu, sur l’être humain et sur son lien à Dieu?

Toute théologie étant contextuelle, l’AOT permet à chacune et à chacun de questionner sa foi – ou son manque de foi – et son lien au Dieu de la Bible. Il offre un lieu de partage et de questionnement. Il donne des outils pour chercher à comprendre ce que peut bien vouloir dire la Bible à l’être humain. Il permet d’acquérir des connaissances théologiques de base pour comprendre comment et pourquoi les concepts théologiques ont évolué au cours de l’Histoire de l’humanité.

«O» comme Œcuménisme

Dès le début de l’aventure, l’AOT a surfé sur la vague des expériences acquises par la formation et le fonctionnement du Conseil œcuménique des Eglises et celle des ouvertures du Concile Vatican II, pour développer une réflexion de fond sur l’œcuménisme et sur l’identité de chaque confession.

Il s’agit pour les participants de quitter des préjugés sur l’«autre», mais aussi de questionner ses propres racines. Tout cela se vit dans un grand respect pour la diversité des traditions de chacun.

Quant aux enseignants, fonctionnant toujours en binômes de confession différente, ils cherchent ensemble, dans un dialogue constructif, même s’il est parfois musclé. Ensemble, ils approfondissent les points de friction pour comprendre et chercher à faire comprendre pourquoi le christianisme est si divers depuis les origines, et pourquoi l’unité n’est pas encore une réalité…Ils ne travaillent plus aujourd’hui dans la confrontation des débuts, mais dans une recherche commune de compréhension, en cherchant notamment à analyser les facteurs qui ont amené les divisions. Où en est l’AOT actuellement dans son projet œcuménique?

Où en est l’œcuménisme aujourd’hui?

Au début du mouvement oecuménique, des idéalistes visionnaires ont pensé pouvoir régler très vite les différents existants entre les Eglises. Avec beaucoup d’espoir ils ont été des pionniers, espérant voir se réaliser rapidement une unité visible. Ces premiers ouvriers de l’œcuménisme se sont mis en route pour que les différentes Eglises non seulement se côtoient, mais se parlent. Aujourd’hui ils sont déçus, car ils mesurent la réalité à leurs attentes: l’unité visible n’est pas réalisée…

Jean-Paul II et Benoît XVI ont introduit une lecture moins ouverte et courageuse des textes de Vatican II. Le protestantisme a connu des luttes intestines entre une lecture traditionnelle et une lecture plus libérale de sa doctrine et de sa pratique. Les Eglises orthodoxes ont oscillé entre une ouverture vers le monde chrétien et une crispation sur leur propre ecclésiologie. Tout cela a mis des limites au développement oecuménique et créé des mouvements de replis identitaires dans toutes les Eglises. Actuellement l’œcuménisme n’est qu’une option face à des mouvements conservateurs.

Pourtant, de nombreuses expériences œcuméniques à différents niveaux font sens pour les chrétiens. L’œcuménisme est un donné au-delà des discussions théologiques et des écueils.

La Commission Foi et Constitution du COE et le groupe des Dombes, par exemple, ont élaboré des documents prophétiques, comme le BEM (Baptême-Eucharistie-Ministère), documents qui ont été très loin dans les propositions théologiques concrètes. Dans le monde protestant, ces documents ont permis des accords entre certaines traditions. Des dialogues bilatéraux ont permis d’obtenir des résultats incroyables…Il suffit de penser à l’accord sur la justification entre catholiques et luthériens.

Mais, malgré ces succès, le dialogue semble aujourd’hui bloqué. L’Histoire reste encore et toujours un obstacle, et les héros des uns demeurent les hérétiques des autres…

Quel œcuménisme à l’AOT?

Dans ce contexte, l’AOT est un lieu privilégié où des chrétiens de diverses confessions peuvent penser ensemble, élaborer ensemble, dans une vivifiante vitalité du quotidien.

