migration – Revue Sources https://www.revue-sources.org Fri, 01 Jun 2018 08:57:19 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Fortuna: « Germinal m’a demandé de le conseiller sur le plan religieux » https://www.revue-sources.org/fortuna-germinal-ma-demande-de-le-conseiller-sur-le-plan-religieux/ https://www.revue-sources.org/fortuna-germinal-ma-demande-de-le-conseiller-sur-le-plan-religieux/#respond Fri, 01 Jun 2018 04:26:28 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2631 Fortuna est un film de Germinal Roaux, tourné à l’Hospice du Simplon avec la collaboration des chanoines qui desservent ce refuge alpin. Sa thématique porte sur l’accueil ou le refoulement de migrants en provenance d’Italie. Elle met aussi en question le charisme hospitalier des chanoines, débordés par l’afflux de réfugiés et révoltés par l’incursion de la police dans leur Hospice traditionnellement inviolable.

Ces incidences nous valent un débat capitulaire qui n’est pas sans évoquer celui des moines de Tibhirine pris eux aussi au piège d’une situation inédite qui bouleversait leur quotidien. On se souviendra de la célèbre séquence du film de Xavier Beauvais «Des hommes et des dieux» consacrée à ces échanges communautaires.

Ce décor cache une intrigue. Parmi les migrants qui ont trouvé refuge à l’Hospice, il y a Fortuna, jeune éthiopienne de 14 ans, ne parlant que l’amharique, mineure non accompagnée, à la recherche de sa mère égarée au cours du périple qui l‘a amenée en plein hiver au col du Simplon. L’adolescente a un secret qui à la fois la tourmente et la passionne: elle est enceinte d’un jeune adulte rencontré au cours de cette aventure qu’elle semble aimer éperdument. Le metteur en scène, dont la compagne travaille dans un foyer d’accueil pour réfugiés mineurs, sait de quoi il parle. Il connaît aussi la réponse habituelle des services sociaux à ce genre de «cas». Sans avortement, Fortuna n’a aucune chance d’être accueillie en Suisse pour une longue durée et de poursuivre des études. S’ensuit un dialogue sur ce sujet entre un assistant social et le prieur de l’Hospice. Conversation sérieuse entre adultes non impliqués dans ce drame, mais conscients de sa gravité. Quelle solution va choisir Fortuna? Il me semble que le cinéaste ait hésité sur le rôle à lui faire tenir. Les dernières images du film sont celles de la silhouette de la jeune Ethiopienne traçant seule son chemin dans la neige, après qu’elle eut rituellement enterré un poussin mort de froid qu’elle avait d’abord embrassé. Comprenne qui pourra! On n’en saura pas plus. Jusqu’au bout, Fortuna aura été discrète.

Heureuse coïcidence! Il se fait que le frère dominicain Michel Fontaine, membre de notre rédaction, a été amené à rencontrer Germinal Roaux. Le metteur en scène de Fortuna l’avait invité à relire le scénario de son film. Sources a interrogé frèr Michel.

Sources: A votre avis, quelle est le message transmis par ce film ? Ou plutôt quelle interpellation Fortuna adresse-t-elle aux spectateurs? Peut-on parler d’un message? Ou le scénario n’est-il qu’au service d’une réalisation artistique cinématographique? Autrement dit : Esthétique ou Ethique?

Michel Fontaine: Germinal Roaux est un homme d’une quarantaine d’années qui a suivi toute sa scolarité à l’Ecole Steiner de Lausanne. Il s’engage très rapidement dans le domaine de la photographie, exclusivement tourné vers le noir et blanc.

Sa biographie signale qu’en 1994, il réalise comme travail de fin d’étude son premier film documentaire sur le problème de la désertification au Burkina Faso: «Une pluie et des hommes». S’ensuit tout un parcours ponctué par différentes réalisations audio-visuelles. Elles le conduisent en 2013 avec son film «Left Foot Right Foot» à remporter le Bayard d’Or du Meilleur Premier Film au Festival international du Film de Namur.

Germinal tenait à montrer l’importance d’une dimension verticale qui habitait l’ensemble de tous ces évènements.

C’est dans cette mouvance professionnelle mais aussi personnelle que s’inscrit le film Fortuna qui vient de recevoir l’Ours de Cristal pour le meilleur film et le Grand prix du jury international de Génération. Ce film est sorti sur les écrans en Suisse le 11 avril 2018.

