Éclairages – Revue Sources https://www.revue-sources.org Sun, 12 Jun 2022 15:33:28 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Réforme de la curie romaine https://www.revue-sources.org/reforme-de-la-curie-romaine/ https://www.revue-sources.org/reforme-de-la-curie-romaine/#respond Sun, 12 Jun 2022 15:24:27 +0000 https://www.revue-sources.org/?p=2890 Astrid Kaptijn, professeure de droit canonique à l’Université de Fribourg propose une analyse de la Constitution apostolique Praedicate Evangelium qui réforme la curie romaine. Elle revient sur le rôle de la Curie, des différents dicastères (ministères), et sur la place que leur donne le pape François et les enjeux de cette réforme.

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Un avis sur la série The Chosen https://www.revue-sources.org/un-avis-sur-la-serie-the-chosen/ https://www.revue-sources.org/un-avis-sur-la-serie-the-chosen/#respond Thu, 17 Mar 2022 21:47:14 +0000 https://www.revue-sources.org/?p=2884

Le fr. Thomas Zimmermann, op nous partage son avis sur la série The Chosen, sur la vie de Jésus et de ses Apôtres

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« François a fait preuve de bienveillance pastorale envers la Fraternité Saint Pierre » https://www.revue-sources.org/francois-a-fait-preuve-de-bienveillance-pastorale-envers-la-fraternite-saint-pierre/ https://www.revue-sources.org/francois-a-fait-preuve-de-bienveillance-pastorale-envers-la-fraternite-saint-pierre/#respond Fri, 25 Feb 2022 15:10:22 +0000 https://www.revue-sources.org/?p=2865 En juillet 2021, le pape François avait donné l’impression de vouloir réduire strictement la célébration de la messe d’avant Vatican II. Il y a quelques jours, il a accordé à la Fraternité Saint-Pierre une large possibilité de célébrer selon l’ancien missel. Le frère Henry Donneaud, dominicain de la Province de Toulouse et professeur de théologie fondamentale à l’Institut Catholique de Toulouse revient sur ces évènements.

 Peut-on dire que l’attitude de François envers la Fraternité Saint-Pierre constitue un revirement dans sa manière de considérer les courants traditionnalistes ?

De manière générale, il est vrai qu’on est habitué aux surprises avec le Pape François ! Mais, plus profondément, je crois qu’il faut lire cette décision comme significative de la manière de se positionner de ce pape. Si vous me permettez un parallèle qui surprendra peut-être, je dirais que François agit dans le domaine de la liturgie un peu comme dans celui de la morale familiale. Il y a d’une part la question des principes (sur lesquels il se montre strict) et d’autre part la mise en œuvre de ces principes (dans laquelle une certaine souplesse est envisageable). 

Dans le domaine liturgique, quels sont les « principes » pour François ?

Les principes ont été clairement développés dans Traditionis Custodes, publiée le 16 juillet 2021. Le pape a indiqué dans ce document qu’il n’y a qu’une seule forme du rite romain. Cette forme est la célébration selon le missel de Paul VI. Si des exceptions peuvent exister, elles doivent être très restreintes et soumises à l’autorité des évêques diocésains. 

Les décisions concernant la Fraternité Saint-Pierre sont donc à lire comme la mise en œuvre de ces principes ?

Tout à fait. Le pape reconnaît que des catholiques puissent être attachés à la célébration de la messe tridentine. Il accède à leur demande, car, je crois, il a été sensible au geste humble de la Fraternité Saint-Pierre. Ses représentants ont indiqué au pape que, depuis la création de la Fraternité, le Saint-Siège lui avait permis l’usage des livres liturgiques antérieurs à Vatican II. Surtout, la Fraternité Saint-Pierre affirme ne pas critiquer et donc contester la messe de Paul VI. C’est là une différence capitale qui tranche avec les propos tenus par certains traditionnalistes, affirmant que la messe de Paul VI est une messe « au rabais » ou « qui n’honore pas la dimension du sacrifice ». La Fraternité Saint-Pierre s’étant distanciée de ces déclarations inacceptables, le pape n’a pas voulu exiger trop des personnes attachées à la liturgie tridentine en les obligeant à changer du jour au lendemain leurs pratiques. Il a donc fait preuve d’une bienveillance pastorale à l’égard de la Fraternité.

Ne peut-on pas avoir le sentiment que chaque pape (d’abord Paul VI, puis Benoît XVI et maintenant François) va dans un sens différent pendant son pontificat à propos de la liturgie ?

Le rôle du pape est de veiller à l’unité de l’Église. Très tôt dans l’histoire, le propre de la liturgie romaine a été son caractère unifié et unificateur : on célèbre comme célèbre l’évêque de Rome. Depuis S. Pie V, il n’y a jamais eu deux formes du rite romain. Il s’agit là d’une nouveauté qui est apparue après le Concile Vatican II car certains ont refusé la réforme liturgique. Dans cette perspective, si Benoît XVI avait reconnu une forme « ordinaire » et une forme « extraordinaire » du rite romain c’était dans un souci d’unité, mais avec une condition importante : la nécessité pour tous de reconnaître la validité et la sainteté de la messe de Paul VI. De fait, cette condition n’a, dans certains cas, pas été respectée. Le risque était donc de voir apparaître deux Églises parallèles. C’est pour préserver l’unité de l’Église que le pape François est intervenu. On ne peut, en effet, être catholique et refuser la mise en œuvre de Vatican II qu’est la réforme de la liturgie voulue par ce Concile. La sensibilité personnelle en matière liturgique ne peut primer sur l’obéissance à l’autorité du magistère. 

Comment voyez-vous le développement de cette question à l’avenir ?

Le temps est une autre dimension sur laquelle le pape François insiste beaucoup dans l’ensemble de ses écrits. Il faut des décennies pour recevoir un Concile. On l’a vu, par exemple avec les Conciles de d’Éphèse (en 430) et de Chalcédoine (en 451). Il convient donc de continuer à travailler pour que la liturgie de Vatican II soit reçue partout. Après ce Concile, les camps se sont un peu figés. Mais des évolutions pourraient être possibles. Par exemple, dans les célébrations où le missel tridentin est encore utilisé, on pourrait introduire des éléments permettant la participation active des fidèles promue par Vatican II. La liturgie est étymologiquement un « acte du peuple » ; lire les lectures en français, demander aux fidèles de réciter le « Notre Père » pourraient être des pistes à approfondir dans ces célébrations. Ou encore, on a vu récemment telle communauté traditionaliste recourir à la concélébration… Ensuite, il faut reconnaître que des abus ont eu lieu, ici ou là, dans la mise en œuvre de la réforme liturgique de Vatican II. Cela peut expliquer pourquoi certains, des jeunes en particulier, peuvent, aujourd’hui encore, se tourner vers la liturgie tridentine. Cependant, les pratiques actuelles montrent qu’il est possible, avec le missel de Paul VI, de vivre des célébrations priantes qui mettent en valeur cette dimension importante (mais pas exclusive) de la liturgie qu’est le sacré. La nouvelle traduction du missel romain constitue une étape supplémentaire sur ce chemin, ce qui est très encourageant !

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Revenu universel de base: qu’a dit le pape François ? https://www.revue-sources.org/revenu-universel-francois/ https://www.revue-sources.org/revenu-universel-francois/#respond Thu, 03 Dec 2020 15:06:30 +0000 https://www.revue-sources.org/?p=2836

Dans un ouvrage publié le 2 décembre 2020, intitulé Un temps pour changer (Flammarion, 2020) le pape François propose d’explorer la possibilité de mettre en place un Revenu Universel de Base qui permettrait d’envisager les relations au travail sur de nouvelles bases.

Ce livre ne constitue pas un document ayant un degré d’autorité comparable aux grands textes pontificaux comme les encycliques ou les exhortations apostoliques. Il appartient à la catégorie où les papes (depuis Jean-Paul II et Benoît XVI) livrent des idées personnelles sur des sujets théologiques ou des sujets de société.