L’AOT est un microcosme dans le paysage chrétien et œcuménique actuel. Il a suivi le chemin de l’œcuménisme global et mondial qui n’est plus à la recherche d’une unité uniforme, mais d’une unité dans la diversité. Ainsi la recherche d’une diversité réconciliée permet de s’émerveiller de la richesse des autres. En ce temps où aucune Eglise n’est capable de reconnaître l’ecclésiologie de l’autre, l’AOT est un lieu où la reconnaissance du charisme de l’autre devient possible, dans une réflexion sur ce que ce charisme dit de l’ecclésiologie de l’autre.

L’AOT est un laboratoire de sens où, tant les enseignants que les participants, font l’expérience de l’autre, posent des questions pertinentes et impertinentes, mais où personne ne cherche à donner une solution œcuménique finale.

C’est une école qui bouleverse. Et parfois ce bouleversement rend compliqué le retour des participants dans certaines paroisses qui ne répondent plus à leurs attentes, suite aux découvertes qu’ils ont faites durant leur parcours. Beaucoup s’engagent alors dans des lieux ecclésiaux divers et y témoignent de la richesse de leur expérience.

Aujourd’hui, l’AOT continue à défricher des chemins et à accompagner des personnes en recherche, à tisser des liens entre les chrétiens, à permettre un dialogue toujours plus riche et respectueux, à vivre une réelle expérience œcuménique.

Et le projet œcuménique de l’AOT?

Parler de Dieu…parler sur Dieu… parler à Dieu… ensemble
Parler de ses représentations de Dieu… ensemble
Parler de sa rencontre avec des textes qui parlent de Dieu…ensemble
Parler de son expérience de Dieu, du Dieu de Jésus-Christ… ensemble
Ecouter ensemble… un Dieu qui parle à l’être humain… ensemble
Ecouter ensemble…des théologiens qui parlent de Dieu… ensemble
Ecouter l’autre partager son expérience de Dieu… ensemble
Dialoguer ensemble, se questionner ensemble, célébrer ensemble[print-me]


Les inscriptions pour la 23ème volée sont ouvertes.
Plus d’information sur le site internet www.aotge.ch.


Anne Deshusses-Raemy et Georgette Gribi sont les deux co-directrices, catholique et protestante, de l’Atelier Oecuménique de Théologie (AOT) de Genève.

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Œcuménisme: un chemin genevois https://www.revue-sources.org/oecumenisme-chemin-genevois/ https://www.revue-sources.org/oecumenisme-chemin-genevois/#respond Tue, 07 Feb 2017 14:32:22 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2102 [print-me]Quel chemin prendre ensemble pour aller vers l’unité? J’ai le sentiment que l’on ne peut répondre à cette question que de manière locale. Or Genève est un «laboratoire» particulier. Pour toutes sortes de raisons, des populations du monde entier y sont présentes. Dans ce creuset de cultures, beaucoup de chrétiens. Si trois Eglises sont reconnues officielles, aujourd’hui les communautés présentes à Genève sont beaucoup plus nombreuses et avec des vitalités différentes.

La joie des retrouvailles

Il n’est pas si loin le temps où, à Genève, on s’ignorait et parfois même on se combattait. Chacun, convaincu d’être dans le vrai, ne s’intéressait guère à ceux qui se trouvaient dans l’erreur. Puis, vint le temps de la découverte réciproque. Des initiatives étaient prises ensemble. Pour se connaître d’abord.

« Y a-t-il aujourd’hui au sein des Eglises un «travail théologique» qui ose affronter des thèmes de fond et pas seulement des questions pastorales ou morales? »

Je me souviens des «pique-niques œcuméniques»: sortie, détente et un temps de prière commune. Puis vint la nécessité d’organiser ensemble des présences d’aumôneries, suivies de l’initiative audacieuse d’un centre de catéchèse œcuménique. Dans les paroisses ce fut le souci commun de venir en aide aux personnes en difficulté ou d’être présent dans des milieux de moins en moins intéressés par une vie de foi. Ce furent des années d’enthousiasme, une respiration nouvelle. Pour les catholiques, dans l’élan du Concile Vatican II, un engagement à une présence commune dans la société. Numériquement majoritaires, mais culturellement minoritaires, nous sentions qu’ensemble nous tirions à la même corde. Des rencontres fraternelles et chaleureuses nous donnaient l’impression d’avoir dépassé des siècles de tensions inutiles. On en vint à penser que plus rien ne nous divisait.

