Guerre – Revue Sources https://www.revue-sources.org Fri, 01 Jun 2018 08:56:24 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Une colline au Kasaï. Chronique de guerre et d’espoir https://www.revue-sources.org/une-colline-au-kasai-chronique-de-guerre-et-despoir/ https://www.revue-sources.org/une-colline-au-kasai-chronique-de-guerre-et-despoir/#respond Fri, 01 Jun 2018 04:10:24 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2603 Guy Luisier: Une colline au Kasaï. Chronique de guerre et d’espoir, Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice 2017, 193 p.

Le chanoine Guy Luisier, de l’Abbaye de St-Maurice en Valais, fut recteur du collège abbatial avant de devenir curé de paroisse, puis missionnaire en RDC. Précisément, au Kasaï où il accompagne la fondation d’une communauté de chanoines réguliers. Le fait qu’il partage désormais son temps entre l’Afrique et l’Europe lui permet de se vouer à des travaux d’écriture où il excelle.

Le chanoine avait déjà fait connaître sa «colline» africaine dans un ouvrage paru en 2013: «Une colline au Congo. Six mois dans la savane missionnaire du XXIème siècle». Tableau idyllique peint par un Européen, à la fois étonné et conquis par les découvertes que l’Afrique lui réserve. L’ouvrage paru trois ans plus tard est d’une autre facture. Il s’agit d’une chronique rédigée entre le 20 juin 2016 et le 17 avril 2017, période traversée par une série d’épreuves vécues par l’auteur et ses confrères congolais.

J’ai admiré la persévérance de cet homme.

J’avais déjà lu des extraits de ce journal dramatique dans divers médias romands, avant qu’ils ne fussent rassemblés dans un seul volume. Hier comme aujourd’hui, je ne puis m’empêcher de comparer la guerre civile qui enflamme le Kasaï à celle qui ravagea le Rwanda dans les années 90. L’une et l’autre, irrationnelles et abominables dans leurs effets, mettent en scène des enfants tueurs galvanisés par la drogue ou la sorcellerie, tandis que d’autres jeunes sont leurs victimes. Le fait que ces horreurs n’épargnent pas l’Eglise est aussi une similitude. Que ces drames aient été commandités par des politiciens corrompus, affamés de pouvoir, à la botte de puissances économiques internationales ou régionales, ne nous surprend pas non plus. Mais plus important que l’analyse des causes et le détail des exactions est la réflexion et le comportement du chanoine qui vécut cette guerre dans sa chair et son esprit.

J’ai admiré la persévérance de cet homme qui refuse de quitter les lieux alors que se déchaîne la tempête. Courageux mais non téméraire, il ne s’expose pas à la mort, gardant tête froide au-dessus de la mêlée et n’abandonnant jamais son humour décapant. Face aux ruines accumulées autour de lui, il veut encore rêver aux lendemains qui chantent. Je pourrais aussi évoquer sa foi robuste, sevrée de tout pieux bavardage. Ce rude et sobre évangile lui suffit pour exorciser ses peurs et celles de ses compagnons qui marchent à ses côtés ou tremblent derrière lui.

Guy Musy

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Les Dominicains et la «Grande Guerre» https://www.revue-sources.org/dominicains-grande-guerre/ https://www.revue-sources.org/dominicains-grande-guerre/#respond Wed, 15 Jun 2016 01:37:08 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1388 [print-me]

La Société d’histoire de Fribourg et la chaire d’histoire de l’Eglise de l’université de cette ville, en union avec l’Institut S. Thomas d’Aquin pour la théologie et la culture ont organisé à l’Albertinum  le vendredi 8 avril 2016 une journée d’étude consacrée au Chapitre Général de l’Ordre des Prêcheurs tenu précisément à l’Albertinum de Fribourg en août 1916, voici cent ans. La thématique relative à ce Chapitre n’occupa qu’une partie des débats du colloque. Le reste fut consacré au contexte social et politique fribourgeois de l’époque.

Nous attendons avec une certaine impatience la publication des Actes de ce colloque pour en savoir davantage. Un lot de consolation cependant. Les lecteurs de l’hebdomadaire romand «L’Echo Magazine» avaient été alléchés par la publication d’une notice et d’une photo sur ce même sujet parues le 30 octobre 2014.  C’était déjà le frère Bernard Hodel, un des organisateurs de la journée d’étude du 8 avril dernier, qui en avait pris l’initiative.

Le chapitre de 1916, présidé par le Père Theissling, accompagné de son bienheureux prédécesseur, le Père Cormier, rassemblait en  un pays neutre des capitulaires provenant de divers pays belligérants. Une immense surprise à la lecture des Actes de ce chapitre, relève Bernard Hodel: «On voudrait trouver dans les textes écrits à cette occasion(…)une dénonciation de la guerre. Déception: il n’y a presque rien. Les cent cinquante pages des Actes son essentiellement consacrées à des questions de gouvernement de l’Ordre ou à des questions de discipline religieuse».

Comment expliquer ce silence?

«Il n’y a pas à s’en étonner», poursuit le frère historien. Mais précisément, nous nous en étonnons. Comment expliquer ce singulier silence? Désir d’éviter entre frères les sujets qui fâchent? De sauver l’unité de l’Ordre au milieu des décombres de l’Europe? Pourquoi cette absence de parole de paix, de médiation et de réconciliation? Nous savons bien par ailleurs comment des Dominicains de ce temps furent fortement sollicités à prendre parti dans ce conflit. Notre revue a déjà fait état du sermon de La Madeleine du 10 décembre 1917 qui valut au Père Sertillanges de sérieux ennuis. (Cf Sources, avril-juin 2015: Philippe Verdin: Servir l’Eglise ou sa patrie? Le dilemme du père Sertillanges.)

