Eucharistie – Revue Sources https://www.revue-sources.org Wed, 04 Jan 2017 12:49:19 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Quelle ouverture pour les divorcés remariés? https://www.revue-sources.org/quelle-ouverture-pour-les-divorces-remaries/ https://www.revue-sources.org/quelle-ouverture-pour-les-divorces-remaries/#respond Wed, 01 Jan 2014 13:14:04 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=184 [print-me]

L’ouverture miséricordieuse du pape François laisse espérer que l’Eglise catholique pourra un jour assouplir sa doctrine et sa pratique à l’égard des divorcés remariés. Un sujet douloureux que le pape a aussitôt mis à l’ordre du jour des travaux du groupe des huit cardinaux appelés à collaborer étroitement avec lui au gouvernement de l’Eglise, et maintenant au programme du prochain Synode sur la famille (2014-2015).

La doctrine et la vie

Est-ce fait exprès? Voici que la lettre publiée fin octobre, de Mgr Gerhard Müller, préfet de la Congrégation de la Foi, vient rappeler avec force que la position officielle de l’Eglise catholique ne peut changer d’un iota, au contraire. Fondée sur l’Ecriture et la Tradition, elle est confirmée par le concile Vatican II, et plus encore par les derniers papes Jean-Paul II et Benoît XVI.

Sommairement, on pourrait résumer cette doctrine ainsi. La parole de Jésus « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni », établit clairement l’indissolubilité absolue du mariage scellé entre deux chrétiens baptisés. Est donc exclue toute possibilité d’un deuxième mariage religieux après un divorce civil, et même toute forme de cérémonie comportant une « bénédiction » de la nouvelle union. D’où l’interdiction faite aux divorcés vivant maritalement d’accéder à la communion eucharistique, en raison de « la contradiction objective » existant entre leur condition de divorcés remariés et la communion entre le Christ et l’Eglise qui s’exprime à la fois dans l’Eucharistie et dans le mariage. Sans quoi, ajoute-t-on, les fidèles pourraient mettre en doute la doctrine de l’indissolubilité du mariage chrétien.

Sans doute affirme-t-on que ces personnes, exclues de la communion eucharistique, ne sont pas pour autant « excommuniées », qu’elles continuent d’appartenir à l’Eglise et sont même invitées à participer, entre autres, à la messe – sans communier! – et à l’adoration eucharistique. A moins que ces chrétiens, vivant fidèlement en couple et en famille, s’engagent à cohabiter ensemble comme des amis, ou des frères et sœurs, en prenant « l’engagement de vivre en pleine continence. » Toujours parce que leur vie maritale les met en situation objective de péché!

Allez demander à ces époux ce que signifie cette « contradiction objective » en raison du caractère « ontologique » que garde le lien de leur premier mariage (alors que dans leur cœur et dans leur vie ce lien n’existe plus réellement, hélas)! Ils ne vivent pas dans le royaume inamovible de l’objectivité et de l’ontologique, mais dans le monde des personnes (ce sont des sujets et non des objets) vivant une histoire de relations, certes fragiles et toujours appelées à la conversion, mais dans la mesure de leur capacité, qui est toujours « subjective », dans leur « périphérie existentielle ».

Déclaration controversée

Cette déclaration publiée dans l’Osservatore romano du 22 octobre (sans approbation explicite du pape, semble-t-il), mais déjà dans une revue allemande le 15 juin, n’a pas manqué de susciter de vives réactions, y compris de la part de certains évêques et cardinaux allemands. En juillet déjà, le cardinal de Berlin Mgr Woelki, déclarait que « l’Eglise catholique devrait réviser son approche sur les divorcés remariés et en discuter », ajoutant encore: « en tant que prêtre, je dois supposer que quiconque me demande la communion le fait avec un cœur pur », mais aussi: « les époux qui, reconnaissant l’échec de leur mariage, ne reçoivent pas la communion, donnent un fort témoignage de foi. »

Plus récemment, le 7 novembre, le cardinal de Munich Reinhard Marx, commentant directement la lettre de Mgr Müller, déclarait: « le préfet de la Congrégation de la Foi ne peut clore le débat… Nous verrons que ce sujet sera discuté dans toute sa largeur », entre autres lors du Synode sur la famille. A son tour, le Secrétaire général du Synode a confirmé que la question restait ouverte: « Nous allons en discuter sans tabou. » Et de citer un passage significatif de l’Exhortation apostolique Evangelii Gaudium: « L’Eucharistie n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles… L’Eglise n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile. » (n.47)