Ma rencontre avec Germinal Roaux remonte à 2015 par l’intermédiaire d’un ancien collègue, Christophe, enseignant spécialisé pour enfants allophones. Nous étions avec quelques autres membres d’un comité scientifique d’une formation qui proposait un parcours à l’Université de Lausanne dans le domaine des migrations. Christophe m’a donc présenté Germinal qui était en train d’écrire le scénario d’un film dont le titre était Fortuna, nom d’une jeune adolescente éthiopienne sans nouvelles de ses parents depuis son arrivée à Lampedusa (Italie) et accueillie avec d’autres réfugiés par la communauté des chanoines de l’Hospice du Simplon en Suisse. Germinal me demandait de le conseiller sur le plan religieux et éthique, considérant le fait que l’action de son film se déroulait dans un cadre particulier, suscitant des questions existentielles, spirituelles, religieuses et politiques.

Nous nous sommes donc vus à trois reprises. Au fur et à mesure que se construisaient le scénario et le script qu’il m’avait demandés de relire, je percevais à la fois un grand souci d’une écriture la plus authentique possible et en même temps l’exigence d’un regard qui ouvre des horizons et appelle à une transcendance. Bref, une grande liberté et une foi en la vie malgré un contexte contraignant et l’histoire personnelle de cette adolescente profondément tourmentée. Germinal tenait à montrer, avec délicatesse et respect, l’importance d’une dimension verticale qui habitait l’ensemble de tous ces évènements: la spiritualité de cette jeune éthiopienne, son rapport simple et vrai au vivant par le biais d’une relation de tendresse avec un petit âne et un jeune poussin. Expression d’un univers fragile qui l’entourait mais qui en même temps lui insufflait une force intérieure et une endurance tenace.

Lorsque Germinal m’invita à voir le film en Première diffusion dans le cadre du Festival du Film et Forum international sur les Droits humains à Genève en mars 2018, j’ai réalisé combien l’écriture d’un film dans sa production finale était le fruit d’une alchimie mystérieuse de laquelle pouvait naître un fruit «nouveau» et cela m’a profondément séduit. J’y trouvais comme croyant cet équilibre subtil souvent en tension de deux quêtes, celle d’une vérité qui fait grandir notre humanité et celle d’une Présence qui nous entraîne à une liberté. Les deux moments où s’est exprimé au mieux cet équilibre, ont été le dialogue du prieur de l’hospice et de l’assistant social concernant la naissance ou non de l’enfant porté par Fortuna et le débat des chanoines, suite à la descente de police dans leur Hospice. L’un d’eux s’interroge: «Avons-nous peut-être été trop loin en acceptant d’accueillir tous ces réfugiés?»

Germinal n’a pas souhaité «délivrer» un message qui pourrait laisser entrevoir une direction à suivre. Il n’empêche qu’au-delà d’un esthétisme certain, à la mesure du cadre naturel dans lequel le cinéaste nous invite à entrer, il me semble que ce film dégage une puissance de vie qui vient rejoindre paradoxalement au plus profond de chacune et chacun ce qu’il a de fragile et d’incertain pour l’ouvrir à un autre regard sur l’autre et sur la vie.

N’est-ce pas d’une certaine manière ce que Germinal a voulu nous souffler au creux de l’oreille, lorsqu’il nous fait entendre ce verset de l’Evangile de Jean «Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit.» (Jn 3, 8)


FORTUNA

Dialogue entre l’éducateur social et le prêtre

Le réalisateur du film, Germinal Roaux, nous a autorisés à retranscrire à l’intention de nos lecteurs le dialogue entre le supérieur des chanoines, le frère Jean, et un éducateur social, Monsieur Blanchet. La scène se passa dans un bureau de l’Hospice. (NDLR)

Les mains croisées sur ses genoux, Frère Jean observe Monsieur Blanchet en silence.

Frère Jean

J’ai appris que vous aviez demandé à Fortuna d’avorter.

Blanchet

Oui… (Un temps). De toute façon, elle ne pourra pas le garder.

Frère Jean

Pourquoi ça?

Blanchet

Si Fortuna accouche ici, c’est le Service de la Protection de l’enfance qui intervient. C’est plus moi… Et son bébé lui sera retiré

Frère Jean

Pourquoi?

Blanchet

C’est la procédure avec les mineurs non accompagnés…Vu sa situation, elle n’est pas en mesure d’assumer l’éducation d’un enfant.

Frère Jean

Alors vous lui demandez d’avorter?

Blanchet

Je pense que c’est la moins mauvaise solution, oui. (Un temps). On n’a pas le choix?

Frère Jean

Pas le choix?

Blanchet

Non.

On n’a nulle part où la mettre…Moi je ne peux pas la garder ici et les foyers pour mineurs refuseront de la prendre avec un enfant. (Un temps). Elle a quatorze ans…

Frère Jean et Monsieur Blanchet se regardent longuement.

Frère Jean

Qu’est-ce que vous allez faire?

Blanchet

J’espère lui trouver un lieu pour vivre normalement…J’espère qu’elle pourra aller à l’école, apprendre un métier… Mais avec un bébé, c’est impossible.

