Revue Sources

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A quel moment et dans quelles circonstances débuta votre engagement en politique?

En 2000, le canton de Fribourg a élu les membres d’une assemblée constituante chargée de la révision complète de la Constitution cantonale. J’étais candidate à cette élection. C’est à cette occasion que j’ai fait mon entrée en politique. J’avais alors 43 ans et ne m’étais jamais engagée sur ce plan.

Quelle ne fut pas ma surprise le 12 mars de cette année-là, lorsqu’au soir de l’élection j’appris que j’allais me trouver pour une durée de quatre ans parmi les 130 élus à la Constituante. Mon nom avait figuré sur une liste indépendante, hors parti, le «groupe citoyen». Contre toute attente, ce groupe obtint onze élus. J’étais du nombre. C’est ainsi que je pris goût à la politique, grâce à cette expérience exceptionnelle de participer à la révision de la Constitution cantonale. La dernière datait de 1857.

L’engagement c’est donner du temps, mais, plus encore, c’est répondre aux appels qui nous parviennent sur le parcours de nos vies.

Engagée sur cette voie, je fus sollicitée pour assumer d’autres responsabilités politiques. Ainsi, quelques années plus tard, je fus élue à l’exécutif communal de Belfaux, ma commune de domicile. Il me fallut alors apprendre «sur le tas» le fonctionnement du système et me confronter aux difficultés très concrètes des réalités villageoises. Je n’en avais aucune idée jusque là. Responsabilités et travaux pas toujours gratifiants. Les décisions prises ne pouvaient plaire à tout le monde. Pourtant, j’ai beaucoup aimé traiter de projets qui touchaient directement la vie quotidienne des citoyennes et citoyens. Il ne me fut pas toujours possible de réaliser leurs propositions et leurs rêves, mais le dialogue et l’écoute suffisaient à calmer les esprits.

Quels sont vos mandats actuels? Et quelles sont les motivations qui vous ont conduite à les accepter?

Depuis 2011 j’ai accédé à la députation du Grand Conseil fribourgeois, l’organe législatif du canton. Un peu plus éloignés des problèmes quotidiens, les députés sont chargés d’élaborer les lois et surveillent, en quelque sorte, le Conseil d’Etat chargé d’exécuter et de mettre en application cette législation. Pour pouvoir agir au sein de ce parlement et influencer les changements de société, j’ai dû suivre les règles du système démocratique et intégrer un parti politique. Pour moi, ce fut le parti socialiste. Mon appartenance à ce groupe parlementaire me permet de défendre mes convictions et mes points de vue. Même s’ils ne sont pas toujours admis par d’autres députés.

Comment associer votre vie privée et professionnelle avec l’exercice de vos mandats politiques?

L’engagement c’est donner du temps, mais, plus encore, c’est répondre aux appels qui nous parviennent sur le parcours de nos vies. Pendant plusieurs années j’ai répondu aux besoins de ma famille, de mon fils et de mes amis. Je me suis engagée dans un comité de parents d’élèves, dans des mouvements d’Eglise, dans des associations culturelles. Lorsque j’ai commencé mon engagement politique les occupations familiales avaient diminué. Mon engagement n’a pas changé d’orientation, bien au contraire. J’ai simplement fait le pas d’accueillir des responsabilités qui me permettraient de continuer d’accomplir les missions auxquelles je tenais.

Dans mon travail professionnel, mes activités au sein du centre culturel dont je suis responsable me permettent de m’organiser librement. C’est un avantage bien appréciable. En effet, la disponibilité est un atout indispensable pour s’adonner aux responsabilités politiques.

Quels bénéfices personnels en retirez-vous? (Je ne parle pas de vos jetons de présence!). Y a-t-il une expérience particulièrement positive dont vous aimeriez parler? Et peut-être aussi vos déceptions…

L’expérience de la politique me fait grandir chaque jour davantage. Les défis sont nombreux, personnels et sociaux. Je me sens toute petite devant la masse de choses à faire, à décider, à accomplir pour avancer sur le chemin de notre réalité sociale. Ma satisfaction n’est pas nécessairement celle d’avoir réussi à faire passer telle ou telle motion ou idée, mais plutôt celle d’œuvrer pour le bien commun, à ma toute petite échelle.

Il est important de donner aux jeunes le goût de la politique.

Les déceptions sont multiples. Par exemple, celles que j’éprouve lors des résultats de votes qui nous sont défavorables. Cependant, les membres d’un parti minoritaire comme le mien apprennent à être des perdants, toujours prêts à repartir et rebondir. Déceptions, mais aussi désillusions. Il y a encore trop de laissés-pour-compte qui n’ont pas trouvé place sur l’échiquier de notre démocratie. Et cela, malgré mes convictions.

Pourquoi la politique suscite-t-elle que peu de vocations? Celles de jeunes, en particulier. Que leur diriez-vous pour les sensibiliser à cet engagement?

Une des causes du désintérêt que suscite l’engagement politique est la charge qu’il impose et la grande disponibilité qu’il réclame. Mais ceci n’est pas particulier à la politique. Il existe des professions incompatibles en termes de disponibilité de temps avec un autre engagement tant soit peu sérieux. D’autre part, la politique de milice de notre système suisse implique que l’on entre en politique sans que le militant n’en connaisse les règles et sans qu’il n’ait appris à gérer les tâches qui lui incombent. De nos jours, les responsabilités sont importantes et difficiles à assumer. Beaucoup d’élus se découragent et démissionnent de leur fonction avant la fin de leur mandat.

Je pense toutefois qu’il est important de donner aux jeunes le goût de la politique. La meilleure voie pour y parvenir est leur engagement dans des associations existantes. On y apprend comment fonctionner ensemble, comment s’accorder pour mener à bien des projets. Ces expériences sont formatrices. Elles permettent aux futurs politiciens et politiciennes d’asseoir leurs engagements sur des convictions profondes, plutôt que chercher à accéder à une promotion personnelle.

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Née à Fribourg et mère d’un enfant. Avant de s’engager en politique, Andréa Wassmer s’est investie dans le scoutisme et la JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne). Actuellement elle est responsable d’un espace culturel de sa ville natale et membre de l’équipe rédactionnelle de «Sources».

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