Retour à l’Assemblée Diocésaine AD 2000

Qui s’en souvient encore? Dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, l’Assemblée diocésaine AD 2000 a consacré une part importante de ses travaux aux pauvres et aux exclus, notamment à la douloureuse question des Divorcés remariés dans l’Eglise. Le Document 6 qui porte ce titre est encore aujourd’hui d’une brûlante actualité, et il vaudrait la peine de le relire en entier. Ce document, comme les huit autres, fut solennellement approuvé par l’évêque lors de la clôture du 4 juillet 2000: « En vertu du ministère apostolique que je tiens du Christ, je demande que toutes ces dispositions soient portées à la connaissance de tous, qu’elles soient mises en valeur, accueillies dans le souffle de l’Esprit et vécues pour la gloire de Dieu et le salut du monde. » Un tel engagement n’a-t-il pas autant de valeur que la lettre d’un préfet de Congrégation?

La conscience personnelle est l’ultime instance à laquelle doit se référer l’homme au moment de prendre une décision éthique.

Après avoir rappelé les déclarations officielles de l’Eglise concernant les divorcés remariés, AD 2000 évoque aussi les nombreux appels du peuple de Dieu émanant des Eglises locales durant ces dernières années, pour en conclure:

« Dans toutes ces démarches, toujours plus nombreuses et persistantes, comment ne pas voir un signe de l’Esprit à l’œuvre dans le peuple de Dieu, une expression du ’sensus fidelium’? »

« Notre assemblée, elle aussi, croit qu’un chemin doit être recherché qui témoigne, mieux que la discipline actuelle, de la largesse du cœur de Dieu pour ceux qui ont fait l’expérience de l’échec de leur premier mariage et qui témoignent de leur faim du pain de vie pour poursuivre leur route avec le Christ… »

D’où le rappel, bien nécessaire aujourd’hui, des demandes qui furent approuvées alors à la quasi unanimité de l’Assemblée:

« 9. L’Assemblée, en accord avec l’évêque, demande aux responsables pastoraux de nos communautés de faire preuve de sagesse pour mieux discerner les différentes situations des personnes et les motivations qui les poussent à recevoir l’eucharistie.

  1. Toujours en accord avec l’évêque et en exprimant son estime et son respect pour les divorcés remariés qui ont choisi en conscience de s’abstenir de communier, l’Assemblée demande aux communautés et à leurs pasteurs de respecter aussi la décision, prise en conscience, par des couples divorcés remariés, de recevoir le sacrement de l’eucharistie, dans la mesure où ils prennent en compte les exigences suivantes:

 respecter les devoirs de justice à l’égard du premier conjoint et des enfants éventuels ;
– faire preuve de fidélité dans leur nouvelle union ;
-participer à la vie de la communauté ;
– vivre un temps de réflexion nourri de la Parole de Dieu, en dialogue avec un prêtre ;
– s’interroger sur la qualité de leur faim eucharistique. »

Des conditions exigeantes et pas toujours faciles à respecter, il faut le reconnaître.

La conscience personnelle est l’ultime instance à laquelle doit se référer l’homme au moment de prendre une décision éthique.

Miséricorde et conscience

Dans ce texte d’AD 2000, il faut souligner deux mots clefs: miséricorde et conscience. Avec bien d’autres assemblées ecclésiales, l’Assemblée fait appel à « une plus grande miséricorde à l’égard des couples qui connaissent cette souffrance » et désirent bénéficier du soutien de l’eucharistie. Comme on est loin des propos de Mgr Müller qui dénonce « un faux appel à la miséricorde » et « une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu ne pourrait rien faire d’autre que pardonner. » L’Abbé Maurice Zundel doit se retourner dans sa tombe, lui qui répétait si souvent: Dieu n’est qu’amour: « un Cœur, tout Cœur, rien qu’un Cœur … Le Visage de Dieu est un visage de mère. » « Une Mère au cœur ouvert », dira de l’Eglise le pape François.