Cependant, la proposition de François, déjà formulée dans une lettre de juin 2020 mérite qu’on s’y arrête. Le fr. Jacques-Benoît Rauscher, op nous propose une lecture de ce texte et de ses implications dans une courte vidéo:

 

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Médecins et suicide assisté https://www.revue-sources.org/medecins-et-suicide-assiste/ https://www.revue-sources.org/medecins-et-suicide-assiste/#respond Thu, 08 Nov 2018 09:40:47 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2746 Dans certains cantons suisses, comme celui de Vaud ou de Zurich, les médecins sont autorisés à prescrire les doses létales entraînant la mort de personnes qui ont fait recours aux organisations de type Exit ou Dignitas. Moyennant bien sûr des conditions restrictives  bien établies.

Les partisans du suicide assisté voudraient désormais élargir le cadre de cette permissivité en allégeant les conditions qui l’autorisent. Comment un médecin doit-il répondre à une demande de suicide assisté? A partir de quels critères peut-il accorder une ordonnance pour une potion létale? Dans ses directives médico-éthiques sur “L’attitude face à la fin de vie et à la mort”, l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) propose d’assouplir les critères actuels. Promulguées en mai 2018, les directives de l’ASSM seront soumises le 25 octobre 2018 à la fédération faîtière des médecins suisses (FMH) qui les  entérinera ou les rejettera.

Notre revue publie trois documents sur ce sujet « vital ». D’abord une interview du philosophe fribourgeois François Gachoud, réalisée par le journaliste Maurice Page et publiée par cath.ch le 09.10.20118, avec l’autorisation de  la direction de la rédaction de ce site. Suivra l’avis de la Commission de bioéthique de la Conférence des évêques suisses et enfin la décision de la FMH émise ces derniers jours d’octobre.


 François Gachoud interpelle les médecins

François Gachoud

Pourquoi ces nouvelles directives de l’ASSM sont-elles si inquiétantes ?
François Gachooud: En Suisse, le choix de se donner la mort, avec une assistance est possible selon l’art. 115 du Code pénal. Dans la pratique, ce choix était réservé aux seuls patients en fin de vie et qui souffraient d’une maladie incurable. Ce double critère garantissait l’objectivité fondant la pratique de l’assistance au suicide. Cette pratique relevait de l’exercice d’une expertise médicale. Le médecin posait des garde-fous qui ne sont pas requis par la loi mais par les codes de déontologie.

Mais depuis que les Associations Exit et Dignitas ont réussi à élargir l’assistance au suicide aux “polypathologies invalidantes”, le patient n’est plus nécessairement en fin de vie et sa maladie n’est pas nécessairement incurable. L’ASSM emboîte clairement le pas et va même plus loin. 

Le motif avancé est celui de l’autodétermination du patient. En quoi cela pose-t-il problème?
Ne prendre en compte que l’autonomie du patient et sa souffrance subjective, c’est prendre le risque de méconnaître le caractère souvent équivoque de la demande d’assistance au suicide. L’ASSM n’hésite pourtant pas à privilégier ce seul critère: “Il n’existe aucun critère objectif pour évaluer la souffrance en général, ni le degré de souffrance supportable”. Mais ce n’est pas parce qu’une souffrance est toujours en effet vécue subjectivement qu’on doit en déduire l’exclusion d’un critère objectif définissable.

Pour vous il s’agit d’un fâcheux laxisme. Il suffit au fond de dire : “Je me déclare fatigué de la vie et je suis capable de discernement. Donc je puis m’autodéterminer à choisir le suicide quand je veux puisque je trouve ma souffrance insupportable.”

L’ASSM propose certes à l’appui un principe éthique reconnu important : celui du droit à l’autodétermination du patient. Il ne s’agit pas de le nier, mais de considérer toute la gravité de son application. Car c’est ici la vie elle-même qui est remise en cause. L’ASSM prend le risque de mettre les médecins dans une situation délicate, même difficile, car comment mesurer et évaluer une souffrance subjective déclarée insupportable.

Il en va là d’un euphémisme fort douteux pour exprimer la banalisation du suicide. Après tout, n’avons-nous pas été un jour, vous et moi, des “fatigués de la vie” ? A cause d’une maladie qui a fait beaucoup souffrir, d’un burn-out difficile à vivre, d’un divorce douloureusement traversé, d’un chômage de longue durée ou de toute autre épreuve jugée à un moment donné insupportable? L’idée d’en finir nous a peut-être même effleurés. Mais nous avons réussi à surmonter l’épreuve. Pourquoi? Parce que nous avons en nous une faculté de résilience en vertu d’une foi en la vie plus forte que l’instinct de mort. Mais aussi et surtout parce que nous avons trouvé auprès d’autrui une écoute attentive, une aide, un encouragement, une empathie active, une compassion qui nous a touchés.

Le suicide n’est donc pas une question seulement personnelle?
L’Académie ne voit pas que, si nous sommes des êtres évidemment vulnérables, nous sommes aussi des êtres de relation qui avons besoin des autres. C’est notre condition d’être humain vivant en société. L’isolement et la solitude sont le terreau fertile de l’enfermement sur soi et l’on sait que celui-ci est une des causes principales des tentatives de suicide. Il ne suffit pas de s’en référer à la seule détermination lucide du patient pour lui octroyer le droit de gagner sa mort assistée si facilement. Le patient en souffrance a besoin de tout autre chose: de retrouver le goût de vivre

Chacun a néanmoins droit à son autonomie personnelle.
Nous vivons dans une société qui, depuis quelques décennies, a érigé l’individualisme en absolu. Chacun n’est responsable que de lui-même. Ce qui veut dire que chacun est finalement considéré isolément, livré en effet à sa seule référence subjective. Nul n’est plus responsable de la détresse des autres. Combien de gens, surtout des jeunes, sont fragiles et manquent de repères qui leur donneraient des raisons de vivre? Combien de gens sont vulnérables et seuls enfermés dans leur détresse en quête d’un salut souhaité? Va-t-on offrir à ces gens-là l’assistance au suicide parce qu’ils ressentent une souffrance jugée insupportable?

Autre point inadmissible pour vous: le fait de rendre ces directives également applicables aux enfants et adolescents.
On côtoie ici l’intolérable. Car quel enfant ou adolescent de 12 à 16 ans est réellement capable de discernement à un âge largement reconnu comme fragile, fluctuant, instable et susceptible de retournement complet? Ce dont ces enfants et adolescents ont un urgent besoin, c’est d’une aide attentive pour les accompagner et leur donner des raisons de vivre et non pas l’examen de leurs raisons de mourir! Là se trouve très concrètement le lieu où l’on voit combien notre société est malade.

L’ASSM continue pourtant de défendre l’optique que “l’aide au suicide ne fait pas partie de l’activité médicale car elle est contraire aux buts de la médecine.”
Oui, mais que dit-elle un peu plus loin? “Si le patient persiste dans son désir (de suicide), le médecin peut, sur la base d’une décision dont il endosse personnellement la responsabilité, apporter une aide au suicide, sous réserve de cinq conditions” Comment ne pas constater une contradiction? C’est cautionner ainsi, quelles que soient les conditions édictées par précaution, que le médecin est partie prenante du processus organisé par les associations d’aide au suicide comme Exit ou Dignitas.


François Gachoud

Né à Fribourg en 1941, François Gachoud s’est spécialisé en philosophie moderne et contemporaine, il a consacré bon nombre de travaux à Hegel. Enseignant de philosophie, au Collège du Sud à Bulle, il a participé régulièrement à des émissions à la Radio Suisse Romande et sur France Culture. Il a également été chroniqueur pour divers journaux. Il est l’auteur de diverses publications.


Les évêques inquiets

La commission de bioéthique de la Conférence des évêques de Suisse souhaite exprimer sa vive inquiétude à voir l’abandon par l’ASSM, de toute référence objective en matière d’éthique médicale, dans son texte adopté le 18 mai 2018 « Nouvelles directives éthiques ».