Frère Jean

Mais elle veut garder son enfant! Comment pouvez-vous choisir à sa place?

Blanchet

Écoutez… je comprends très bien que cela puisse heurter vos convictions religieuses, mais dans son cas il n’y a pas d’autre solution.

Frère Jean

Ce ne sont pas seulement mes convictions religieuses qui sont heurtées… Mais la certitude avec laquelle vous pensez faire le bien pour elle.

Blanchet

Si vous avez une autre idée de ce qui serait bien pour elle, je vous écoute…

Frère Jean

Je n’ai pas de solution comme ça, bien sûr…Mais si elle veut tellement garder son enfant, c’est que cela doit avoir une importance pour elle que vous ne mesurez pas. Il y a des raisons profondes qui la poussent à vouloir cet enfant… C’est la vie, vous ne pouvez pas vous y opposer.

Blanchet

Écoutez…

Je crois que tout de même les choses sont un peu plus compliquées …Vous connaissez comme moi le parcours de tous ces gens…Une traversée sur une espèce de rafiot…Une arrivée sans rien…Parce que c’est ça la réalité de Fortuna aujourd’hui. Elle est seule… Elle n’a plus rien… plus rien du tout…

Frère Jean

C’est peut-être justement pour tout ça qu’elle a besoin de cet enfant, parce qu’elle n’a plus rien. (Un temps). Vous savez, j’ai passé toute la vie dans cette Eglise…J’ai vu des choses magnifiques… d’autres moins, mais avec toutes ces années passées ici, à réfléchir sur la vie, sur l’homme… J’ai réalisé que parfois, notre vision de ce qui est bon ou juste ne l’est pas forcément pour l’autre.

Parfois le mal … c’est le bien imposé.

Je ne veux pas vous faire une leçon de morale. Pour vous dire ce qu’il faudrait penser ou faire. J’aimerais juste partager cette réflexion avec vous, si vous l’acceptez.

Blanchet

Je vous écoute.

Frère Jean

Je vais prendre l’exemple que je connais le mieux…Ma vie entière consacrée à Dieu. Qu’est-ce que ça veut dire de consacrer toute une vie à Dieu? C’est se sentir appelé… appelé à faire le bien. Puis un jour, on se rend compte que tout n’est pas aussi simple et qu’il y a aussi un danger dans cet appel à vouloir faire le bien…

Ça m’a toujours rendu très triste… d’imaginer que dans notre Eglise nous ayons pu faire tant de mal au nom de Dieu…Au nom du bien, justement. (Un temps). Mais qu’est-ce qu’on sait exactement de ce que l’autre a vraiment besoin?

Blanchet

Et Fortuna, de quoi a-t-elle besoin, selon vous?

Frère Jean

Ça, c’est difficile… Sans doute que nous devons l’entourer…Il faut l’aimer pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle choisit d’être, et non pas pour ce qu’on aimerait qu’elle soit. Nous devons penser qu’elle va faire le bon choix pour elle-même… Avoir confiance… Faire confiance.

]]>
https://www.revue-sources.org/fortuna-germinal-ma-demande-de-le-conseiller-sur-le-plan-religieux/feed/ 0
« C’était mon devoir d’aller leur montrer que l’Europe ne les avait pas oubliés » https://www.revue-sources.org/cetait-devoir-daller-montrer-leurope-ne-avait-oublies/ https://www.revue-sources.org/cetait-devoir-daller-montrer-leurope-ne-avait-oublies/#comments Tue, 09 May 2017 15:47:35 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2275 En 2016, Céline de Richoufftz a passé plusieurs mois à Thessalonique, en Grèce, où de nombreux réfugiés attendent que leur sort soit décidé dans des camps aux portes de l’Europe. Pour Sources, cette jeune française de 20 ans revient sur son expérience auprès des migrants et dénonce « ceux qui veulent défendre le christianisme en Occident tout en étant contre l’accueil des réfugiés ». [print-me]

Vous êtes partie pour passer plusieurs mois dans les camps de réfugiés en Grèce. Comment vous est venue cette idée?

« Après six mois, il n’y a plus de clivage entre volontaire et réfugié ». Céline de Richoufftz

Céline de Richoufftz: Je suis partie pour la Grèce en juin 2016 pour deux semaines, histoire de me rendre compte de la situation dans les camps et de mettre à disposition un peu de mon énergie au profit des réfugiés et migrants devant qui les frontières européennes venaient de se fermer si violemment.

Je crois que ce qui m’a poussée à faire le pas, c’est d’abord un sens du devoir. J’avais fait des missions humanitaires pendant plusieurs mois en Inde, au Brésil, bref, au bout du monde. Mais là, j’ai réalisé que l’appel à l’aide venait de chez moi, de ma France, de mon Europe. Et puisque les gouvernements, au lieu d’établir une réelle stratégie pour réceptionner et accueillir les réfugiés et les migrants, préfèrent détourner le regard et les livrer au trou noir qu’est la Méditerranée, c’était mon devoir d’aller leur montrer que l’Europe ne les avait pas oubliés.