Quant au respect du choix fait en conscience par les divorcés remariés, soit de s’abstenir, soit de recevoir la communion, non sans avoir longuement réfléchi, prié et pris conseil, Mgr Müller déclare que leur conscience doit être éclairée par la vérité, et obéir au magistère de l’Eglise: pour les fidèles dont le premier mariage était valide, « la réception des sacrements n’est pas possible. La conscience de chacun est liée, sans exception, par cette norme. » A-t-on oublié que la conscience personnelle est, en amont de toute norme, l’ultime instance à laquelle doit se référer l’homme au moment de prendre une décision éthique? Vatican II l’affirme clairement: « la conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. » (Gaudium et Spes no 16)

Pratiquer l’épikie

Un dernier point, contesté par Mgr Müller, est le recours fait par certains, dont notre évêque, au principe de « l’épikie » (une loi valable en général ne recouvre pas toujours adéquatement l’agir humain concret), pour autoriser dans certains cas l’accès des divorcés remariés à la communion. Ce principe ne peut pas être appliqué ici, dit la lettre du Préfet, car il s’agit de « l’indissolubilité du mariage, une norme de droit divin dont l’Eglise ne peut pas disposer ». A cette attitude rigoriste, Mgr Genoud en avait déjà opposé une autre, à la fois spirituelle et pastorale: « Pour dépasser une diversité de pratiques allant d’un laxisme généralisé à une rigidité blessante, AD 2000 invite à prendre en compte la situation concrète des personnes et à juger avec épikie. Il ne s’agit nullement d’une permission générale donnée aux divorcés remariés de recevoir la communion – nous ne le pouvons et ne le devons pas – mais bien d’un appel exigeant, tant pour les fidèles que pour les pasteurs, à pratiquer un véritable discernement spirituel et pastoral, éclairé par la parole de Dieu et l’enseignement de l’Eglise, selon des critères précis. »

Que veut-on de plus? Souhaitons que sur cette question aussi l’Eglise puisse sortir de ses murs pour aller à la rencontre des personnes blessées par la vie et affamées d’un pain qui les aide à vivre.

[print-me]


Jean-Marie Pasquier

Jean-Marie Pasquier

L’Abbé Jean-Marie Pasquier, prêtre du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, fut professeur de théologie et directeur du Grand Séminaire diocésain. Aujourd’hui il est membre de l’équipe pastorale « Notre Dame de Compassion » à Bulle, dans le canton de Fribourg.

]]>
https://www.revue-sources.org/quelle-ouverture-pour-les-divorces-remaries/feed/ 0
Un temps pour célébrer https://www.revue-sources.org/un-temps-pour-celebrer/ https://www.revue-sources.org/un-temps-pour-celebrer/#respond Mon, 01 Jul 2013 08:31:25 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=300 Se poser la question du temps dans la perspective de la foi chrétienne et de sa liturgie, c’est se demander sous quelle influence vivons-nous. Au rythme de quoi ou de qui? Comme les autres hommes, les chrétiens suivent le rythme du soleil et de la lune, mais ils croient que le soleil et la lune sont des créatures de Dieu, qui a dit: « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit; qu’ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années », et qui « fit les deux luminaires majeurs: le grand comme puissance du jour et le petit comme puissance de la nuit, et les étoiles» Genèse 1, 14 ss.

Au rythme du Christ

Le temps des croyants, rythmé par les rassemblements de prière et les célébrations, qu’on appelle temps liturgique, est donc sous l’influence du soleil et de la lune, mais pas tout à fait, parce qu’au-delà du soleil (ou de la lune), les chrétiens se mettent au rythme du Christ. Ils ne vivent sous l’influence du soleil que provisoirement. Cela vaut mieux que de vivre comme des girouettes, sans autre repère que le désir de l’instant. Pour nous, le Christ désormais ressuscité et vivant est notre point de repère ultime et décisif. Bien mieux que le soleil, parce que le Christ est LE soleil véritable et sans déclin, qui ne se couche pas et nous fait entrer déjà dans l’éternité, alors que nous sommes encore engagés dans le temps. Le dimanche, jour du Seigneur ressuscité, participe de ces deux dimensions: c’est le premier jour de la semaine et c’est déjà le huitième jour qui nous fait passer au-delà du cycle temporel dans l’éternité de Dieu, dans l’accomplissement de ses promesses. On comprend que le chiffre 8 ait une telle importance dans la tradition chrétienne et qu’il soit devenu le chiffre du baptême. Le nombre 8, en effet, est l’addition de 7, chiffre de la perfection créée, et de 1, chiffre du Saint-Esprit qui vient achever l’œuvre de création. Ce symbolisme du Saint-Esprit s’épanouit dans la fête de la Pentecôte placée sous le chiffre 50, addition de 7 x 7 – la perfection créée au carré! – et de 1, le petit « plus » décisif du Saint-Esprit.