En effet, alors que jusqu’à présent, elle maintenait au cœur de sa philosophie du soin, le fondement de sa mission, à savoir, ne pas nuire, protéger la vie de tout être humain, promouvoir et maintenir sa santé, apaiser les souffrances et assister les mourants jusqu’à leur dernière heure (Code de Déontologie de la FMH, art. 2.), rappelant aussi clairement (2004 et 2013) que l’aide au suicide est contraire aux buts de la médecine, cet abandon fait désormais éclater ce fondement en priorisant l’autonomie et le sentiment de subjectivité. Devant une thématique aussi sensible que l’assistance au suicide, l’ASSM, renforce inutilement le concept d’autonomie au dépend de la bienveillance, qui permet d’équilibrer et de mieux contextualiser les situations (environnement – famille – soignants…).

La commission de bioéthique de la CES est parfaitement consciente de la réalité des situations complexes de fin de vie et respecte profondément le principe d’autodétermination. Elle sait que dans certaines de ces situations où le patient exprime son désir d’être aidé à mourir, la décision éthique personnelle du médecin peut le conduire à transgresser sa mission. Cette transgression possible ne doit pas pour autant, infléchir le fondement objectif du prendre soin ultime de l’autre dans le respect de la vie jusqu’aux derniers instants. Dans ce contexte difficile, la commission de bioéthique de la CES, souhaite rappeler que seule la démarche des soins palliatifs permet de maintenir une cohérence dans le prendre soin ultime de l’autre jusqu’aux limites de sa vie. C’est dans cette priorisation du soin ultime que pourra s’exprimer le mieux la mission de la médecine : prendre soin de la vie, ni dans l’excès, ni dans le retrait.

En s’ouvrant à l’assistance au suicide, l’ASSM déplace non seulement la tension légitime déjà existante au cœur de l’agir soignant mais porte désormais atteinte à la nature même du prendre soin ultime de l’autre.

Ce texte élaboré par le frère Michel Fontaine dominicain a été proposé le 15 septembre 2018 à la Commission de bioéthique de la Conférence des évêques suisses. Après l’avoir accepté le 26 septembre 2018, cette Commission l’a fait parvenir à la FMH.  NDLR


Communiqué de presse de la FMH

La FMH, fédération faîtière des médecins suisses qui représente plus de 40.000 membres et fédère plus de 90 organisations médicales n’a pas suivi les directives  de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) préconisant une facilitation de l’aide au suicide par le corps médical. Son communiqué daté de Berne le 25 octobre 2018 est clair et explicite :

 « La FMH ne reprend pas les directives de l’ASSM «Attitude face à la fin de vie et à la mort» dans son Code de déontologie. Les nouvelles directives médico-éthiques «Attitude face à la fin de vie et à la mort» de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) ont suscité une vive discussion sur la nouvelle réglementation de l’aide au suicide devant la Chambre médicale. »

Décision définitive ou disposition provisoire ? Vu la vivacité des discussions, nous ne serions pas surpris d’une reprise prochaine des débats. Affaire à suivre. NDLR

Si aujourd’hui l’aide au suicide est uniquement autorisée en fin de vie, elle devra selon les nouvelles directives répondre au critère de «souffrance insupportable». Or cette formulation renvoie à une no- tion juridiquement indéterminée, qui apporte beaucoup d’incertitude pour le corps médical.

Au terme d’un débat animé, la Chambre médicale a décidé à une nette majorité de ne pas reprendre les directives révisées de l’ASSM «Attitude face à la fin de vie et à la mort» dans le Code de déonto- logie de la FMH.

En Suisse, l’aide au suicide est uniquement réglementée dans le Code pénal et non par une législa- tion spécifique comme c’est le cas par exemple dans les pays du Benelux. C’est pour cette raison que le Code de déontologie de la FMH revêt une importance particulière dans ce domaine.

Les directives de l’ASSM de 2012 «Prise en charge des patientes et patients en fin de vie» font partie intégrante du Code de déontologie de la FMH en vertu de la décision de la Chambre médicale du 23 avril 2013. Suite à la décision d’aujourd’hui, elles conservent donc leur validité pour la FMH même si l’ASSM les a supprimées en juin 2018.

Renseignements:

Charlotte Schweizer, cheffe de la division Communication

Tél. 031 / 359 11 50, courriel: kommunikation@fmh.ch

La FMH est l’association professionnelle des médecins suisses représentant plus de 40 000 membres. Pa- rallèlement, la FMH fédère plus de 90 organisations médicales. La FMH s’attache en particulier à ce que tous les patients de notre pays puissent bénéficier d’un accès équitable à une médecine de qualité élevée dans le cadre d’un financement durable.

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La Plateforme Dignité et Développement https://www.revue-sources.org/la-plateforme-dignite-et-developpement/ https://www.revue-sources.org/la-plateforme-dignite-et-developpement/#respond Wed, 29 Aug 2018 10:18:55 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2694 La Plateforme Dignité et Développement analyse les questions de société sous l’angle de l’enseignement social chrétien.

Voulue par Mgr Morerod[1] afin de situer la diaconie en Suisse romande dans un contexte plus large, elle permet – à une échelle régionale – de penser globalement ce qui se fait localement. Dans un esprit de subsidiarité et d’ouverture œcuménique, la Plateforme Dignité et Développement offre un espace de réflexion et un support aux initiatives existantes pour les aider à approfondir le sens de leur engagement à la lumière de la pensée sociale chrétienne. Son travail se déploie par cycle de quatre ans. Un premier cycle a été initié à la suite de la Conférence sur le bien commun qui s’est tenue à Fribourg les 3-5 septembre 2015.

Contextualiser l’enseignement social de l’Eglise

Comme en témoigne l’ouvrage Le bien commun par-delà les impasses, fruit de ce premier colloque, la Plateforme Dignité et Développement cherche à faire l’interface entre les défis qui se posent sur le terrain et les principes chrétiens d’action, formalisés du côté catholique, dans un vaste chantier appelé Doctrine sociale de l’Eglise. Si nous avons la chance d’avoir – de Rerum novarum à Laudato Sí – un corpus de textes organisés, il importe, comme le rappelle Justin Welby, archevêque de Cantorbéry et primat de l’Eglise d’Angleterre, que ce trésor ne reste pas le mieux gardé du Vatican! D’où la nécessité de le contextualiser sans cesse, car ses principes ne dépassent bien souvent pas le stade des vœux pieux, faute de savoir comment les traduire concrètement dans nos réalités respectives.

C’est à cela que s’emploie la Plateforme Dignité et Développement. Il s’agit, à la fois, de voir comment des notions comme la dignité de la personne, la destination universelle des biens, la solidarité, la subsidiarité peuvent devenir opératoires en contribuant, dans un contexte donné, à un développement intégral; à la fois, de faire remonter les préoccupations du terrain pour nourrir ce corpus, dans un va-et-vient permanent entre «théorie» et «pratique». Voir et juger pour agir de concert. Son action se laisse ainsi circonscrire par le discernement évangélique auquel nous invite le pape François:

«Aujourd’hui, on a l’habitude de parler d’un ‘excès de diagnostic’ qui n’est pas toujours accompagné de propositions qui apportent des solutions et qui soient réellement applicables. D’autre part, un regard purement sociologique, qui aurait la prétention d’embrasser toute la réalité d’une façon neutre et aseptisée avec sa méthodologie propre, ne nous servirait pas non plus. Ce que j’entends offrir va plutôt dans la ligne d’un discernement évangélique.» (La joie de l’Evangile n° 50).

Groupes d’action sur le terrain…

Sous cet angle, des questions d’actualités comme la sobriété, le chômage en Suisse, la dignité au travail et l’impact de la numérisation sont abordées, en premier lieu, au sein de groupes de travail bénévoles, en lien avec les différentes pastorales sociales romandes et en collaboration avec des milieux académiques et associatifs comme Chrétiens au travail, le Laboratoire pour la transition intérieure de Pain Pour le Prochain, l’Association Internationale pour l’enseignement social chrétien (AIESC), l’Université de Fribourg ou encore le Centre Catholique Romand de Formations en Eglise (CCRFE), etc.

et ateliers transversaux

La Plateforme Dignité et Développement organise également des ateliers transversaux ouverts à toute personne intéressée. Chaque atelier approfondit l’un des principes d’action mis en avant par le pape François dans La joie de l’Evangile (cf. n° 221-237). Ainsi après un atelier consacré à la relation comme mesure de la qualité d’une organisation, la question des temporalités longues et courtes en balance avec son impact sur l’espace a été abordée du point de vue de l’entreprise et celle du poids de l’idée sur la réalité en lien avec le monde des médias. En marge des dernières votations sur l’initiative Monnaie pleine, un document intitulé La monnaie, le crédit et sa rémunération au regard de l’enseignement social chrétien a été produit pour éclairer le débat.