Par chance, le Colloque de Fribourg avait prévu une contribution qui aurait pu répondre à nos questions. Celle du frère Philppe Toxé, intitulée: «La guerre absente du Chapitre». Nous attendrons la publication des Actes de ce colloque pour en prendre connaissance.

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La «der des der» https://www.revue-sources.org/la-der-des-der-2/ https://www.revue-sources.org/la-der-des-der-2/#respond Sat, 04 Apr 2015 09:30:00 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=683 [print-me]

Nos lecteurs jugeront peut-être déplacé et désuet ce dossier qui commémore la guerre de 14 – 18, « la der des der », comme se plaisaient à l’appeler les poilus rescapés qui revenaient du front. D’abord, elle ne fut pas la dernière. En fait de «boucherie», la triste actualité quotidienne relègue au second plan la fameuse «tranchée des baïonnettes». Rien de plus répétitif que la guerre. Ce ne sont que les armes qui diffèrent: massives ou légères. Aveugles, de toute façon.

D’où vient la guerre? Qu’elle soit djihadiste ou républicaine? Elle naît nécessairement dans le cœur de l’homme. Je relis cette phrase de la Lettre de Jacques. «Dieu ne tente personne». Autrement dit, ce n’est pas Dieu qui inspire et veut la guerre. Alors, d’où vient-elle? Et Jacques d’expliquer: «Chacun est tenté par sa propre convoitise qui l’entraîne et le séduit. Une fois fécondée, la convoitise enfante le péché et le péché arrivé à sa maturité engendre la mort». (Jac 1, 13-14.) Il n’y a pas de guerres petites ou grandes, propres ou sales, conventionnelles ou nucléaires, justes ou injustes. Il n’y a que la convoitise qui dégénère en massacres, en génocides et en boucheries. La guerre de 14 -18 est une sinistre illustration de cet enchaînement. «Capital de la douleur» pour citer le poète Paul Eluard qui chanta (?) cette inqualifiable horreur.

Rien de plus répétitif que la guerre.

Prévenir la guerre implique donc la guérison du cœur. Etouffer en nous tout germe d’envie qui nous pousse à étrangler notre voisin dans le but d’agrandir notre territoire. Derrière cette violence se profile un sentiment de frustration, l’incapacité de nous accepter nous-mêmes sans agresser nos plus chers prochains. Que vous soyez tsar, kaiser, sultan, roi d’Angleterre, Wilson ou Clémenceau, la guerre est d’abord ce feu qui ronge votre cœur et qui finit par incendier la terre entière. Rien ne sert que vous travestissiez vos envies et vos rapines sous de bons et beaux sentiments: patrie, culture et même religion, comme si Dieu bénissait vos entreprises meurtrières.

Face à ce désastre ou aux prises avec lui, comment devrait réagir un chrétien lucide? Une question que nous nous sommes posée en rédigeant ce dossier. Beaucoup se laissent entraîner dans la logique de la guerre. Le «Sermon de la Madeleine» que nous relatons en est un bon exemple. D’autres s’exposent à être taxés de mauvais citoyens en se réclamant de l’objection de conscience qui leur interdit à faire usage des armes, quitte à subir les foudres du pouvoir en place.

Saint Maurice lui-même fut l’un de ces réfractaires. Sous le couvert de quel paradoxe les armées dites chrétiennes choisirent ce légionnaire objecteur pour patronner leurs opérations militaires? Un mystère qu’une historienne tente d’élucider dans ce numéro.

Mais la plupart des chrétiens, sans prises sur les causes des conflits, interviennent pour en limiter les effets désastreux. Sur cette ligne, nous avons voulu faire écho à la diplomatie pontificale très présente dans les organismes internationaux où il est question de désarment et même à des interventions individuelles charismatiques.

Il nous a plu de relever la mission humanitaire du Père dominicain Georges Pire auprès des réfugiés de la deuxième guerre mondiale et celle, conciliatrice, du frère Bruno Hussar en Israël. Plus proche de nous, le sacrifice de Hrant Dink qui rêvait de faire vivre ensemble Turcs et Arméniens.

Toutes ces interventions sont de type samaritain. Elles soulagent momentanément le mal déjà commis. Et Dieu sait si elles sont nécessaires! Toutefois, elles ne devraient pas nous faire oublier notre devoir de prévention: agir en amont et soigner nos envies destructrices. Le combat contre la guerre se situe d’abord à ce niveau.

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Le Saint-Siège et le désarmement https://www.revue-sources.org/le-saint-siege-et-le-desarmement-2/ https://www.revue-sources.org/le-saint-siege-et-le-desarmement-2/#respond Sat, 04 Apr 2015 09:00:25 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=105 [print-me]

On connaît la « diplomatie vaticane », ses nonciatures et ses nonces. Depuis plus de 60 ans, des papes sont ainsi venus parler à l’Assemblée générale des Nations Unies où le Saint-Siège est présent comme Etat observateur.

Ce qui est beaucoup moins connu, c’est le travail au jour le jour des missions diplomatiques du Saint-Siège dans le cadre des organisations internationales à New York, Genève, Vienne, Strasbourg et dans d’autres villes sièges d’organisations régionales ou internationales. Mais ce qui est très largement méconnu, c’est ce que fait le Saint-Siège dans le domaine de la sécurité, du désarmement et du contrôle des armes. Du moment que le Saint-Siège, au moins depuis plus de 150 ans, n’a plus d’armée ni d’arsenaux militaires, pourquoi cette présence dans ces fora et quelle légitimité a-t-il comme acteur dans ce domaine?

