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Nos lecteurs jugeront peut-être déplacé et désuet ce dossier qui commémore la guerre de 14 – 18, « la der des der », comme se plaisaient à l’appeler les poilus rescapés qui revenaient du front. D’abord, elle ne fut pas la dernière. En fait de «boucherie», la triste actualité quotidienne relègue au second plan la fameuse «tranchée des baïonnettes». Rien de plus répétitif que la guerre. Ce ne sont que les armes qui diffèrent: massives ou légères. Aveugles, de toute façon.

D’où vient la guerre? Qu’elle soit djihadiste ou républicaine? Elle naît nécessairement dans le cœur de l’homme. Je relis cette phrase de la Lettre de Jacques. «Dieu ne tente personne». Autrement dit, ce n’est pas Dieu qui inspire et veut la guerre. Alors, d’où vient-elle? Et Jacques d’expliquer: «Chacun est tenté par sa propre convoitise qui l’entraîne et le séduit. Une fois fécondée, la convoitise enfante le péché et le péché arrivé à sa maturité engendre la mort». (Jac 1, 13-14.) Il n’y a pas de guerres petites ou grandes, propres ou sales, conventionnelles ou nucléaires, justes ou injustes. Il n’y a que la convoitise qui dégénère en massacres, en génocides et en boucheries. La guerre de 14 -18 est une sinistre illustration de cet enchaînement. «Capital de la douleur» pour citer le poète Paul Eluard qui chanta (?) cette inqualifiable horreur.

Rien de plus répétitif que la guerre.

Prévenir la guerre implique donc la guérison du cœur. Etouffer en nous tout germe d’envie qui nous pousse à étrangler notre voisin dans le but d’agrandir notre territoire. Derrière cette violence se profile un sentiment de frustration, l’incapacité de nous accepter nous-mêmes sans agresser nos plus chers prochains. Que vous soyez tsar, kaiser, sultan, roi d’Angleterre, Wilson ou Clémenceau, la guerre est d’abord ce feu qui ronge votre cœur et qui finit par incendier la terre entière. Rien ne sert que vous travestissiez vos envies et vos rapines sous de bons et beaux sentiments: patrie, culture et même religion, comme si Dieu bénissait vos entreprises meurtrières.

Face à ce désastre ou aux prises avec lui, comment devrait réagir un chrétien lucide? Une question que nous nous sommes posée en rédigeant ce dossier. Beaucoup se laissent entraîner dans la logique de la guerre. Le «Sermon de la Madeleine» que nous relatons en est un bon exemple. D’autres s’exposent à être taxés de mauvais citoyens en se réclamant de l’objection de conscience qui leur interdit à faire usage des armes, quitte à subir les foudres du pouvoir en place.

Saint Maurice lui-même fut l’un de ces réfractaires. Sous le couvert de quel paradoxe les armées dites chrétiennes choisirent ce légionnaire objecteur pour patronner leurs opérations militaires? Un mystère qu’une historienne tente d’élucider dans ce numéro.

Mais la plupart des chrétiens, sans prises sur les causes des conflits, interviennent pour en limiter les effets désastreux. Sur cette ligne, nous avons voulu faire écho à la diplomatie pontificale très présente dans les organismes internationaux où il est question de désarment et même à des interventions individuelles charismatiques.

Il nous a plu de relever la mission humanitaire du Père dominicain Georges Pire auprès des réfugiés de la deuxième guerre mondiale et celle, conciliatrice, du frère Bruno Hussar en Israël. Plus proche de nous, le sacrifice de Hrant Dink qui rêvait de faire vivre ensemble Turcs et Arméniens.

Toutes ces interventions sont de type samaritain. Elles soulagent momentanément le mal déjà commis. Et Dieu sait si elles sont nécessaires! Toutefois, elles ne devraient pas nous faire oublier notre devoir de prévention: agir en amont et soigner nos envies destructrices. Le combat contre la guerre se situe d’abord à ce niveau.

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