La deuxième chose qui m’a entraînée, presque contre mon gré, c’est la compassion. J’avais besoin de souffrir avec eux pour pouvoir, non pas les aider car ils n’appellent pas à l’aide, mais les accompagner dans une des étapes de leur long voyage vers la sécurité. Finalement, j’y suis restée six mois.

Qu’avez-vous concrètement mis en oeuvre?
Avec une bande de volontaires indépendants, activistes, humanistes et courageux venus de partout en Europe, nous avons créé un camp “de jour” en face du camp tenu par l’État où étaient logés 1500 réfugiés, une ancienne usine à volailles composée de neuf hangars plus glauques les uns que les autres.

Dans ce camp de jour, nous avons installé, avec l’aide des réfugiés tout ce dont ils avaient besoin pour passer le temps si long en s’amusant, en apprenant, en partageant. Ils mettaient en place les projets, nous les aidions à trouver les ressources pour les réaliser: une cuisine où l’on cuisinait des repas équilibrés tous les jours, un espace pour les enfants, un autre pour les femmes, une école, un terrain de volley-ball… Nous avions aussi un espace pour stocker tous les dons que nous recevions.

« Dans la tête des enfants, pas de comptines où sautillent nuages colorés, où scintillent des étoiles d’or. Seulement la guerre, la fatigue, le désespoir des adultes »

Avec trois amies, nous avons aussi mis en place une bibliothèque mobile qui se déplace maintenant dans sept camps et dans une maison pour mineurs non accompagnés dans le nord de la Grèce. Elle est pleine de livres, de dictionnaires de langues, de tablettes avec des cours en ligne… Nous voulions offrir aux adolescents et aux adultes les outils intellectuels pour reprendre un degré de contrôle sur leur vie, sur leur esprit. Afin qu’ils continuent de rêver dans ce temps de transition où tout est en suspens. 

Comment se passe la vie dans ces camps?
C’est d’abord oppressant. Que de tentes alignées, de fils électriques, l’écho des hangars, la lumière des néons blancs sur les visages fatigués, le bourdonnement incessant, la chaleur insoutenable en été, l’hiver glacial. Dormir à 6 dans une seule tente, à même le sol. S’amuser avec des cailloux pour passer le temps. Fumer des cigarettes en pensant à la douceur de la vie d’avant, à l’incertitude de celle qui vient.

Au-delà des conditions misérables, le camp est aussi un lieu de vie, et cet aspect-là vous ne pouvez le voir qu’en vous y rendant physiquement. Lieu de communauté, de solidarité, de musique, de danse et de rire. Lieu de partage, de mixité culturelle, de cafés noirs… Intimité avec les femmes, les jeux et les enfants, regards profonds des hommes qui nous remercient d’être là. Interminables discussions,  jeux,  repas,  fêtes… « En Syrie, on dit ma maison est la tienne, au camp on dit: ma tente est la tienne! Sois la bienvenue » m’a dit le coiffeur du camp lorsque je lui ai rendu visite la première fois.

Pour les volontaires indépendants comme moi, il fallait se faufiler dans un trou qu’avaient créé nos amis réfugiés dans la barrière pour entrer dans le camp. L’armée et la police ne laissaient entrer que ceux qui possédaient une autorisation spéciale du ministère de la migration. Pour moi, le camp c’est donc aussi la résistance. Résister à la dépression ambiante, à la colère qui monte, et continuer à s’indigner main dans la main. Après six mois, il n’y a plus de clivage entre volontaire et réfugié, il n’y a plus de statut, ni cette relation de “l’un donne l’autre reçoit”. Juste une équipe d’amis assez hétéroclite qui ne partagent pas la même langue, mais le même combat contre les frontières, sous toutes leurs formes.

Les rencontres que j’ai faites en Grèce m’ont construite plus que n’importe quelles autres dans ma vie. Grâce à elles, j’ai appris que l’amour et l’amitié n’ont pas de frontières ni de langues. J’ai appris que ce qui compte c’est notre capacité à faire confiance et à parier sur la vie. J’aurais des portraits de gens exceptionnels à décrire, mais nous serions encore là demain.