Une formation en ligne originale

Enfin, du point de vue de la prédication, l’action de la Plateforme Dignité et Développement offre un intéressant – et insoupçonné! – point de contact évangélique avec nos contemporains. L’enseignement social chrétien, de par sa nature, représente une prodigieuse traduction sociale de l’Evangile. Il devient dès lors possible de faire un bout de chemin ensemble, avec des personnes éloignées de la foi qui partagent ce même souci de la justice et de paix, au service du bien commun. Car comme le rappelle Benoît XVI, «la doctrine sociale catholique (…) ne veut pas imposer à ceux qui ne partagent pas sa foi des perspectives et des manières d’être qui lui appartiennent. Elle veut simplement contribuer à la purification de la raison et apporter sa contribution, pour faire en sorte que ce qui est juste puisse être ici et maintenant reconnu, et aussi mis en œuvre (…)» (Dieu est amour n° 28). En ce sens, la Plateforme Dignité et Développement développe pour 2019 une formation en ligne originale: L’éthique sociale chrétienne pour nourrir la vie. Son approche consiste non pas à présenter d’une manière classique et statique l’enseignement social chrétien, mais à le mettre en œuvre en dialogue avec les défis posés par le monde professionnel pour que chacun puisse, à terme, repartir avec des outils qui l’aide à donner du sens et féconder son quotidien.


Pascal Ortelli est animateur et coordinateur de la Plateforme Dignité et Développement.


Plus d’infos: www.dignitedeveloppement.ch

Prochain atelier sur la question de la précarité en lien avec le principe «Le tout est supérieur à la partie»

Jeudi 8 novembre 2018, 18h-21h à la Salle paroissiale du Sacré-Cœur à Lausanne

[1] En fait, la création de la Plateforme dont il est question a été suggérée par l’évêque du diocèse comme réponse à la disparition – contestée – de la Commission Tiers-Monde (COTMEC) de l’Eglise catholique romaine de Genève (ECR).

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Fortuna: « Germinal m’a demandé de le conseiller sur le plan religieux » https://www.revue-sources.org/fortuna-germinal-ma-demande-de-le-conseiller-sur-le-plan-religieux/ https://www.revue-sources.org/fortuna-germinal-ma-demande-de-le-conseiller-sur-le-plan-religieux/#respond Fri, 01 Jun 2018 04:26:28 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2631 Fortuna est un film de Germinal Roaux, tourné à l’Hospice du Simplon avec la collaboration des chanoines qui desservent ce refuge alpin. Sa thématique porte sur l’accueil ou le refoulement de migrants en provenance d’Italie. Elle met aussi en question le charisme hospitalier des chanoines, débordés par l’afflux de réfugiés et révoltés par l’incursion de la police dans leur Hospice traditionnellement inviolable.

Ces incidences nous valent un débat capitulaire qui n’est pas sans évoquer celui des moines de Tibhirine pris eux aussi au piège d’une situation inédite qui bouleversait leur quotidien. On se souviendra de la célèbre séquence du film de Xavier Beauvais «Des hommes et des dieux» consacrée à ces échanges communautaires.

Ce décor cache une intrigue. Parmi les migrants qui ont trouvé refuge à l’Hospice, il y a Fortuna, jeune éthiopienne de 14 ans, ne parlant que l’amharique, mineure non accompagnée, à la recherche de sa mère égarée au cours du périple qui l‘a amenée en plein hiver au col du Simplon. L’adolescente a un secret qui à la fois la tourmente et la passionne: elle est enceinte d’un jeune adulte rencontré au cours de cette aventure qu’elle semble aimer éperdument. Le metteur en scène, dont la compagne travaille dans un foyer d’accueil pour réfugiés mineurs, sait de quoi il parle. Il connaît aussi la réponse habituelle des services sociaux à ce genre de «cas». Sans avortement, Fortuna n’a aucune chance d’être accueillie en Suisse pour une longue durée et de poursuivre des études. S’ensuit un dialogue sur ce sujet entre un assistant social et le prieur de l’Hospice. Conversation sérieuse entre adultes non impliqués dans ce drame, mais conscients de sa gravité. Quelle solution va choisir Fortuna? Il me semble que le cinéaste ait hésité sur le rôle à lui faire tenir. Les dernières images du film sont celles de la silhouette de la jeune Ethiopienne traçant seule son chemin dans la neige, après qu’elle eut rituellement enterré un poussin mort de froid qu’elle avait d’abord embrassé. Comprenne qui pourra! On n’en saura pas plus. Jusqu’au bout, Fortuna aura été discrète.

Heureuse coïcidence! Il se fait que le frère dominicain Michel Fontaine, membre de notre rédaction, a été amené à rencontrer Germinal Roaux. Le metteur en scène de Fortuna l’avait invité à relire le scénario de son film. Sources a interrogé frèr Michel.

Sources: A votre avis, quelle est le message transmis par ce film ? Ou plutôt quelle interpellation Fortuna adresse-t-elle aux spectateurs? Peut-on parler d’un message? Ou le scénario n’est-il qu’au service d’une réalisation artistique cinématographique? Autrement dit : Esthétique ou Ethique?

Michel Fontaine: Germinal Roaux est un homme d’une quarantaine d’années qui a suivi toute sa scolarité à l’Ecole Steiner de Lausanne. Il s’engage très rapidement dans le domaine de la photographie, exclusivement tourné vers le noir et blanc.

Sa biographie signale qu’en 1994, il réalise comme travail de fin d’étude son premier film documentaire sur le problème de la désertification au Burkina Faso: «Une pluie et des hommes». S’ensuit tout un parcours ponctué par différentes réalisations audio-visuelles. Elles le conduisent en 2013 avec son film «Left Foot Right Foot» à remporter le Bayard d’Or du Meilleur Premier Film au Festival international du Film de Namur.

Germinal tenait à montrer l’importance d’une dimension verticale qui habitait l’ensemble de tous ces évènements.

C’est dans cette mouvance professionnelle mais aussi personnelle que s’inscrit le film Fortuna qui vient de recevoir l’Ours de Cristal pour le meilleur film et le Grand prix du jury international de Génération. Ce film est sorti sur les écrans en Suisse le 11 avril 2018.

Ma rencontre avec Germinal Roaux remonte à 2015 par l’intermédiaire d’un ancien collègue, Christophe, enseignant spécialisé pour enfants allophones. Nous étions avec quelques autres membres d’un comité scientifique d’une formation qui proposait un parcours à l’Université de Lausanne dans le domaine des migrations. Christophe m’a donc présenté Germinal qui était en train d’écrire le scénario d’un film dont le titre était Fortuna, nom d’une jeune adolescente éthiopienne sans nouvelles de ses parents depuis son arrivée à Lampedusa (Italie) et accueillie avec d’autres réfugiés par la communauté des chanoines de l’Hospice du Simplon en Suisse. Germinal me demandait de le conseiller sur le plan religieux et éthique, considérant le fait que l’action de son film se déroulait dans un cadre particulier, suscitant des questions existentielles, spirituelles, religieuses et politiques.

Nous nous sommes donc vus à trois reprises. Au fur et à mesure que se construisaient le scénario et le script qu’il m’avait demandés de relire, je percevais à la fois un grand souci d’une écriture la plus authentique possible et en même temps l’exigence d’un regard qui ouvre des horizons et appelle à une transcendance. Bref, une grande liberté et une foi en la vie malgré un contexte contraignant et l’histoire personnelle de cette adolescente profondément tourmentée. Germinal tenait à montrer, avec délicatesse et respect, l’importance d’une dimension verticale qui habitait l’ensemble de tous ces évènements: la spiritualité de cette jeune éthiopienne, son rapport simple et vrai au vivant par le biais d’une relation de tendresse avec un petit âne et un jeune poussin. Expression d’un univers fragile qui l’entourait mais qui en même temps lui insufflait une force intérieure et une endurance tenace.

