Revue Sources

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Que reste-t-il du Père Pierre-Marie Emonet? Trois lignes dans le nécrologue des Dominicains suisses: né à Attalens en 1917, profès en 1941, prêtre depuis 1945, décédé à Fribourg en l’an 2000. Mais encore?

La mémoire de Dieu en dit bien davantage à son sujet. Lui qui avouait la veille de sa mort: «Je n’ai pas peur; je vais voir Dieu!» Cette confession de foi scellait comme un point d’orgue toute une vie vouée à la recherche de ce Dieu, d’abord «contemplé dans le miroir des choses» – c’est le titre du troisième volume de la trilogie philosophique de Pierre Emonet – puis, dans la claire vision qu’il attendait, une fois passé de l’autre côté du miroir.

La mémoire de ses anciens élèves du Collège St Michel de Fribourg est moins inusable que celle du Père éternel. Suffisante toutefois pour rendre hommage à celui qui fut au temps de leur adolescence un maître dont ils admiraient la solidité de l’enseignement et la sagesse qui émanait de son visage bonhomme et serein. Six ans après sa mort, une plaquette rassemblait déjà les témoignages de quelques-uns. Parmi eux, l’écrivain Jacques Chessex, le peintre Yoki et le conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf.

Ce dernier participait avec une quinzaine d’invités à un colloque organisé par les frères du couvent dominicain de Genève, le 22 mars 2014. Ils voulaient saluer la réédition de «Une métaphysique pour les simples». Le Père Emonet l’avait fait paraître en 1991. Son disciple et ami Jacques de Coulon réédita l’ouvrage accompagné d’une longue et riche préface en 2013, sous le titre: «La métaphysique source d’émerveillement», paru aux Editions Larma, au Canada.

Quatorze ans après sa mort, le Père Emonet revivrait-il une nouvelle jeunesse?

Il appartenait à François Gachoud, élève lui aussi du Père Emonet et qui, à son exemple, consacra toute sa vie active à initier des adolescents aux arcanes de la philosophie, de présenter ce livre. Il parvint à passionner les enseignantes et enseignants présents et à intéresser aussi ceux et celles qui avaient côtoyé le Père Emonet de son vivant. Un débat suivit où il fut question de poètes, d’artistes, de musiciens qui servirent de supports à la réflexion philosophique menée par le professeur de St Michel. «J’ai sous les yeux de pauvres reproductions des oeuvres de Cézanne.(…) Elles ont pour moi le don de me conduire si purement dans l’essence des choses. Je ne puis que bénir ces œuvres et leur auteur», écrivait Emonet en 1994, dans une lettre reproduite dans notre revue[1].

Une question ou un étonnement toutefois. Aucune mention de souffrance ou de disfonctionnement dans cette création dont s’émerveille le Père Emonet. En était-il dupe? Tout est si lisse dans sa métaphysique. Aurait-elle réponse à tout? Jusqu’à refouler et éteindre l’angoisse qui souvent nous étreint? Un autre questionnement: les jeunes de notre temps sont-ils enclins à partager l’émerveillement du Père Emonet et à se laisser conduire par lui jusqu’à la contemplation de «LaCause Première»? Les avis des professeurs présents au colloque divergent. Certains soulignent une incompatibilité fondamentale. D’autres, forts de leur expérience, ont rencontré sur ce sujet une écoute et une attente surprenantes de la part de leur jeune public. Une conviction partagée par Jacques de Coulon dans sa préface et confirmée par Fabrice Hadjadj, directeur de l’Institut «Philanthropos» de Fribourg[2].

Quatorze ans après sa mort, le Père Emonet revivrait-il une nouvelle jeunesse? Le colloque de Genève voulait célébrer cette résurrection.

[1] Revue «SOURCES» septembre-octobre 2005, p. 267-268.

[2] L’Echo Magazine, Genève, 27 février 2014.

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