Qu’avez-vous rapporté avec vous de la guerre et de l’exil?
Des bribes d’histoires, de témoignages auxquels je repense comme si je les avais vécus. Ces récits sont teintés de douleurs, de fuites, de séparations, de tortures, de morts, et résonnent encore du bruit des bombes. Plus forts que tout, j’ai aussi ramené les regards d’incompréhension des enfants face à la bêtise des adultes, et leurs cicatrices indélébiles

Beaucoup d’enfants sont nés au cœur du chaos, ou le long de la longue et douloureuse route vers l’Europe, terre promise. L’ancrage dans la dure réalité de la vie lorsqu’on a fui la mort est palpable. La porte à l’imaginaire, au merveilleux, au rêve, à la légèreté est fermée à double tour. Dans la tête des enfants, pas de place pour les animaux qui parlent, pour les hommes qui commandent au soleil et à la tempête. Pas de place pour les princesses aux longs cheveux d’or enfermées dans des tours d’ivoire ou pour les chevaliers vaillants qui, du haut de leurs montures ébène, viennent sauver la destinée des hommes. Dans la tête des enfants, pas de comptines où sautillent nuages colorés, où scintillent des étoiles d’or. Seulement la guerre, la fatigue, le désespoir des adultes, le camp entouré de barbelés et la nourriture sèche de l’armée. Et pourtant… ils ont cette énergie sans bornes qui redonne foi en tout.

Et les jeunes adultes? 
A eux aussi on a volé leur jeunesse. Et c’est presque pire que ce qui arrive aux enfants.  Car eux savent ce qu’est l’abondance, la liberté, le bonheur. Ils ont eu une enfance et savent qu’ils ne seront pas capables de l’offrir à leurs propres enfants. Ils ont commencé des études et des jobs d’été. Ils ont tout arrêté sous la pression des bombes et sont venus chercher un avenir meilleur en Europe. Mais la porte leur est fermée, aussi intelligents, ambitieux et talentueux qu’ils soient. Depuis des mois, ils attendent. Ils aident à la cuisine, au montage et au démontage des infrastructures du camp, ils règlent les disputes entre les enfants ou entre les Kurdes et les Arabes. Ou alors ils se battent, tantôt doux et résignés, tantôt frustrés et désespérés.

« Cette hypocrisie que le pape dénonce est le message le plus important qu’il puisse faire passer dans ce monde agité »

Dans les camps un  petit différend prend des dimensions énormes. Il faut le savoir, tenter de tempérer, ne jamais hausser la voix, ne jamais juger. Les habitants du camp ne sont pas vraiment eux-mêmes. Ils ont perdu tout ce qu’ils avaient: une famille en bonne santé, une maison, de la nourriture sur la table à chaque repas, des vacances au soleil…  Et les voilà dans une carapace de survie qui pousse les émotions à l’extrême, la haine comme l’amour, la joie ou la solidarité. Ce sont ces émotions qui nous font sentir si humains. Plus rien en surface, que cette pure réalité, criante de vérité.

Quel regard posez-vous sur ce que certains appellent la « crise migratoire européenne »?
En Grèce, je suis devenue activiste sans même l’avoir jamais imaginé. Activiste des droits de l’homme, des politiques d’accueil que nous avons sur papier mais que nous n’appliquons pas. Activiste pour l’abaissement des frontières, activiste pour la liberté.
 Malgré les termes apocalyptiques véhiculés par les médias qui parlent « de la pire crise migratoire » que l’Europe ait connu, je n’y crois pas. Il n’y a qu’à comparer notre “crise” avec celle du Liban, de l’Irak, de l’Ouganda. Non, notre crise à nous relève de la gouvernance et du cul-de-sac dans lequel est enfermée l’assistance humanitaire traditionnelle. C’est une crise de compassion plus que de capacité.

En Grèce, j’ai assisté à cette nouvelle génération d’Européens debout, qui ne prétendent pas “faire une différence” mais simplement apporter un peu de leur créativité, dynamisme, et humanité à ceux qui se sentaient oubliés. On est là pour les mêmes raisons, alors on se complète, on s’inspire, on crée ensemble et on partage nos meilleures énergies pour garder du courage. Être simplement là est un acte politique en soi, car c’est l’émergence du nouveau visage de l’Europe humaniste au moment où l’indifférence prime partout.

L’Europe a une forte culture chrétienne. Est-ce que cela lui incombe des devoirs particuliers?
Précisément, c’est cette culture qui devrait nourrir notre ouverture à l’autre, notre foi inestimable en l’autre, en celui qui est comme nous. Penser que les réfugiés et les migrants vont éroder cette culture millénaire est un faux débat. C’est faire mille pas en arrière. Demain, le monde sera métissé, multiculturel, diversifié, et si riche de toutes ces différences. On ne peut pas aller à contre-courant des migrations. Fermer les frontières et ériger nos pays en forteresses n’est pas une solution durable. On ne peut rien contre la marche de ceux qui fuient dans l’espoir d’un avenir où les bombes ne pleuvent plus sur leur tête.