Lorsque Germinal m’invita à voir le film en Première diffusion dans le cadre du Festival du Film et Forum international sur les Droits humains à Genève en mars 2018, j’ai réalisé combien l’écriture d’un film dans sa production finale était le fruit d’une alchimie mystérieuse de laquelle pouvait naître un fruit «nouveau» et cela m’a profondément séduit. J’y trouvais comme croyant cet équilibre subtil souvent en tension de deux quêtes, celle d’une vérité qui fait grandir notre humanité et celle d’une Présence qui nous entraîne à une liberté. Les deux moments où s’est exprimé au mieux cet équilibre, ont été le dialogue du prieur de l’hospice et de l’assistant social concernant la naissance ou non de l’enfant porté par Fortuna et le débat des chanoines, suite à la descente de police dans leur Hospice. L’un d’eux s’interroge: «Avons-nous peut-être été trop loin en acceptant d’accueillir tous ces réfugiés?»

Germinal n’a pas souhaité «délivrer» un message qui pourrait laisser entrevoir une direction à suivre. Il n’empêche qu’au-delà d’un esthétisme certain, à la mesure du cadre naturel dans lequel le cinéaste nous invite à entrer, il me semble que ce film dégage une puissance de vie qui vient rejoindre paradoxalement au plus profond de chacune et chacun ce qu’il a de fragile et d’incertain pour l’ouvrir à un autre regard sur l’autre et sur la vie.

N’est-ce pas d’une certaine manière ce que Germinal a voulu nous souffler au creux de l’oreille, lorsqu’il nous fait entendre ce verset de l’Evangile de Jean «Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit.» (Jn 3, 8)


FORTUNA

Dialogue entre l’éducateur social et le prêtre

Le réalisateur du film, Germinal Roaux, nous a autorisés à retranscrire à l’intention de nos lecteurs le dialogue entre le supérieur des chanoines, le frère Jean, et un éducateur social, Monsieur Blanchet. La scène se passa dans un bureau de l’Hospice. (NDLR)

Les mains croisées sur ses genoux, Frère Jean observe Monsieur Blanchet en silence.

Frère Jean

J’ai appris que vous aviez demandé à Fortuna d’avorter.

Blanchet

Oui… (Un temps). De toute façon, elle ne pourra pas le garder.

Frère Jean

Pourquoi ça?

Blanchet

Si Fortuna accouche ici, c’est le Service de la Protection de l’enfance qui intervient. C’est plus moi… Et son bébé lui sera retiré

Frère Jean

Pourquoi?

Blanchet

C’est la procédure avec les mineurs non accompagnés…Vu sa situation, elle n’est pas en mesure d’assumer l’éducation d’un enfant.

Frère Jean

Alors vous lui demandez d’avorter?

Blanchet

Je pense que c’est la moins mauvaise solution, oui. (Un temps). On n’a pas le choix?

Frère Jean

Pas le choix?

Blanchet

Non.

On n’a nulle part où la mettre…Moi je ne peux pas la garder ici et les foyers pour mineurs refuseront de la prendre avec un enfant. (Un temps). Elle a quatorze ans…

Frère Jean et Monsieur Blanchet se regardent longuement.

Frère Jean

Qu’est-ce que vous allez faire?

Blanchet

J’espère lui trouver un lieu pour vivre normalement…J’espère qu’elle pourra aller à l’école, apprendre un métier… Mais avec un bébé, c’est impossible.

Frère Jean

Mais elle veut garder son enfant! Comment pouvez-vous choisir à sa place?

Blanchet

Écoutez… je comprends très bien que cela puisse heurter vos convictions religieuses, mais dans son cas il n’y a pas d’autre solution.

Frère Jean

Ce ne sont pas seulement mes convictions religieuses qui sont heurtées… Mais la certitude avec laquelle vous pensez faire le bien pour elle.

Blanchet

Si vous avez une autre idée de ce qui serait bien pour elle, je vous écoute…

Frère Jean

Je n’ai pas de solution comme ça, bien sûr…Mais si elle veut tellement garder son enfant, c’est que cela doit avoir une importance pour elle que vous ne mesurez pas. Il y a des raisons profondes qui la poussent à vouloir cet enfant… C’est la vie, vous ne pouvez pas vous y opposer.

Blanchet

Écoutez…

Je crois que tout de même les choses sont un peu plus compliquées …Vous connaissez comme moi le parcours de tous ces gens…Une traversée sur une espèce de rafiot…Une arrivée sans rien…Parce que c’est ça la réalité de Fortuna aujourd’hui. Elle est seule… Elle n’a plus rien… plus rien du tout…

Frère Jean

C’est peut-être justement pour tout ça qu’elle a besoin de cet enfant, parce qu’elle n’a plus rien. (Un temps). Vous savez, j’ai passé toute la vie dans cette Eglise…J’ai vu des choses magnifiques… d’autres moins, mais avec toutes ces années passées ici, à réfléchir sur la vie, sur l’homme… J’ai réalisé que parfois, notre vision de ce qui est bon ou juste ne l’est pas forcément pour l’autre.

Parfois le mal … c’est le bien imposé.

Je ne veux pas vous faire une leçon de morale. Pour vous dire ce qu’il faudrait penser ou faire. J’aimerais juste partager cette réflexion avec vous, si vous l’acceptez.

Blanchet

Je vous écoute.

Frère Jean

Je vais prendre l’exemple que je connais le mieux…Ma vie entière consacrée à Dieu. Qu’est-ce que ça veut dire de consacrer toute une vie à Dieu? C’est se sentir appelé… appelé à faire le bien. Puis un jour, on se rend compte que tout n’est pas aussi simple et qu’il y a aussi un danger dans cet appel à vouloir faire le bien…

Ça m’a toujours rendu très triste… d’imaginer que dans notre Eglise nous ayons pu faire tant de mal au nom de Dieu…Au nom du bien, justement. (Un temps). Mais qu’est-ce qu’on sait exactement de ce que l’autre a vraiment besoin?

Blanchet

Et Fortuna, de quoi a-t-elle besoin, selon vous?

Frère Jean

Ça, c’est difficile… Sans doute que nous devons l’entourer…Il faut l’aimer pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle choisit d’être, et non pas pour ce qu’on aimerait qu’elle soit. Nous devons penser qu’elle va faire le bon choix pour elle-même… Avoir confiance… Faire confiance.

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Terre sainte! https://www.revue-sources.org/terre-sainte/ https://www.revue-sources.org/terre-sainte/#respond Thu, 15 Mar 2018 00:55:50 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2542 Rentré de France où je suis allé passer Noël, je profite de cette petite trêve de début d’année pour faire le point sur le temps qui passe et partager quelques nouvelles. 

Beaucoup d’entre vous se sont enquis de notre situation au cours de ces dernières semaines. La reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël par Donald Trump, début décembre 2017, a ravivé les tensions dans cette ville où je vis depuis deux ans et demi. A vrai dire, les réactions violentes ont été sporadiques et assez localisées (Ramallah, Hébron, Bethléem, Gaza). Peu d’observateurs s’attendent à une troisième Intifada. Les Palestiniens sont, dans leur majorité, fatigués et voient que la violence ne mène pas à grand-chose. De plus, ils manquent d’un projet politique cohérent et de leaders crédibles à même de le mettre en œuvre. C’est donc plutôt le désenchantement qui domine. Si donc nous n’avons pas à vues humaines à craindre un nouvel épisode violent, nous sommes, en revanche, provoqués à mieux analyser où nous en sommes et à essayer d’imaginer vers où nous allons. Les essais d’analyse n’ont pas manqué au cours des dernières semaines. Dans ce qui a retenu mon attention, je vous livre deux éléments trop peu diffusés, à mon sens.

Deux Etats: une illusion!