Pour la reconstruction d’un nouvel ordre mondial

Cet article ne prétend pas écrire l’histoire du Saint-Siège dans le domaine du désarmement, encore moins disserter sur la conception de l’Eglise catholique et son engagement pour la paix entre les peuples et à l’intérieur des frontières nationales. Ce texte n’est qu’une introduction au travail du Saint-Siège dans le cadre des institutions multilatérales dédiées au désarmement, au contrôle des armes et au respect du droit international humanitaire en général.

Si le Saint-Siège a opté pour le statut d’observateur aux Nations Unies, il a fait un choix différent dans le domaine qui nous intéresse dans cet article. A la fin de la Seconde Guerre mondiale et suite à trois conflits majeurs successifs que l’Europe et le monde ont vécus avec leur cortège de millions de morts, de blessés, d’handicapés, de destructions de populations entières et des infrastructures, les pays, surtout européens, étaient dans une situation de désespoir et de déboussolement. A côté de la reconstruction économique et politique, il y avait un besoin urgent d’une reconstruction morale et d’un nouvel ordre mondial basé sur le respect de la dignité de la personne et de ses droits fondamentaux inaliénables.

Dans cet effort, le Saint-Siège a rejoint la communauté internationale comme un acteur privilégié pour créer des institutions et négocier des traités qui limitent et réglementent l’usage des armes. Dans ce domaine, le Saint-Siège est Etat partie (pas observateur) à presque tous les instruments relatifs au contrôle des armes et au désarmement: Traité de Non-Prolifération (Nucléaire), Convention sur les armes biologiques, Convention sur les armes chimiques, Convention sur certaines armes classiques, Convention sur les mines antipersonnelles, Convention sur les armes à sous-munitions, etc. Le Saint-Siège est aussi membre de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique. Il est Etat observateur à la Conférence du Désarmement qui a son siège à Genève.

Trois objectifs principaux

Trois objectifs principaux sont au centre de l’activité et des positions du Saint-Siège:

Tout d’abord, la défense de la dignité de la personne, quelle qu’elle soit, et la remise de la personne humaine au centre de la discussion, et en premier lieu les victimes ou les victimes potentielles des conflits armés. Le Saint-Siège se base sur des données scientifiques, techniques, stratégiques et politiques solides. Mais le fondement de ses positions réside dans le corpus de l’enseignement social de l’Eglise développé à longueur de décennies. En cela, il cherche à dépasser une discussion sur les armes en tant que telles pour montrer leurs effets et leurs conséquences humanitaires.

Deuxième objectif  : Même en acceptant qu’un Etat ait le droit, sinon le devoir, de défendre sa population et d’assurer sa sécurité, tout n’est pas permis ni acceptable dans la conduite des hostilités. Il y a des principes éthiques, humanitaires et juridiques qui s’imposent à tous dans les situations de conflits armés. L’échec de préserver la paix ne devrait pas se doubler par des actes assimilables à des crimes de guerre ou à des génocides ou encore à des crimes contre l’humanité. Le Saint-Siège plaide pour un minimum d’humanité dans des situations où ostensiblement on assiste à un échec évident.

Le développement est l’autre nom de la paix

Trois exemples d’intervention, enfin, la sécurité et la paix ne se préservent pas seulement par des moyens militaires. Comme le disait le Pape Paul VI, le développement est l’autre nom de la paix. L’éducation, la santé, la justice sociale, la participation politique et la coopération régionale et internationale sont des éléments indispensables pour la sécurité et la paix nationales et internationales. Pour cela, il n’est pas raisonnable ni utile d’investir exagérément dans le domaine militaire et de dilapider des biens plus nécessaires pour le développement et les besoins vitaux de la population, surtout des pauvres. Le désarmement est aussi essentiel pour plus de stabilité et de sécurité. Plus d’armes peuvent être aussi une raison de déstabilisation et de conflits.

Ces objectifs ne sont pas suffisants pour l’action du Saint-Siège. Il faut aussi œuvrer concrètement, en collaboration avec d’autres acteurs étatiques, des organisations internationales comme le CICR, des organisations de la société civile, afin de traduire ces objectifs en règles pratiques contraignantes et respectées en temps de guerre comme en temps de paix. Le Saint-Siège a travaillé et travaille avec de nombreux partenaires pour faire avancer des objectifs communs au service de la paix afin de prévenir que de nouvelles victimes payent pour l’aveuglement des hommes. A ce titre, trois exemples illustrent le mieux l’engagement du Saint-Siège dans le domaine du désarmement.

Un désarmement nucléaire total

Le Saint-Siège et les Papes, depuis le Concile Vatican II et l’Encyclique  Pacem in Terris  de Jean XXIII, se sont exprimés fortement et ont plaidé pour un désarmement nucléaire total. Malgré quelques progrès limités, la prolifération nucléaire et les risques liés à la possession de ces armes sont très élevés.

Le Saint Siège a aussi fait circuler un document de fond qui remet en cause les fondements éthiques de la dissuasion nucléaire.

Le Saint-Siège s’est associé à une coalition d’Etats, d’ONG (International Campaign to Ban Nuclear Weapons), au CICR et à des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour relancer la discussion sur le désarmement nucléaire mais dans une nouvelle perspective, celle des conséquences humanitaires d’une détonation nucléaire qu’elle soit intentionnelle ou accidentelle. Le Saint-Siège est totalement engagé dans cette initiative. Trois grandes conférences ont déjà eu lieu à Oslo (Norvège, mars 2013), Nayarit (Mexique, février 2014) et Vienne (Autriche, décembre 2014).