Au fil des jours et des nuits

La dimension symbolique du temps liturgique ne s’arrête pas là. Pour un chrétien, le cycle de chaque jour et de chaque année représente symboliquement les étapes de la vie du Christ et celles de la vie du croyant. Prenons le cycle quotidien du soleil qui se lève, atteint son midi puis se couche. A travers les prières du matin (laudes), de midi et du soir (vêpres), nous suivons au quotidien une initiation qui doit se réaliser sur l’ensemble de notre vie chrétienne.

Au matin, je me laisse réveiller par le soleil et par toute la création qui se découvre à moi sous une lumière nouvelle. Je renais pour ainsi dire, je m’émerveille comme un enfant qui découvre le monde. La prière que je partage est d’abord une prière de louange, d’émerveillement. Au soir, quand le soleil se couche, mon émerveillement a passé à travers l’épreuve du travail et des peines de la journée. Je découvre alors dans les joies et les peines partagées, dans les événements apparemment décousus de ma vie, le fil d’une histoire où Dieu manifeste sa présence. Ma louange du matin, enrichie du combat de la journée, peut devenir action de grâces adressée au Père, pour le Christ, par Lui et avec Lui. Je puis au moment de m’endormir (complies) redire les paroles de Syméon: « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole » (Lc 2,29). Dans une confiance sans réserve, je m’abandonne entre les mains du Père, comme le Christ sur la Croix. J’aborde le sommeil de la nuit comme si c’était déjà le passage de la mort, pour me réveiller au jour nouveau de ma résurrection.

Pour un chrétien, le cycle de chaque jour et de chaque année représente symboliquement les étapes de la vie du Christ.

365 jours de prière ne suffisent pas pour achever cette initiation à la grâce et à la joie de Dieu. Les psaumes sont nos guides privilégiés. Ils nous font découvrir une joie d’autant plus forte et résistante qu’elle passe l’épreuve des angoisses, des déceptions et de tous les sentiments contradictoires qui peuvent nous habiter. Il faut toute une vie pour s’initier à la joie que Dieu nous donne. Toute une vie où la prière tient du combat de celui qui prie à temps et à contre-temps. A force de suivre le cycle des jours et des saisons, on finirait par subir le temps. Mais la vocation du chrétien est de vivre au rythme du Christ, de participer à sa mort et sa résurrection, à son combat et à sa victoire, être libre par rapport au cycle des jours et des saisons. Cette liberté se manifeste de plusieurs façons. Suivant le précepte du Seigneur « Veillez et priez », les moines se mettent en prière avant le lever du soleil (vigiles ou matines). Ils manifestent l’ardeur de leur désir de salut pour le monde et pour eux-mêmes. Ils confessent en même temps Jésus ressuscité, Soleil sans déclin, par opposition à l’autre soleil dont ils peuvent désormais se passer.

Le Kairos

Si la vie familiale, professionnelle et sociale nous empêche de veiller comme les moines (sauf à la Vigile pascale!), elle nous présente suffisamment de surprises et d’imprévus qui sollicitent notre charité. Pour peu que nous soyons prêts à rompre le rythme habituel, à changer notre horaire. Le temps ici se présente sous une autre dimension, celle du « kairos », le temps à ne pas manquer, par opposition au « chronos » imperturbable.

On demandait au comédien Damien Ricour, auteur du spectacle « Bienvenue au paradis », quelle était la difficulté particulière qu’il avait rencontrée pour entrer dans le rôle du Christ. Sa réponse fut que le Christ était la seule personne qui vivait dans le présent, présent sans réserve aux personnes qu’il rencontrait, alors que tous les autres ne peuvent jamais être pleinement présents. Ils sont trop occupés par les soucis du lendemain ou par la mémoire du passé. Le secret de la réussite du comédien qui s’investit dans ce rôle est simplement d’être là, présent. Cette façon d’être n’est-elle pas aussi le secret de la disponibilité du disciple à son Dieu et à son prochain? La porte d’entrée de l’éternité dans le temps? Dans cette perspective, on pourrait dire que le temps de la prière, en nous libérant pour un moment de la pression du passé et du lendemain ainsi que du stress envahissant est une entrée dans l’éternité de Dieu. Un moment assez différent de l’accueil du prochain qui frappe à notre porte à l’improviste. Mais ces deux moments sont complémentaires.