 Le temps du questionnement

Cet enthousiasme est retombé. Certes, quantité d’initiatives continuent d’exister, mais l’enthousiasme n’est plus là. Beaucoup d’activités communes se poursuivent naturellement, mais des signes de fatigue se font sentir. Des groupes ont peine à se renouveler et donc à survivre. Y a-t-il encore des moments et des lieux privilégiés où les chrétiens de cette ville aiment se retrouver? Dans certains quartiers, les lieux de cultes se côtoient sans que les fidèles ne se rencontrent. En prenant un peu de distance, ne doit-on pas se réjouir malgré tout du chemin parcouru et de voir naître de nouvelles initiatives communes au service de nos quartiers et de la cité? Peut-on imaginer de nos jours un service d’accueil de réfugiés qui ne serait pas interconfessionnel?

Des chrétiens de partout

L’élément nouveau est la présence et l’organisation progressive de diverses Eglises et communautés chrétiennes nouvelles venues dans le paysage genevois. La présence chrétienne à Genève est donc infiniment plus diversifiée aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a cinquante ans. Les Eglises chrétiennes historiques doivent cohabiter avec les nombreuses communautés évangéliques. Les langues pratiquées pour la prière et la prédication sont, elles aussi, nombreuses. La question culturelle se pose de manière nouvelle. Avec un souci d’intégration, mais aussi avec le désir de ne pas perdre des racines importantes pour vivre et exprimer sa foi.

Le temps de l’approfondissement

Le risque identitaire existe toujours dans l’expression de la foi. Mais des rencontres fraternelles et chaleureuses entre chrétiens de diverses entités sont aussi concrètement vécues dans le contexte genevois. Le RECG (Rassemblement des Eglises et Communautés Chrétiennes de Genève) réunit 27 communautés chrétiennes dans un climat de confiance et avec un grand désir de cheminer ensemble. Mais si ce qui unit est plus grand que ce qui divise, il n’en demeure pas moins que certaines clarifications sont indispensables. Un mois avant sa mort, Paul VI se réjouissait d’avoir vu le «dialogue de communion se développer», mais il se réjouissait encore plus de «pouvoir commencer le vrai dialogue théologique»[1].

Où se fait-il ce dialogue théologique? Au niveau des autorités des Eglises, selon leur compétence, au niveau des théologiens et des spécialistes, mais encore au niveau de ceux qui se sont engagés à la suite du Christ dans une vie de prière, de service et de prédication, chacun selon sa vocation. Enfin, ce dialogue est celui du peuple de Dieu qui s’enrichit des différences, tout en restant fidèle à des traditions dans lesquelles il voit l’action de l’Esprit. Pourtant, la question reste posée: y a-t-il aujourd’hui au sein des Eglises un «travail théologique» qui ose affronter des thèmes de fond et pas seulement des questions pastorales ou morales? Des thèmes comme celui de l’Eglise ou de l’«Eucharistie» ou de la «Cène» ou – pour éviter les problèmes – du «Repas du Seigneur» (I Cor 11,20) sont-ils envisageables dans nos rencontres? A Genève, des initiatives comme celle de l’Atelier Œcuménique de Théologie (AOT) relèvent ce défi. Elles rejoignent quantité d’autres démarches qui, proches de nous, donnent le ton de manière prophétique et persévérante, comme celle de Taizé ou de Bose, pour ne citer que les plus connues.

Il est probable qu’il nous faille changer de mentalité face au chemin qui se dessine devant nous. Il ne s’agit pas tant de chercher l’unité des chrétiens que l’unité chrétienne, celle que Jésus demande au Père pour que nous soyons «un», «comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi». L’unité n’est pas l’uniformité, mais un mystère de communion. A ce niveau, rien n’est négociable, mais tout peut être partagé.[print-me]


Marc Passera est né et a grandi à Genève, ville où il exerce la charge de curé de la paroisse de Chêne-Thônex.