Du côté israélien, l’enfermement croissant de la politique du gouvernement Netanyahou dans une politique contrôlée par la droite religieuse ultra-orthodoxe et les colons. L’étendue de la colonisation israélienne en Cisjordanie (400000 colons) et à Jérusalem-Est (200000 colons) rend désormais illusoire une solution à deux Etats. Le paradoxe est que la déclaration américaine récente, au lieu d’apporter un élément de solution politique du conflit – ce que Trump avait promis, fustigeant l’inefficacité d’Obama – renforce en fait la dimension religieuse du problème, puisque Trump est lui aussi soutenu d’abord par un camp, comprenant des millions de chrétiens évangélistes sionistes américains, qui voient en l’Etat d’Israël une étape essentielle vers le retour du Messie. Ceci renforce donc la thèse de l’Etat d’Israël qui parle d’un problème religieux, alors qu’il s’agit d’un problème politique. Ce qui d’une certaine manière pousse à une surenchère islamiste.

Partenaires incompétents

Du côté palestinien, outre la critique bien connue du leadership palestinien (vieux, corrompu, divisé, décrédibilisé), certaines analyses soulignent les occasions manquées pour la paix au cours des dernières décennies par manque de professionnalisme et de compétence des dirigeants politiques. Dans un article passionnant du Monde diplomatique de janvier 2018, Charles Enderlin, observateur très qualifié souligne l’asymétrie politique du conflit, y compris lors des accords d’Oslo, où les négociateurs israéliens très préparés n’avaient pas en face d’eux des partenaires compétents, qui ont du coup laissé passer des occasions d’un compromis acceptable.

Sables mouvants

La situation actuelle a donc au moins pour mérite de faire tomber les illusions: la solution à deux Etats, qui reste la ligne défendue par l’Union européenne par exemple, apparaît de plus en plus comme un mirage, de même que l’arrêt de la colonisation. Il n’y a plus de «processus de paix». A vues humaines, le gouvernement israélien a réussi à imposer sa solution et la communauté internationale n’a pas le courage d’aller plus loin que la dénonciation prudente. Enderlin conclut, néanmoins, en citant un ancien analyste du Shin Beth (services secrets israéliens): «Le statu quo n’est pas stable mais évolue dans la direction qui mène inexorablement les deux parties vers les sables mouvants d’une réalité binationale où Israël, dominateur, tenterait d’imposer sa volonté aux Palestiniens parqués dans des enclaves territoriales» (Le Monde diplomatique, janvier 2018, p. 5). La paix dans la justice n’est donc pas pour demain. Triste perspective, même si l’on a vu sous d’autre cieux que la solution par la force n’est pas une solution durable.

Le mystère de Jérusalem

Dans un tel contexte, le défi est de tenir, de soutenir ceux qui prônent des chemins pacifiques, de ne pas construire dans sa tête et dans son cœur de nouveaux murs qui s’ajoutent à ceux qui déjà défigurent nos paysages: c’est pour moi et pour ceux avec qui je vis un défi quotidien. Il y a un mystère de Jérusalem et de cette «Terre sainte»: berceau des trois religions monothéistes, elle a une sorte de vocation à amener les hommes à vivre ensemble dans la paix, en acceptant et même en tirant profit de leur diversité. C’est peut-être pour cela qu’il est si difficile d’y parvenir. Peut-être faut-il commencer par apaiser nos violences personnelles.


Le frère dominicain Jean-Jacques Pérennès est directeur de l’Ecole biblique et archéologique de Jérusalem. Extraits d’une circulaire à ses amis et connaissances.

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Révision de vie, encore d’actualité? https://www.revue-sources.org/revision-de-vie-dactualite/ https://www.revue-sources.org/revision-de-vie-dactualite/#respond Wed, 29 Nov 2017 22:15:24 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2459 [print-me]D’aucun demanderont en lisant le titre: «c’est quoi ce truc?» Et d’autres ajouteront: «enfin on en reparle!». Car si la révision de vie a formé des générations, aujourd’hui sexagénaires ou octogénaires, elle n’est, en Suisse, pratiquée que par quelques groupes. Et pourtant, la pertinence de cette méthode pour approfondir le sens de sa vie est certainement plus forte aujourd’hui que jamais. Démonstration.

Mgr Félix Gmür, évêque de Bâle, dans sa préface de l’encyclique Laudato si’ constatait que le Pape François avait appliqué la triade «voir-juger-agir» en se penchant d’abord sur ce qui est. En pleine canicule de l’été 2015 les mots clés de la révision de vie sont ainsi proposés aux lecteurs helvétiques de la plus récente encyclique sociale. Ce n’est pas par hasard. Le Pape Jean XXIII déjà, en évoquant la formation des fidèles dans son encyclique Mater et Magistra indiquait: «Pour mettre en pratique les principes sociaux, on passe, en général, par trois étapes : l’étude de la situation concrète; l’examen sérieux de celle-ci à la lumière des principes ; enfin la détermination de ce qui peut ou doit être fait pour les appliquer suivant les circonstances de temps et de lieu. Ces trois étapes sont couramment exprimées en ces termes : voir, juger, agir.»[1] La méthodologie est au cœur de l’enseignement et de la pratique sociale de l’Eglise: voir ce qui se passe, comprendre les enjeux sociaux, éthiques, humains et en juger le sens à la lumière de l’Evangile et des principes moraux, agir enfin car le jugement éthique engage à transformer une réalité insatisfaisante d’un point de vue moral.

Retour historique

La méthode, loin des réflexions générales de l’enseignement pontifical, est née dans la banlieue bruxelloise, quand un prêtre, l’abbé Joseph Léon Cardijn, accompagnant de jeunes ouvriers faisant face à des conditions de travail désastreuses, s’efforce de leur donner des outils pour améliorer leur quotidien et en comprendre le sens. Il était convaincu que seuls les pairs pouvaient évangéliser des pairs et que l’Evangile ne pouvait rejoindre le cœur des hommes qu’à travers leur existence quotidienne, leurs souffrances et leurs espoirs. La JOC (Jeunesse ouvrière catholique) et sa méthode, la révision de vie, étaient nées. C’était en 1925.

Il s’agit bien de confronter ce que j’ai vécu aux valeurs dont l’Evangile est porteur.

La force critique de la révision de vie pousse la JOC à s’engager avec les syndicats pour l’amélioration de la condition ouvrière et plus largement à s’opposer aux mouvements nazis naissant. Et la démarche se répand au-delà de la Belgique et du monde ouvrier, donnant naissance aux mouvements de l’Action catholique. JEC (jeunesse étudiante), JRC ou JAC (jeunesse rurale ou agricole), JIC (jeunesse indépendante) pour les mouvements de jeunesse, ACO (Action catholique ouvrière), ACI (milieux indépendants), ACAR (agricole et rurale). Ces mouvements acquièrent une forte influence dans la dynamique pré-conciliaire et conciliaire. Des Papes comme Pie XI (qui organise un bureau central pour l’action catholique), Jean XXIII ou Paul VI s’y reconnaissent. Des théologiens comme Yves Congar, Marie-Dominique Chenu, Emmanuel Mounier ou Jacques Maritain (pour ne nommer que des figures francophones) accompagnent et soutiennent ces mouvements.

Mon expérience de la révision de vie

Dans les années 1970-1980, ces mouvements étaient toujours actifs en Suisse romande. Je découvris la JEC en 1975 ou 1976. Trois prêtres avaient invité les jeunes du Locle à une soirée de présentation de la JEC et de la JOC. Trois jeunes répondirent à l’appel. J’en faisais partie. Je fis donc partie de la JEC entre 1976 et 1983, j’en assumai même le secrétariat national de 1979 à 1982 et la coordination européenne de 1983 à 1985.

La révision de vie m’apprit à comprendre que l’engagement social et politique était important, d’abord à l’échelle locale dans mon gymnase et mon université (création par exemple du journal des étudiants de l’université de Neuchâtel, Le Cafignon), que ma foi chrétienne ne pouvait être détachée de ma vie quotidienne et qu’il fallait donc chercher une cohérence entre le message de l’Evangile et ce que je faisais tous les jours, dans mes études, mon travail, ou à la maison. Le cheminement en équipe de révision de vie me permit ainsi de refuser le service militaire. La conséquence en fut la prison, mais accompagnée par les membres de la JEC et les aumôniers, la peine fut pleine de sens.