Lors de cette dernière conférence qui a regroupé environ 160 Etats et 900 participants au total, le Saint-Père a adressé un message puissant pour appeler au désarmement nucléaire total. Le Saint Siège a aussi fait circuler un document de fond qui remet en cause les fondements éthiques de la dissuasion nucléaire. Ce n’est pas seulement l’utilisation qui est immorale mais aussi la possession.

Protection des populations civiles

Un autre sujet de préoccupation pour le Saint-Siège est l’utilisation des armes explosives dans des régions à haute densité de population. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la population mondiale est plus urbaine que rurale. Les conflits armés auront de plus en plus lieu dans des contextes urbains. D’ailleurs, les conflits récents au Moyen-Orient, en Afrique ou en Europe le montrent bien.

Dans ces conditions, il est presque impossible de respecter le droit international humanitaire, notamment la règle de distinction entre objectifs militaires et objectifs civils, la règle de proportionnalité, etc. Les conséquences humanitaires de conflits dans les zones urbaines sont catastrophiques: les civils ne sont plus des victimes collatérales mais forment la majorité écrasante des morts et blessés, des destructions des infrastructures économiques, éducatives, sanitaires, etc. Les conditions d’une vie décente ne sont plus possibles. En général, ce sont des guerres civiles qui renforcent la haine entre les belligérants. La réconciliation devient encore plus difficile.

Le Saint-Siège, depuis quelques années, essaye avec différents partenaires, surtout des ONG, de sensibiliser la communauté internationale à cette nouvelle donne et d’encourager une réflexion multilatérale afin de trouver des solutions concrètes et adaptées.

Les armes léthales autonomes

Le Saint-Siège s’engage aussi dans certains cas pour prévenir des développements dans le domaine militaire qui portent en eux les problèmes de demain. La prévention est la meilleure option.

A titre d’exemple, il faudrait mentionner les systèmes d’armes létales autonomes. Le progrès scientifique et technologique dans le domaine de la robotique est rapide. Plusieurs pays ont entamé des programmes de recherche pour développer des applications militaires. Il s’agit de systèmes complètement autonomes et qui seraient en mesure d’opérer des actions militaires sans aucune intervention humaine. La décision de donner la mort serait prise par un robot. Les défenseurs de tels systèmes avancent l’idée qu’un robot n’a pas de sentiments et est donc moins soumis à la haine ou à l’esprit de revanche. L’autre argument est qu’il serait tout aussi capable qu’un être humain de respecter le droit international humanitaire, sinon plus.

La décision qui concerne la vie et la mort de personnes humaines ne peut pas être laissée à une machine quel que soit son degré de perfection.

Depuis l’année dernière, ce sujet est à l’ordre du jour de la Convention sur certaines armes classique. Le Saint-Siège a fait une intervention en 2014 sur le sujet pour soulever les problèmes éthiques liés à la robotisation en général et à la robotisation militaire en particulier. Le problème principal est le risque de la déshumanisation. La décision qui concerne la vie et la mort de personnes humaines ne peut pas être laissée à une machine quel que soit son degré de perfection. A côté de nombreux problèmes pratiques liés à la robotisation, il ne faut pas perdre de vue qu’un conflit garde toujours une dimension politique et humaine qu’on ne peut évacuer sans risquer de déshumaniser la guerre mais aussi la personne humaine elle-même.

Artisan de paix

Ce qui précède ne prétend aucunement proposer un tableau exhaustif. Ce n’est qu’une courte introduction pour encourager les lecteurs à s’informer davantage et, pourquoi pas, à s’engager d’une manière ou d’une autre au service de la paix à travers le désarmement. Pour un chrétien, cela n’est pas un luxe mais fait partie de son identité de chrétien, qui devrait faire de lui un artisan de paix.

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Le Père Antoine Abi Ghanem est conseiller attaché à la Mission permanente du Saint-Siège auprès de l’Office des Nations Unies et des institutions spécialisées à Genève. Il est plus spécialement chargé des questions de désarmement.

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Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places https://www.revue-sources.org/deja-netes-plus-quun-dor-nos-places/ https://www.revue-sources.org/deja-netes-plus-quun-dor-nos-places/#respond Sat, 04 Apr 2015 08:56:32 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=103 [print-me]

Tu n’en reviendras pas toi qui courais les filles
Jeune homme dont j’ai vu battre le cœur à nu
Quand j’ai déchiré ta chemise et toi non plus
Tu n’en reviendras pas vieux joueur de manille

Qu’un obus a coupé par le travers en deux
Pour une fois qu’il avait un jeu du tonnerre
Et toi le tatoué l’ancien Légionnaire
Tu survivras longtemps sans visage sans yeux

Roule au loin roule train des dernières lueurs
Les soldats assoupis que ta danse secoue
Laissent pencher leur front et fléchissent le cou
Cela sent le tabac la laine et la sueur

Comment vous regarder sans voir vos destinées
Fiancés de la terre et promis des douleurs
La veilleuse vous faite de la couleur des pleurs
Vous bougez vaguement vos jambes condamnées

Vous étirez vos bras vous retrouvez le jour
Arrêt brusque et quelqu’un crie Au jus là-dedans
Vous baillez Vous avez une bouche et des dents
Et le caporal chante Au pont de Minaucourt

Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit
Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places
Déjà le souvenir de vos amours s’efface
Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri.