[1] MAHIEU, Frère Patrick, Paul VI et les orthodoxes, Cerf, Paris, 2012, p. 234

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Les neuf thèses et demie d’un Vicaire épiscopal https://www.revue-sources.org/neuf-theses-demie-dun-vicaire-episcopal/ https://www.revue-sources.org/neuf-theses-demie-dun-vicaire-episcopal/#comments Tue, 07 Feb 2017 14:09:09 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2094 [print-me]Martin Luther avait publié 95 thèses à débattre. 500 ans après, en voici 10 fois moins, c’est-à-dire 9.5 thèses pour réfléchir à notre engagement pour l’unité des chrétiens.

  1. L’unité est le désir du Christ pour lequel il a prié (Jn 17). L’Esprit-Saint en est le grand artisan. Pour celui qui se dit chrétien, l’œcuménisme fait donc partie de son identité : elle n’est pas une option, mais un devoir.
  2. Chaque Église a sa richesse à laquelle elle ne peut, ni ne doit renoncer. On ne peut jeter par-dessus bord ce qui nous a porté jusque-là. Et nous ne devons pas attendre cela de nos frères et sœurs d’autres confessions chrétiennes. Ni eux, ni nous ne pouvons devenir infidèles.
  3. Notre identité chrétienne est marquée par notre confession, son histoire, sa mentalité, ses rites, ses convictions de foi, sa structure, en un mot : sa richesse. Le dialogue œcuménique est un échange de dons, un partage des richesses.
  4. L’œcuménisme n’est donc pas de se mettre d’accord sur le plus petit dénominateur commun. Il n’est pas un processus d’appauvrissement. Mais il est une croissance, un apprentissage, un gain, un processus d’enrichissement réciproque. Nous devons devenir une bénédiction les uns pour les autres. Il s’agit de participer à nos richesses respectives, et de se réjouir de voir l’action de l’Esprit-Saint chez les autres.
  5. L’unité est un don de l’Esprit de Dieu. C’est Lui qui peut toucher les cœurs, les ouvrir à la vérité de l’autre et allumer l’amour pour l’autre. Nous, nous pouvons préparer le terrain, enlever les obstacles, créer les conditions pour se rencontrer.
  6. L’œcuménisme spirituel est le cœur de l’œcuménisme. Tout chrétien a accès à la prière. Sans une spiritualité de l’unité et de la communion, l’unité institutionnelle manque de vie. Une spiritualité de communion veut dire accepter l’autre dans son altérité, voir en lui un cadeau qui m’est fait, porter le fardeau de l’autre, partager ses joies et ses peines.
  7. L’œcuménisme est un défi à vivre : retrouver la vie commune, apprendre à beaucoup mieux nous connaître. Bien qu’il y ait certaines choses que nous ne pouvons pas encore faire ensemble, nous serions bien plus avancés si nous faisions et vivions ensemble tout ce qui est possible dès maintenant. Et c’est un beau témoignage que de montrer qu’on peut vivre ensemble, même s’il subsiste des divergences sur l’un ou l’autre point.
  8. La route de l’œcuménisme n’est pas une piste illuminée de bout en bout. Nous avançons comme avec une lampe qui n’éclaire la marche qu’à mesure de la progression. Cette lampe, c’est la Parole de Dieu. Il y a assez de lumière pour chaque jour et pour le pas suivant.
  9. Ce serait une erreur de refuser d’avancer simplement parce que le dernier pas n’est pas encore clair. Il importe de faire ici et aujourd’hui ce qui est faisable, nécessaire, possible. Nous ne sommes pas maîtres de l’histoire. C’est un Autre qui est le Maître. Il suffit de s’en remettre à lui, à l’Esprit qu’il a promis.

9½. Que l’Esprit de Dieu nous unisse toujours davantage et nous aide à suivre Jésus Christ pour construire ensemble la grande famille des enfants de notre Père qui est aux Cieux.[print-me]


L’abbé Christophe Godel, vicaire épiscopal pour le canton de Vaud, a participé le 4 novembre 2017 au culte d’ouverture du Jubilé des 500 ans de la Réforme en l’église St-François de Lausanne. Il a prononcé l’allocution qui suit.

(Source : Eglise Catholique dans le canton de Vaud)

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