La JEC me permit de découvrir aussi la réalité du vaste monde, d’abord par un Rwandais membre de mon équipe à Neuchâtel, l’abbé Modeste Mungwarareba envoyé par son évêque étudié la chimie. Il nous a raconté l’histoire de son pays, le parcours de sa propre vie qui avait commencé avec la garde des chèvres dans les collines de son village. Par les rencontres nationales, européennes et internationales je fus incité à m’interroger sur mon mode de consommation et, par exemple, son impact sur le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. D’où l’engagement au boycott des produits sud-africains et des banques suisses qui soutenaient le régime que combattait alors la JEC sud-africaine.

Par la révision de vie, je découvris que la spiritualité chrétienne avait une spécificité unique: l’incarnation! La prière s’adresse à un Dieu mort sur une croix, instrument de torture et de mise à mort destiné aux derniers des malfrats, donc humilié à l’extrême comme le rappelle Paul dans l’épitre aux Philippiens. Or, cette incarnation, pour ne pas rester vaine, doit se traduire par une mise en œuvre de la prière du Notre Père, du Magnificat dans la vie quotidienne, dans l’engagement au sein de la société. En entrant dans la vie adulte, la révision de vie m’a fait découvrir la grandeur et la spécificité du christianisme.

Les évêques refusant de renouveler les aumôniers, l’Action catholique a perdu progressivement les prêtres qui l’accompagnaient dès les années 1980. L’épiscopat suisse a mis la priorité sur les paroisses alors que les mouvements, avec l’engagement durable qu’ils demandaient, perdaient des membres. Si bien qu’à la fin du XXe siècle, il n’existait pratiquement plus aucun mouvement d’Action catholique en Suisse romande. Seuls subsistent aujourd’hui le MADEP (pour les enfants) et Vie et Foi (Action catholique générale) s’adressant aux adultes de tout milieu, la Vie Montante qui est le mouvement chrétien des retraités, ainsi que quelques groupes ou individualités de l’ACAR (mouvement rural) et de la Communauté des travailleurs chrétiens (CTC).

Pertinence de la révision de vie

Dans la société éclatée, individualiste d’aujourd’hui, la nécessité de trouver et développer des racines à travers un groupe, un vécu communautaire est important. Comme l’écrivait Maxime Leroy dans un article publié par l’ACO française, «celles et ceux qui se présentent aujourd’hui à la révision de vie ou qui « entrent en relecture », – y compris dans nos mouvements apostoliques – sont des humains en gestation, des chrétiens en genèse, des candidats à la vie sociale et ecclésiale. Tous sont traversés par « la révolution des individus ». Leur identité n’est pas derrière eux comme un héritage reçu par naissance ou du fait de leurs appartenances premières (sociales, ecclésiales, apostoliques). Leur identité est plutôt devant eux comme une tâche à accomplir. C’est une quête souvent laborieuse et onéreuse ! Ils ne conjuguent plus les relations comme nous avons appris à le faire autrefois.»[2]

Voir… juger !

Cette quête est facilitée par la révision de vie. Le «révisant» commence par raconter un fait vécu dans les semaines précédant la réunion du groupe de révision. Qui sont les acteurs de ce fait, quand cela s’est-il passé, qu’est-ce que j’ai fait, …. Et les membres du groupe écoutent. Parfois l’animateur pose une question pour aider à préciser ou recentrer quand le révisant se perd dans des généralités. Car il s’agit de parler en «je», de raconter comment je fus impliqué, ce que j’ai vécu. «j’ai changé de trottoir pour éviter le Roms qui mendiait», «j’ai dû gérer les protestations d’un client insatisfait», «je suis intervenu dans les relations entre mon épouse et ma fille»… Et le groupe s’abstient de juger, de commenter. Telle est l’étape du VOIR.

Quand vient l’étape du COMPRENDRE, le révisant approfondit avec le groupe le sens de ce qu’il a vécu, les émotions ressenties, les valeurs en jeu de manière à mieux comprendre ce qui s’est joué dans l’acte raconté. C’est dans cette phase qu’intervient le lien avec la foi: en faisant référence à la Bible, aux psaumes, à des textes de la sagesse, le groupe essaie, avec le révisant, de révéler la vérité du fait de vie révisé, d’en saisir la portée. C’est dans cette étape que l’intelligence collective nourrie par l’amitié permet au révisant de comprendre ce qu’il ou elle a vécu: «oui c’est ça», «non ce n’est pas de la tristesse que j’ai ressenti, mais ce que tu me dis m’aide à comprendre que c’était bien de la colère, l’épisode de Jésus chassant les marchands du temps me le montre bien…». Il s’agit donc de JUGER, non au sens d’un tribunal, mais au sens d’une pesée des enjeux éthiques. Il s’agit bien de confronter ce que j’ai vécu aux valeurs dont l’Evangile est porteur et de se demander jusqu’à quel point j’ai pu être fidèle.

Cette phase permet aussi de démasquer les injustices ou les structures de péché. Si un employé est bombardé d’ordres contradictoires ou d’une quantité de travail dépassant sa disponibilité temporelle, en parler au sein du groupe de révision de vie l’aidera à déceler le problème structurel et l’impasse dans laquelle l’entreprise l’a enfermé. Car tout n’est pas affaire de comportement personnel, parfois c’est le fonctionnement institutionnel qui fait problème et qu’il faudrait réformer.

Une dynamique transformatrice

Vient alors la troisième étape essentielle à la révision de vie, à savoir l’AGIR. Avec le groupe, le révisant sera alors à même de définir ce qu’il peut faire dans le contexte qui est le sien pour que le mal être, le problème structurel ou la difficulté relationnelle soit affrontée. Un révisant racontait une situation professionnelle dans laquelle du feedback du chef jouait un rôle important. Grâce à la révision de vie et aux possibilités d’agir qui en ont résulté, le révisant a pu ensuite aborder la problématique avec son chef et contribuer à faire évoluer la culture interne à son entreprise.

Voir, juger ou comprendre, agir, sont donc les trois étapes de la révision de vie. Si révision il y a, c’est bien parce qu’on revoit un épisode de sa vie dans le but de l’éclairer et de la transformer à la lumière de l’Evangile. Ainsi se renforce de réunion en réunion l’appartenance à la communion des fidèles du Christ, se renforce l’identité de la personne et sa capacité à faire sa vie, non à la subir. «La réunion ou rencontre de révision de vie est comme l’histoire du salut en raccourci avec la captivité, la sortie d’Egypte, la traversée du désert et l’entrée en Canaan. Le petit groupe des révisants est ce peuple de Dieu en marche, qui fait l’expérience d’un Dieu qui sauve, expérience consciente ou inconsciente, selon des étapes ou des moments successifs et incontournables. Tout récit, celui d’une vie, celui d’un fait de vie, est l’occasion d’un parcours qui fait mémoire de ces étapes. Le VOIR est la prise de conscience partagée de l’enfermement, de la captivité. Le COMPRENDRE, celui de la mise en marche vers un ailleurs qui se dessine à l’horizon, l’AGIR celui de l’entrée en terre promise.»[3]

Une herméneutique de la vie

Ainsi, la révision de vie peut à certains égards être qualifiée d’une «herméneutique» de la vie, confrontée à celle de la Bible et celle de la tradition de l’Eglise. Le récit d’un fait de vie est en effet déjà une interprétation de ce qui s’est passé. Ensuite par le juger, vient une seconde interprétation qui met en jeu l’instinct moral de la personne, son éthos, ses convictions qui permettront une relecture de l’action. Mais le récit biblique doit aussi sans cesse être réinterprété à la lumière du vécu des croyants. Il ne donne pas une norme morale, il est une «poétique de l’existence» lue comme présence de Dieu au sein de l’histoire humaine. Enfin, cette relecture des faits et de la Bible ne se déroule pas en dehors d’une communauté chrétienne croyante. Il y une histoire, une tradition, (dont l’enseignement social de l’Eglise fait partie) qui cumule au fil du temps l’herméneutique sans cesse reprise de l’expérience vécue d’une part, de la parole de Dieu d’autre part[4]. Dès lors la révision de vie, comme processus de transformation du croyant par la relecture communautaire (en groupe) des faits de vie, à la lumière de l’apport biblique et de la tradition, peut constituer un élément central de l’offre chrétienne dans les temps d’incertitude que nous vivons en ce début de XXIe siècle.