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Louis Aragon, Poèmes contre la guerre
Ce poème a été chanté par Léo Ferré sous le titre « Tu n’en reviendras pas ».

 

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Servir l’Eglise ou sa patrie? Le dilemme du père Sertillanges https://www.revue-sources.org/servir-leglise-patrie-dilemme-pere-sertillanges/ https://www.revue-sources.org/servir-leglise-patrie-dilemme-pere-sertillanges/#comments Sat, 04 Apr 2015 08:49:16 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=101 [print-me]

Quand le Père Antonin-Dalmace Sertillanges monte en chaire de l’église de la Madeleine à Paris, ce lundi 10 décembre 1917, il est une des figures connues de l’Eglise catholique en France. Professeur de philosophie à l’Institut catholique, prédicateur fameux, il est aussi un écrivain à succès. Il sait relire la vie et les questions de ses contemporains à la lumière de la foi, dans une langue simple et claire.

Prêtres collecteurs d’or

Les circonstances sont assez curieuses. Le père Sertillanges a été sollicité par l’archevêque de Paris, le cardinal Amette, pour manifester le concours des catholiques à l’effort de guerre. Il s’agit d’inviter les fidèles, et au-delà tous les citoyens de bonne volonté, à donner leur or. Le gouvernement vient de lancer un nouvel emprunt pour payer les canons, les obus, le fil de fer barbelée, les aéroplanes…

L’engagement sans réserve des catholiques et de leurs prêtres dans le combat va réconcilier l’Eglise et la nation après soixante-dix ans de méfiance réciproque.

Le Père Sertillanges remercie d’emblé le cardinal d’avoir fait des prêtres « des collecteurs d’or. L’or étant le signe et l’un des moyens principaux de la puissance française, il convenait de le mettre au service de la patrie. Toutes les paroisses sont devenues des guichets où le peuple apporte son or et retire un témoignage de civisme. »

Comme ces mots sonnent bizarres à nos oreilles, cent ans après! Mais le contexte explique en partie cette phraséologie déroutante. La guerre totale mobilise toutes les ressources nationales, l’Eglise, les paroisses, le clergé y compris. Il s’agit d’un combat contre le mal, incarné par l’Allemagne, comme vient d’ailleurs de le déclarer le Président Wilson à Washington. En outre, l’Eglise joue une partie décisive: l’engagement sans réserve des catholiques et de leurs prêtres dans le combat va réconcilier l’Eglise et la nation après soixante-dix ans de méfiance réciproque.

Très saint Père, non! Non!

Dans cette affaire, le Père Sertillanges est l’homme-lige de l’épiscopat français. Le cardinal Amette est présent à la Madeleine, il a donné son nihil obstat au texte du Dominicain. Mais si ce discours va rester dans les mémoires, c’est parce qu’il explique dans des termes sans équivoque la volonté française.

La France ne veut pas d’une paix bradée. Le père Sertillanges répond au nom de la France au plan de paix proposé par le pape Benoit XV à tous les belligérants le 1er août 1917. Il proposait une paix blanche et un désarmement des nations, pour mettre fin à la boucherie, sauver la monarchie catholique autrichienne et contrarier les rêves de revanche. La réponse des Alliés tarde à venir.

« Nous sommes des fils qui disent Non, non, comme le rebelle apparent de l’Evangile ».

L’envoyé en Suisse de la chancellerie pontificale, Mgr Marchetti, s’étonne le 5 septembre du silence du Quai d’Orsay: « Le pape est mortellement blessé par le refus de l’Entente (Royaume-Uni, France, Russie) de répondre à sa note; que la France réponde quelque chose, n’importe quoi: toute lettre appelle réponse! « [1. Nathalie Renoton-Beine, La colombe et les tranchées – les tentatives de paix de Benoit XV pendant la Grande Guerre, Cerf, 2004, p. 298.]

La réponse, c’est le Père Sertillanges qui la donne ce jour-là: « Très Saint Père, nous ne pouvons pas pour l’instant, retenir vos appels de paix. Nous sommes des fils qui disent Non, non, comme le rebelle apparent de l’Evangile. La France n’a pas confiance dans la bonne volonté de ses ennemis. Dès lors, nous ne pouvons croire à une paix de conciliation. Nous nous sentons dans la nécessité d’amener notre ennemi à connaître l’angoisse, seule leçon qu’il paraisse en état de goûter. Nous le vaincrons. Après nous demanderons trois choses: des réparations, des restitutions, des garanties ». C’est exactement le programme de Clémencau, l’homme fort que la France vient de se choisir pour parvenir à la victoire sans concession.

Machiavélisme politique: le gouvernement anticlérical français ne veut aucun contact officiel avec le pape. Pour lui répondre de manière détournée, il n’utilise pas la voie d’un diplomate officieux, mais le discours d’un Dominicain dans une église!

Le pape attendra cinq ans avant de sévir

Benoit XV est scandalisé. Le cardinal Gasparri, ministre des Affaires Etrangères du pape, réclame la démission du Père Sertillanges. Pour le protéger, l’Etat français le fait élire membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques et le nomme Chevalier de la légion d’honneur. L’Institut catholique met en garde la Curie romaine contre une sanction qui serait considérée comme un acte politique hostile.

Le pape attendra donc une Assemblée nationale plus favorable en France, ainsi que le rétablissement des relations diplomatiques. En 1922, il exigera la mise à la retraite du Dominicain, il lui interdira d’enseigner, l’exilera à Jérusalem puis en Hollande. Les Présidents de la République Poincaré et Millerand auront beau plaider pour l’ancien porte-parole de la France en guerre, rien n’y fera.