Le pape François a pris position plusieurs fois sur la question des réfugiés, est-ce que cela a eu un écho selon vous?
Bien sûr, son appel à la tolérance et à l’accueil des réfugiés a fait le tour du monde. Ce qu’il dit sur la contradiction de ceux qui veulent défendre le christianisme en Occident tout en étant contre l’accueil des réfugiés et des autres religions me parle beaucoup. Cette hypocrisie qu’il dénonce est le message le plus important qu’il puisse faire passer dans “ce monde agité”. “Tu ne peux pas être chrétien sans vivre comme un chrétien”, rappelle-t-il. Pour moi, c’est la même chose pour toutes les religions, qui ont comme piliers les mêmes valeurs de paix, d’amour et de solidarité. C’est un impératif moral que de mettre en place une réponse coordonnée et efficace pour l’accueil des réfugiés par la communauté politique, la société civile et l’Église. Je trouve que le pape met parfaitement bien en avant le devoir d’hospitalité ancré dans nos cultures occidentales.

Et chez vous, la foi a-t-elle influencé votre engagement?
Pour être honnête, mon chemin de foi est un peu en stand-by. Entre une foi qui m’a été inculquée dans mon enfance et dans laquelle j’ai du mal à me retrouver aujourd’hui, et une nouvelle relation à la religion qui m’est propre. Elle exigera du temps pour être intégrée à ma vie de tous les jours. Je ne peux donc pas dire que ma décision de passer six mois dans les camps de réfugiés a été motivée par Dieu, même si je sais que les valeurs qui m’ont amenée à partir je les ai puisées dans mon éducation chrétienne.

Dans ce monde trop souvent teinté de déceptions, d’intolérance et de manque d’engagement, je crois bien que l’humanité est ce en quoi je crois le plus fermement. Si croire c’est ouvrir les yeux sur les hommes, les femmes et les enfants qui font face à nos frontières hermétiques et dont le seul crime est d’avoir fui la guerre, alors oui je crois et je tiens à vous faire partager mon chemin d’humanité. Je suis aussi profondément convaincue que nous n’avons pas tous les mêmes combats. C’est justement ce qui rend notre jeune génération si riche! J’aimerais simplement aider les gens de chez moi à sortir de leur aveuglement complaisant en leur rappelant les valeurs qui fondent aussi bien nos religions que nos démocraties. C’est la mission qui me tient le plus à cœur!

Quel regard portez-vous sur votre génération?
Je pense que ma génération est dépassée dans un monde qui change trop vite, et dans lequel elle est informée de tout sans pour autant avoir les outils d’action nécessaires.

Nos institutions sont archaïques, les traités d’aide humanitaire le sont aussi. Nous devons aujourd’hui rafraîchir ces systèmes fourre-tout afin de les adapter au monde contemporain, et lier nos combats entre eux. Avec l’aide des nouvelles technologies, des réseaux sociaux, d’un mélange de rêve et d’un peu de raison, nous pouvons être acteurs de plus de justice et d’humanité.

Et ces belles ambitions commencent par aller donner une soupe chaude aux migrants sous le Pont de la Chapelle à Paris, ou des cours de français dans un centre d’accueil près de chez nous. « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde, écrivait Camus. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ».  

Est-ce que vous ressentez autour de vous une soif de spiritualité?
Oui, certainement. Un besoin de pouvoir se remettre face aux incompréhensions, aux doutes et aux questions sans réponses. Un besoin de s’élever au-delà des guerres, des conflits et des problèmes de la vie de tous les jours pour se concentrer sur ce qui est beau, ce qui compte vraiment. Pour se rappeler notre finitude et la nécessité de faire ce que l’on juge juste, à notre échelle, sans rien attendre en retour. Cette spiritualité peut s’incarner dans la prière, individuelle ou communautaire, mais aussi dans la méditation, la simplicité et la connaissance de soi. Pour penser plus loin, je trouve que cette soif de spiritualité incarne un besoin plus profond: celui du contact humain et de l’épanouissement à travers l’engagement.

Quel sont vos projets aujourd’hui?
Mon engagement ne fait que commencer. Je viens de passer mon diplôme de secourisme avancé car, cet été, j’aimerais travailler sur les bateaux de sauvetage qui secourent les réfugiés et migrants au large de la Libye pour les amener jusqu’en Italie. La mer est cette zone grise où aucune entité ne se sent vraiment responsable de la mort de centaines de personnes. Alors rien ne se fait. Ah si! On parle de serrer la main à ce gouvernement libyen chaotique et corrompu, pour qu’il tente de garder les gens chez eux. Mais dans des conditions qui violent toutes les valeurs que nous prônons. Vraiment, est-ce ce qu’on peut faire de mieux?

Pour le moment, seules des ONG engagées bravent ce statu quo pour tendre leurs mains aux embarcations en détresses. J’ai une admiration sans limite pour les sauveteurs en mer. Leur engagement dépasse tout, il va plus loin que le devoir ou la compassion. Il est le reflet d’une humanité que l’on croyait perdue. [print-me]


Propos recueillis par Marie Larivé, éditrice. 