L’année liturgique

La dimension symbolique du temps liturgique se déploie avec des richesses spécifiques dans le rythme de chaque année, dans le déroulement de ce qu’on appelle l’année liturgique. Le cours des saisons se prête à un symbolisme « naturel » qu’on reconnaît facilement: de la nuit de l’hiver au plein midi de l’été en passant par le réveil du printemps et les fruits de l’automne. C’est dans ce symbolisme que s’enracine la symbolique de l’année liturgique chrétienne. Le changement de saisons ne renvoie pas seulement à l’action du Créateur dans sa création, mais aussi à l’action du Dieu Sauveur qui intervient dans l’histoire des hommes. La foi en Christ, Soleil sans déclin, est présente dans la date de Noël, le 25 décembre, qui était aux premiers siècles de l’ère chrétienne la date du solstice d’hiver, le jour où le soleil recommençait à croître. Nous avons déjà évoqué Pâques et la Pentecôte qui marquent le début et la fin du temps pascal, le premier temps fort de l’année liturgique, suivi par le temps de Noël qui se termine avec la fête du baptême du Seigneur. Il faudrait évoquer le Carême et l’Avent ainsi que les solennités et les fêtes qui parcourent l’année. Autant d’occasions de faire mémoire des événements de la vie du Christ et de l’histoire du salut.

Eternel aujourd’hui

« Faire mémoire »: voilà bien une activité vitale pour notre vie chrétienne. Elle détermine notre rapport au temps. Si notre vocation est de suivre le Christ, de vivre à son rythme, notre capacité d’oubli exige que nous ayons besoin de fêtes et de célébrations régulières pour raviver notre mémoire. Ce qui est plus facile quand on le fait en communauté. Nous faisons ainsi mémoire de certains événements du passé qui sont « fondateurs » pour nous. En tout premier lieu les événements de la vie du Christ qui nous font comprendre et dire que Dieu nous aime.

Mais Dieu nous aime à sa manière qui dépasse notre entendement. On peut dire avec indifférence: Dieu n’existe pas ou: Dieu peut exister. Mais on ne peut vraiment dire: Dieu m’a aimé et ne m’aime plus, ou encore, Seigneur, je t’ai aimé, mais maintenant je ne t’aime plus. Cette « spécificité » de l’Amour de Dieu fait que la fête de Pâques soit bien davantage qu’un simple acte de mémoire ou une cérémonie du souvenir où nous évoquons un bienfaiteur disparu. Non. L’amour de Dieu pour nous se conjugue toujours au présent. Le Père m’aime maintenant tel que je suis. Il me le manifeste par le Christ Ressuscité qui révèle la puissance, la fidélité de l’Amour du Père. Ainsi chaque événement du passé où Dieu a manifesté son amour reste présent. Ainsi chaque Jeudi Saint on peut dire: Aujourd’hui, le Christ nous donne l’Eucharistie, le sacrement de sa Présence sous les espèces du pain et du vin. Chaque Vendredi Saint, on peut dire: Aujourd’hui, le Christ est arrêté, crucifié, mis à mort pour notre salut. De même, on peut dire aussi: Aujourd’hui, Jésus est baptiséAujourd’hui, Jésus est transfiguréAujourd’hui, Jésus guérit.Aujourd’hui, le Christ me parle. De là le poids de ces refrains traditionnels du temps de Noël ou de Pâques: Aujourd’hui nous est né un SauveurAujourd’hui, le Christ est ressuscité, ou encore: Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, alléluia! Le Père nous aime aujourd’hui; son amour est fidèle; il ne nous abandonne pas à la mort et nous le prouve en ressuscitant son Fils.

Voilà bien le secret de notre rapport au temps: vivre l’ordinaire du quotidien de façon à y reconnaître l’extraordinaire de Dieu.


Philippe de Roten

Philippe de Roten

Le frère dominicain Philippe de Roten, prieur du couvent St. Hyacinthe de Fribourg, est aumônier de l’Université de cette même ville. Ses études théologiques furent couronnées par un doctorat en liturgie.

]]>
https://www.revue-sources.org/un-temps-pour-celebrer/feed/ 0