Servir la patrie ou obéir au pape?

La question de fond que pose le discours de la Madeleine, c’est celle de l’autorité morale: dans un pays en guerre, en crise grave, un religieux, un chrétien doit-il préférer le service commandé par les autorités de la patrie plutôt que l’obéissance au pape qui, lui, envisage le bien commun supranational?

C’est le critère de la charité qui permettrait de trancher devant un choix cornélien. Le Père Sertillanges doit obéissance au Siège apostolique. Mais l’amour de son pays lui semble plus important qu’une parole du pape qui, de plus, n’était pas en l’occurrence une norme, mais un appel.

C’est la charité envers son pays, l’amour de la nation qui justifie la dispense faite au Père Sertillanges par le cardinal Amette.

C’est donc bien un choix de la conscience en situation, dont on ne peut aucunement conclure que le Père Sertillanges était un rebelle définitivement, la transgression étant liée à une situation précise. C’est lorsqu’elle se développe dans le temps, coupée de sa situation d’origine, qu’elle devient une déviance. Saint Thomas d’Aquin, que le père Sertillanges enseignait, écrit: « celui qui, en cas de nécessité, agit indépendamment du texte de la loi, ne juge pas la loi elle-même, mais seulement un cas singulier où il semble qu’on ne doive pas tenir compte des termes de la loi. »(Ia IIæ, q. 96, a. 6, ad 1.)

Pour comprendre le choix du Père Sertillanges, on doit aussi ne pas oublier qu’il obéissait à l’Ordinaire du lieu. La légitimité de l’archevêque de Paris incluait donc le devoir patriotique. Dans le Traité du précepte et de la dispense de saint Bernard on lit au §5: « Aussi, tant que les obligations favorisent la charité, elles sont stables et inviolables et les supérieurs eux-mêmes ne peuvent les changer sans pécher. […] Au contraire, deviennent-elles nuisibles à la charité, c’est à ceux qui doivent en juger, qu’il appartient d’y pourvoir: ne vous semble-t-il pas en effet de toute justice que ce qui a été établi pour la charité soit omis, interrompu ou changé en quelque chose de meilleur dès que la charité le réclame, et de tout injustice au contraire, de maintenir contre la charité ce qui n’a été établi qu’en sa faveur?  » C’est la charité envers son pays, l’amour de la nation qui justifie la dispense faite au Père Sertillanges par le cardinal Amette.

La guerre plutôt que la paix!

Cependant, si Sertillanges est dispensé de soutenir l’avis du pape, et s’il est même encouragé à exprimer une opinion contraire, il ne faut pas perdre de vue l’objet de l’invitation pressante faite aux belligérants. C’est un appel à la paix! Le Père Sertillanges se range lui du côté de la guerre, d’une violence revendiquée. Il assume un monceau de morts dans la boue, la souffrance terrible imposée à des millions de personnes, le sacrifice d’une génération entière.

Le ressentiment vis-à-vis de la victoire prônée par le Père Sertillanges alimentera l’idéologie d’Adolph Hitler.

L’année 1918, qui voit la reprise de la guerre de mouvement, sera l’une des plus meurtrières du conflit. Le Dominicain défend le bien apparent de son pays contre le bien commun de toute l’humanité que vise Benoît XV. Et on peut même discuter de la réalité du bienfait pour la France. Des centaines de milliers de jeunes morts supplémentaires entre août 1917 et novembre 1918, un pays ruiné, qui sera rendu frileux au moment de s’opposer à la montée du nazisme.

Le pape envisageait la restitution de l’Alsace-Lorraine en échange des territoires conquis par l’armée allemande sur l’empire russe. Les deux autres revendications françaises qui justifient la guerre jusqu’au bout et qui sont exprimées dans le discours de la Madeleine étaient la réparation et les garanties, c’est-à-dire le remboursement des dégâts et la démilitarisation de l’Allemagne.

Ces deux points vont humilier durablement le pays vaincu, susciter une volonté de revanche et n’empêcheront pas la répétition du conflit vingt ans plus tard. Au contraire, le ressentiment vis-à-vis de la victoire prônée par le Père Sertillanges alimentera l’idéologie d’Adolph Hitler.

Au discours belliciste du Père Sertillanges on ne peut qu’opposer le témoignage des humbles combattants, terrorisés dans leurs tranchées. Gabriel Chevallier écrit dans son roman La peur« La guerre a tué Dieu, aussi! A vingt ans, nous étions sur les mornes champs de bataille de la guerre moderne, où l’on usine les cadavres en série, où l’on ne demande au combattant que d’être une unité du monde immense et obscur qui fait les corvées et reçoit les coups, une unité de cette multitude qu’on détruisait patiemment, bêtement, à raison d’une tonne d’acier par livre de jeune chair « .

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Le frère dominicain Philippe Verdin est prieur du couvent Saint-Nom-De-Jésus à Lyon.

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Dominique Pire: Une fraternité universelle https://www.revue-sources.org/dominique-pire-une-fraternite-universelle/ https://www.revue-sources.org/dominique-pire-une-fraternite-universelle/#respond Sat, 04 Apr 2015 08:38:02 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=95 [print-me]

Le frère Dominique Pire (1910-1969), Dominicain belge, a montré tout au long de sa vie une compassion active au service des plus faibles, en particulier les réfugiés au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il était personnellement sensible aux conditions de vie des personnes déplacées du fait de la guerre et dont personne ne se préoccupait.