]]>
https://www.revue-sources.org/cetait-devoir-daller-montrer-leurope-ne-avait-oublies/feed/ 1
Les invasions barbares https://www.revue-sources.org/les-invasions-barbares/ https://www.revue-sources.org/les-invasions-barbares/#respond Mon, 26 Sep 2016 09:39:16 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1611 Philippe Henne, Les invasions barbares, Cerf, Paris, 2016


À l’heure de nouvelles vagues migratoires, Philippe Henne raconte ici, en reprenant le récit des grands témoins d’alors, comment les Romains de l’Empire travèrsèrent les invasions barbares. Une recension du frère Guy Musy, OP, Genève.

]]>
https://www.revue-sources.org/les-invasions-barbares/feed/ 0
Réfugiés et migrants https://www.revue-sources.org/refugies-migrants-entre-routes-deroutes/ https://www.revue-sources.org/refugies-migrants-entre-routes-deroutes/#comments Wed, 15 Jun 2016 01:54:58 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1394 [print-me]

Avec la belle saison beaucoup reprennent joyeusement leur bâton de pèlerin. Ils ont soigneusement préparé leur itinéraire, consulté cartes et sites, partagé les expériences de leurs amis. Leur sac pesé et repesé ne contient que du matériel extra léger propice à de longues randonnées. Tout est prévu pour soigner cloques et fièvres, pallier au manque d’eau potable et aux forts écarts de température. Ils partent certes pour l’aventure, mais  cartes d’assurance et de rapatriement en poche et forts de leurs gadgets électroniques.

De l’autre côté de la Méditerranée, autre scénario. Du jour au lendemain des milliers de familles, incluant nouveau-nés, femmes enceintes, personnes âgées et malades,  doivent  tout quitter, parfois en quelques minutes, parce que leur village ou leur quartier est en passe  d’être encerclé par des forces de mort prêtes à tout: violer, torturer, massacrer…

Je rentre d’Arménie

Le 1er avril 2016 les Azéris ont attaqué deux villages du Haut-Karabagh, région autonome peuplée d’Arméniens. Terrorisée, la population civile a fui vers l’arrière-pays et les quelques vieillards qui ont refusé de quitter leur maison ont été sauvagement assassinés, les oreilles coupées en guise de trophée… Un soldat a été décapité, et la Croix-Rouge a découvert un charnier de dix-huit soldats horriblement torturés. Plus de mille personnes, femmes, enfants, vieillards, ont pris le chemin de l’exode, cherchant un abri miséricordieux.

Dans la capitale Erevan sont arrivés depuis deux ans près de dix-sept mille réfugiés: Arméniens de Syrie, Yézidis, Irakiens, voire Ukrainiens et Africains chassés par la guerre, la famine, des pouvoirs oppressifs. Petit pays sans grands moyens, l’Arménie, au 3ème  rang européen quant au taux d’accueil de réfugiés, se met en quatre pour accueillir ces frères condamnés à l’errance. La fondation KASA en a encadré plus d’un millier sur mandat UNHCR.

Mesurons-nous le désarroi, voire l’horreur que connaissent ceux qui sont jetés brutalement sur des chemins inconnus et hostiles?

Les Syriens se confient: «Nos grands-parents ont fui le génocide de 1915 jusqu’aux terribles déserts de Syrie,  et les rares survivants ont échoué à Deir-Ez-Zor ou à Alep. Trois générations plus tard Deir-Ez-Zor a été occupée par le Djihad, l’église chrétienne détruite,  la population contrainte de fuir en toute hâte pour ne pas être massacrée ou obligée de se convertir à l’Islam. Aujourd’hui nous reprenons la route en sens inverse, sans être même sûrs que nous pourrons trouver notre place dans ce pays, certes accueillant, mais qui peine à nourrir ses propres habitants. Sommes-nous condamnés à un éternel nomadisme?»

Pèlerinage insolite en Anatolie

Le 12 juillet dernier Pascal Maguesyan, journaliste franco-arménien, bon connaisseur des chrétiens du Proche-Orient, décide de commémorer les cent ans du génocide arménien et assyro-chaldéen en faisant  un pèlerinage  de trente jours en Anatolie orientale, sur des terres jadis peuplées d’Arméniens:

«Je voulais faire mémoire de ces gens envoyés à la mort par ces marches forcées, Arméniens, Syriaques, Chaldéens… Le but était de parcourir à pied les neuf cent kilomètres de route qui séparent Ani, à la frontière de République d’Arménie, dont les ruines rappellent que la ville fut la capitale de l’Arménie vers l’an mille, jusqu’à Diyarbakir, l’ancienne Dikranakert, la capitale fondée un siècle avant J.-C. par Tigrane le Grand, roi d’Arménie», confie-t-il au journaliste du site cath.ch.