Lui-même avait fait l’expérience de l’errance en terre étrangère. Lors de la première guerre mondiale, sa famille avait dû quitter précipitamment la ville de Dinant pour trouver refuge en France (en Normandie, puis en Bretagne). Dans un entretien, le Dominicain fait référence à cette expérience douloureuse: «On nous regarde, on nous plaint, on nous aide. Je suis un réfugié, un D.P [1. D.P.: Displaced Person, Personne Déplacée.]. mais je ne le sais pas. Je ne le saurai, je ne le comprendrai, que trente-cinq ans plus tard, en voyant mes frères des camps…» [2. Hugues VEHENNE,Dominique Pire, Prix Nobel de la Paix. Souvenirs et entretiens, Office de publicité, Bruxelles, 1959, p. 4.]

Le «Hard Core»

«En voyant mes frères des camps…». Dominique Pire découvre la situation dramatique des réfugiés de la deuxième guerre mondiale. Un peu par hasard. Régulièrement, il invitait un conférencier pour aborder un thème avec un groupe de jeunes. Au début de l’année 1949, il reçoit l’ancien directeur d’un camp de réfugiés situé en Autriche. Il prend conscience de la vie de ces personnes venues de l’Est après avoir fui les combats.

Ces réfugiés, se comptant par milliers, étaient regroupés tant en Allemagne qu’en Autriche. Après leur victoire, les Alliés s’occupèrent de réinsérer les réfugiés les plus rentables. Les professions utiles à la reconstruction étaient privilégiées (maçons, menuisiers,…). Cependant, il restait un groupe non rentable, surnommé le «Hard Core» (noyau dur), un résidu composé essentiellement de malades, de vieillards, de femmes et d’enfants, abandonnés dans des baraquements insalubres. Bouleversé, Dominique Pire veut réagir de toutes ses forces.

Les parrainages

Avec des amis, il réfléchit aux actions qui pourraient être menées en faveur de ces laissés-pour-compte. La première idée fût d’écrire aux réfugiés dont on avait les noms. Ainsi naquit l’Aide aux Personnes Déplacées (APD).

Ensuite, Dominique Pire va sur place, en Autriche, sans visa ni passeport, car le temps presse. Il visite différents camps et mesure l’ampleur des besoins. Il constate la présence de bonnes volontés, mais aussi la discrimination dont font preuve les différentes organisations d’aide, chacune voulant s’occuper des «siens».

Il a déçu plus d’un catholique bien pensant en affirmant qu’il ne se souciait pas d’évangélisation, mais de dignité.

Animé par la conviction profonde que toute personne est digne d’amour et de respect, le Dominicain lance une politique d’aide inspirée par l’Evangile. Il tient à aider les réfugiés, sans se demander quelles sont leurs croyances. Au retour de sa visite des camps, il se mobilise au service de ses frères déracinés. Rapidement, il crée un réseau de parrainages reposant sur les bonnes volontés qui acceptent d’écrire et d’envoyer des colis aux réfugiés. L’attention à l’autre est aussi importante que l’aide matérielle. On comptera jusque 18.000 parrainages.

L’«Europe du cœur»

Puis vient la fondation en Belgique de quatre homes pour personnes âgées réfugiées, ainsi que les villages européens. Afin de favoriser une intégration sur place, à proximité des villes, il bâtit pas moins de sept villages, regroupant chacun une vingtaine de familles. Ces villages sont répartis en Belgique, en Allemagne et en Autriche. Toutefois, pour réaliser ses projets, le frère dominicain doit convaincre les autorités et parfois briser les résistances. Il publie un bulletin d’informations (80.000 exemplaires), collecte des fonds, visite les camps et répond à un courrier très abondant.

Le frère Dominique a toujours refusé d’appartenir aux organismes catholiques en raison d’une volonté de neutralité. Ce qui lui valut de nombreuses critiques. Il a déçu plus d’un catholique bien pensant en affirmant qu’il ne se souciait pas d’évangélisation, mais de dignité. Il soulignait qu’il recevait des dons tant des évêchés que des loges maçonniques. Par ailleurs, il avait le talent de faire travailler des collaborateurs fort différents. Sans se décourager, Dominique Pire réalisa son projet d’une «Europe du cœur».

Son audace et son dévouement ont été récompensés par le Prix Nobel de la Paix, qui lui fut décerné le 10 novembre 1958. Tous les organismes fondés par lui existent encore de nos jours.

«Université de la Paix»

Dominique Pire a toujours suivi son intuition: faire croître le respect mutuel. Il a insisté sur l’importance du dialogue fraternel où chacun tente de se mettre à la place de l’autre. Son engagement s’est finalement étendu aux dimensions de la planète. Ainsi, l’«Université de Paix» (1960) et les «Iles de Paix» (1962). La première visait à promouvoir un dialogue interculturel et interreligieux à partir d’une réflexion sur les conditions de faire advenir une paix mondiale. Les secondes devaient permettre à une région du Tiers-Monde d’améliorer son niveau de vie par l’acquisition de nouvelles compétences.

Jusqu’à la fin de sa vie, Dominique Pire s’est fait l’avocat des «sans voix». Son message continue de nous inspirer. Cette maxime sortie de sa bouche vaut tout un programme «Mettre provisoirement entre parenthèses ce qu’on est et ce qu’on pense pour comprendre et apprécier positivement, même sans le partager, le point de vue de l’autre ».

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Le frère dominicain belge Pierre-Yves Materne, réside au couvent de Bruxelles, tout en exerçant sa profession d’avocat au barreau de Bruxelles. Il est aussi chargé de cours à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve.

 

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Guerre de religion au Nigeria? https://www.revue-sources.org/guerre-de-religion-au-nigeria/ https://www.revue-sources.org/guerre-de-religion-au-nigeria/#respond Mon, 01 Oct 2012 14:36:08 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=730  

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Depuis quelques décennies les Dominicains sont installés au Nigeria et même dans le nord du pays, victime ces derniers mois d’agressions répétées fomentées par un groupe extrémiste islamique. Le rédacteur responsable de Sources a interrogé le frère Gabriel Samba, assistant du Maître de l’Ordre dominicain, au retour d’une visite au Nigeria. Nous publions sa réponse.

Cher frère Guy,

Tu me disais dans ton mail que tu aurais aimé avoir une « information sérieuse » sur les troubles religieux qui secouent le Nigeria ces derniers temps. Tu te demandes s’il s’agit vraiment d’un conflit religieux ou alors ethnique, voire économique. Tu voudrais que j’éclaire ta « lanterne ».

Ceux qui maîtrisent bien la situation disent que Boko Haram est un mouvement islamiste armé actif au nord-est du Nigéria. Ce mouvement prône un islam radical et rigoriste. Son idéologie est inspirée par les Talibans d’Afghanistan et a probablement des liens aussi avec Al-Qaida au Maghreb islamique. Ses adeptes rejettent la modernité et visent à instaurer la charia dans les Etats au Nord du Nigeria. Boko vient du mot anglais « book » qui veut dire « livre » et « haram » est un mot arabe qui signifie « interdit ». Tous les livres sont mauvais et interdits (symbole de l’éducation occidentale). Un seul livre est valable: le Coran.

La description de ce mouvement et son idéologie font plutôt penser à un conflit religieux mais certainement pas ethnique ou économique. Ce groupe est différent du MEND, le Mouvement pour l’Emancipation du Delta du Niger qui opère pour des raisons économiques dans la région du Delta au sud du Nigeria scandaleusement riche en ressources pétrolières. Le MEND se bat parce que malgré cette insolente richesse, paradoxalement la région du Delta ne bénéficie pas des retombées de la manne pétrolière. Le sud du Nigeria demeure l’une des régions les plus déshéritées du pays tandis que le nord est développé grâce aux ressources pétrolières du Delta.

La description de Boko Haram et son idéologie font plutôt penser à un conflit religieux mais certainement pas ethnique ou économique.

Les infrastructures routières et socio-économiques de base du sud sont lamentables. La dégradation de l’environnement est déplorable et le niveau de pollution inquiétant car les écosystèmes, les terres agricoles et les ressources halieutiques sont sérieusement menacés. Je viens de le voir de mes propres yeux. Les experts disent que « plus de 60 % des 31 millions d’habitants que compte la région du Delta vivent au-dessous du seuil de pauvreté. » Malgré son idéologie et ses modes opératoires contestables parce que basés sur les rançons et sur les trafics en tous genres, le conflit du MEND est économique du fait qu’il est motivé par les conditions de vie déplorables de la majorité de la population du Delta. Les motivations de Boko Haram sont complètement différentes.

Certaines personnes que j’ai rencontrées au Nigeria pensent qu’au-delà de l’aspect religieux, Boko Haram aurait un visage politique voilé et inavoué. Elles justifient cet argument par une sorte de frustration ou de mécontentement des gens du nord du Nigeria parce qu’ils ne sont plus à la tête du pays. Il semble que beaucoup des présidents qui ont dirigé le Nigeria étaient originaires du nord et musulmans. Ils auraient développé le nord et Abuja la capitale fédérale du Nigeria au détriment des autres Etats, surtout le Delta qui fournit pourtant toute la manne pétrolière. Avec la mort du précédent président, Umaru Yar’Adua en 2010 qui était musulman et originaire du nord, le pouvoir est maintenant entre les mains d’un président chrétien, Jonathan Goodluck et qui n’est pas du nord. Déçu et aigri, disent mes interlocuteurs, le nord veut rendre le pays ingouvernable à travers des actes de violence pour prétendre que le président Jonathan est incapable de gouverner le pays. Je ne sais pas à quel point cette affirmation est vraie, mais je l’ai entendue.

Quoiqu’il en soit, l’ampleur que prend le mouvement inquiète tout le monde: le gouvernement, la communauté internationale, les pays voisins du Nigeria, la population, l’Eglise, nos frères et sœurs dominicains. La province dominicaine Saint Joseph du Nigeria et du Ghana a des frères dans la zone concernée par ses violences, notamment à Gusau la capitale de l’Etat de Zamfara dans le nord. Il y a aussi des sœurs dominicaines dans cette ville. Nos frères et sœurs sont donc en insécurité. Au mois de janvier 2012 ils ont été sérieusement menacés. N’eut été l’intervention rapide de l’armée régulière nigériane, l’Ordre serait encore en train de pleurer ses fils et filles. Pendant ma visite au Nigeria, du 1er au 14 août dernier, je n’ai pas pu me rendre à Gusau. Les frères me l’ont fortement déconseillé pour des raisons de sécurité.

Voila cher frère Guy ce que je peux te donner comme informations qui ne sont pas une analyse de la situation de Boko Haram au Nigeria puisque je n’en ai pas la compétence.

Prions pour nos frères et sœurs, et pour la paix dans ce pays le plus peuplé d’Afrique et qui compte parmi les plus catholiques du monde.

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Le frère Gabriel Samba, dominicain du Vicariat d’Afrique Centrale, est l’assistant du Maître de l’Ordre des Prêcheurs pour l’Afrique.

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