Après 22 jours et 410 km parcourus, Pascal Maguesyan a dû interrompre sa marche, vu la forte tension créée dans la région après l’attentat terroriste de Suruç, à proximité de la frontière avec la Syrie face à Kobané, et la reprise des combats au Kurdistan entre l’armée turque et le PKK.

Ils étaient artisans, commerçants, fonctionnaires, techniciens, médecins, ingénieurs. Saurons-nous les accueillir, les réconforter, les intégrer?

Il pensait participer au grand pèlerinage annuel du 15 août à l’église Sourb Guiragos (Saint Cyriaque)  à Diyarbakir, reconstruite sur  le modèle de la cathédrale du XIVe s. détruite en 1915 et rendue au culte en 2011 avec le soutien des Arméniens et de la municipalité de la ville.  Non seulement  il n’y arrivera pas, mais l’église sera confisquée quelques mois plus tard et mise à mal.

Routes et déroutes, écrivait Nicolas Bouvier. Mesurons-nous le désarroi, voire l’horreur que connaissent ceux qui sont jetés brutalement sur des chemins inconnus et hostiles? Sans bagages, sans équipement adéquat, sans nourriture, livrés au bon vouloir de passeurs sans scrupules et au mépris de populations excédées ou indifférentes?

Belles histoires de solidarité

Elles émanent la plupart du temps des plus pauvres, parce que plus sensibles à la douleur d’autrui. Eux, connaissent la situation de celui qui  n’a pas de quoi se laver, se vêtir, s’abriter, boire ou se soigner. Ils ne se demandent pas s’ils ont une salle de bains séparée à leur offrir. Ils partagent ce qu’ils ont.[1]

Grecs et Italiens en particulier accueillent ces réfugiés avec beaucoup de générosité en dépit de leurs problèmes propres. Certains arrivent en Suisse, en France, en Allemagne. Il y a peu, la plupart vivaient bien, voire mieux que nous ici. Ils étaient artisans, commerçants, fonctionnaires, techniciens, médecins, ingénieurs. Saurons-nous les accueillir, les réconforter, les intégrer?

Revivre le rêve américain

Au XIXème s. des millions d’Européens partirent pour cette terre promise que représentait l’Amérique.

Au XXème s. des millions de  réfugiés traversèrent l’Europe en tout sens, chassés par les guerres, les pogroms, les génocides. Dans une récente interview sur Euronews, Madeleine Albright, première femme à être secrétaire d’Etat aux USA, d’origine tchèque et qui connut deux migrations douloureuses, disait combien son intégration avait été facilitée par l’accueil chaleureux des Américains d’alors. Une histoire pas si lointaine, qui devrait inciter les nantis que nous sommes à ressentir la tragédie de tous ceux qui ne prennent pas la route pour leur plaisir, mais parce qu’elle est pour eux leur seule chance de survie.

La fraternité l’emportera-t-elle sur la fermeture des frontières et des cœurs?

[print-me]


Monique Bondolfi

Monique Bondolfi

Monique Bondolfi-Masraff, membre de l’équipe rédactionnelle de Sources. D’origine arménienne elle préside à Erevan depuis près de vingt ans  la Fondation humanitaire et de développement KASA. Très sensible de ce fait au génocide qu’a subi son peuple il y a cent ans et à l’émigration forcée qui a suivi, elle est à même de comprendre le désarroi des nouveaux réfugiés qui frappent à nos portes aujourd’hui.

[1] Le directeur local du UNHCR nous racontait combien il avait été bouleversé de rencontrer aux confins de l’Arménie, dans une région menacée par les tirs des voisins, une famille de six personnes vivant dans d’une extrême pauvreté accueillir une autre famille constituée de douze réfugiés.


SIX VOIX

Ce n’est pas la mer qui nous a recueillis,
nous avons recueilli la mer à bras ouverts.
Venus de hauts plateaux incendiés par la guerre et non par le soleil,
nous avons traversé les déserts du tropique du Cancer.

Quand d’une hauteur la mer fut en vue
elle était ligne d’arrivée, pieds embrassés par les vagues.
Finie l’Afrique semelle de fourmis,
par elle les caravanes apprennent à piétiner.

Sous un fouet de poussière en colonne,
seul le premier se doit de lever les yeux.
Les autres suivent le talon qui précède,
le voyage à pied est une piste d’échines.

Erri de Luca, Aller simple, Edition Bilingue. Poèmes. Traduit de l’italien par Danièle Valin, Gallimard, Paris 2015

]]>
https://www.revue-sources.org/refugies-migrants-entre-routes-deroutes/feed/ 1