Quel avenir en Suisse romande?

Les mouvements d’action catholique, voyant leurs effectifs diminuer se sont efforcés de faire connaître leur méthode au-delà. Dans le canton de Fribourg, le MADEP (Mouvement de l’apostolat des enfants et des adolescents) a été le moteur de cette dynamique, soucieux que ses jeunes puissent trouver des équipes en grandissant. L’engagement du MADEP et l’appui de Marc Donzé, alors vicaire épiscopal à Fribourg, a permis de créer en 2010 un nouveau mouvement appelé simplement «Révision de Vie» et de lui apporter le soutien professionnel nécessaire à sa pérennité. En été 2017 ce mouvement comprend une vingtaine de groupes pour plus de 70 personnes de tous âges et de tous milieux. Après une diminution du temps de travail mis à disposition pour ce mouvement, il est remonté à plus de 50% depuis le mois de septembre[5].

Dans le canton de Genève, des anciens de ces mouvements ont proposé très régulièrement une «école de l’action» aux jeunes qui venaient de vivre leur confirmation. En cinq rencontres, ces jeunes étaient invités à découvrir les trois étapes de la révision de vie dans l’idée que le Christ a donné à chacun la mission, le pouvoir et le devoir d’agir «pour que notre monde, là où nous sommes, devienne plus humain, plus juste, plus chaleureux …».

Dans le canton de Vaud, la révision de vie est réapparue à travers la Pastorale œcuménique dans le monde du travail avec l’encouragement de Marc Donzé, passé de Fribourg à Lausanne. Renouant avec les origines même de la méthode, elle devient ainsi un instrument de la présence de l’Eglise dans le monde du travail. L’aumônier actuel de cette pastorale, le soussigné, a lancé plusieurs séries de découverte de la révision de vie en 2016 avec l’appui de deux animatrices de Fribourg. Cet élan a permis la naissance de 7 groupes de révision de vie dans le canton et 5 personnes sont en train de se former à l’animation de cette méthode pastorale[6]. Gageons que le cadeau fait à l’Eglise par les mouvements d’action catholique va continuer à donner du fruit dans une période de l’histoire où le vie et la foi devient une force pour faire face aux incertitudes.[print-me]


Jean-Claude Huot, aumônier du «Monde du Travail» dans la partie vaudoise du diocèse de Lausanne, Genève et Fribour. Il fut secrétaire national et européen de la JEC (Jeunesse étudiante catholique).


[1] Jean XXIII, Mater et magistra, Sur l’évolution contemporaine de la vie sociale à la lumière des principes chrétiens, 15 mai 1961, 236

[2] Maxime Leroy, La relecture de l’événement, chemin d’initiation chrétienne, article lu le 21.11.13 sur http://www.acofrance.net/index.php?ID=1011114

[3] La Révision de Vie, ce qu’elle est réellement à partir de ce que vivent ses membres, Georges Savoy, Aumônier Révision de Vie, Fribourg, mai 2013, revu et corrigé en équipe d’animation les 24 septembre et 4 octobre 2013.

[4] Ce passage est inspiré par Alain Thomasset, Interpréter et agir, Jalons pour une éthique chrétienne, p. 46 et s.

[5] Le mouvement fribourgeois Révision de Vie est présenté sur: http://www.cath-fr.ch/revisiondevie/presentation

[6] Voir: www.cath-vd.ch/mondedutravail et pour les inscriptions à l’initiation à la révision de vie: www.cath-vd/cvd_training/initiation-a-la-revision-de-vie/

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Accompagner les personnes qui recourent au suicide assisté https://www.revue-sources.org/accompagner-personnes-recourent-suicide-assiste/ https://www.revue-sources.org/accompagner-personnes-recourent-suicide-assiste/#respond Mon, 24 Jul 2017 06:40:50 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2346 [print-me]En Suisse, les organisations Exit et Dignitas proposent leurs services aux personnes désireuses de mettre fin à leurs jours. Elles accueillent toujours plus d’adhérents. Il arrive qu’avant de mourir, ces personnes souhaitent être accompagnées dans leur décision et même dans le geste fatal par un aumônier et bénéficier d’un service religieux après leur décès. La Conférence des Evêques Suisses se préoccupe de ces demandes et a chargé une sous-commission ad hoc de lui présenter des instructions à ce sujet.

Le frère dominicain Michel Fontaine, prieur du couvent de Genève, fait partie de cette sous-commission. Théologien et soignant, il a été interrogé par Maurice Page, journaliste à cath.ch. Avec l’autorisation des intéressés, nous reproduisons ici les éléments essentiels de cet interview.

Comment cet accompagnement peut-il se concevoir?
Ce type d’accompagnement ne peut s’établir que dans la temporalité, dans la durée. On ne saurait en aucun cas se limiter à la seule célébration du sacrement des malades. Concrètement, nous entrons en matière si une personne nous approche en déclarant avoir adhéré à une association d’assistance au suicide. L’aumônier doit être capable d’entendre sans jugement. Dans le respect de la personne, il faut d’abord comprendre avec elle pourquoi elle a effectué cette démarche. Souvent, s’inscrire à Exit signifie vouloir se préserver d’une fin dans la souffrance et la solitude: c’est comme une pseudo-assurance. Ce qui est tout de même assez éloigné de la question du suicide en soi. En ce sens, il est utile de rappeler que les ‘directives anticipées de fin de vie’ ne peuvent pas prévoir l’assistance au suicide.

“Il m’apparaît essentiel de rester très humble”

Cette première démarche, grâce à cette écoute et cette pédagogie du pas à pas, permet assez souvent de ‘désamorcer’ le processus du suicide. Si la personne persiste ou évolue peu à peu vers l’acceptation de l’idée du suicide, l’accompagnement ne doit pas pour autant cesser. Il ne faut pas couper les ponts. Nous ne sommes pas là pour juger, mais pour rester proches et ne pas démissionner devant la réalité du suicide, même si elle nous met mal à l’aise et nous déstabilise. Il est important de rappeler que la conscience est comme un sanctuaire inviolable.

Michel Fontaine, dominicain engagé dans l’enseignement et la recherche dans les milieux de la santé, des sciences sociales et de l’éthique.

Comment agir lorsque des personnes engagées dans cette démarche demandent le sacrement des malades?
Nous devons développer une réflexion théologique et pastorale dans le respect d’une certaine gradualité, autrement dit, une approche progressive dans l’espérance bien sûr de faire émerger une nouvelle dynamique qui permet d’accompagner la vie jusqu’à la mort. Si, sur ce chemin très souvent ‘clair-obscur’, la personne demande la grâce du pardon parce qu’elle est consciente de sa fragilité, de ses limites, au nom de qui et de quoi pourrions-nous la lui refuser? Nous ne savons pas ce qui se passe au plus profond d’elle-même. Il se peut en effet, que dans un temps qui échappe autant à elle qu’à nous, sa demande resurgisse de prendre la potion létale. L’accompagnement, si la personne continue à le demander, reste toujours ouvert. La temporalité de ce processus est imprévisible. Une seule exigence nous incombe: être disponible. N’avons-nous pas à prendre en compte la réalité de cette incertitude fondamentale qui vient creuser toute fin de vie, quelle qu’elle soit? Le sacrement des malades, comme celui de la réconciliation, est le lieu de la grâce où la personne doit se sentir entendue, écoutée, reconnue et portée par une confiance, celle que Dieu lui fait au plus profond de son humanité. C’est là que se réalise le mystère du sacrement.

Pas de schéma standard ou de protocole?
Il est vrai que la situation demande à l’aumônier d’entrer dans une zone grise dans laquelle il ne faut pas avoir peur de se laisser conduire ‘jusque dans les méandres les plus secrets’ de l’autre. Nous sommes incapables de mesurer les conséquences de notre écoute et de notre présence: elles peuvent être l’ouverture à une décision différente.

La question de la cohérence avec la foi catholique et avec le sens d’un sacrement se pose tout de même.
Il s’agit à la fois de montrer l’importance de cette cohérence tout en tenant compte de la fragilité humaine d’une personne confrontée à sa propre fin et effrayée par la mort. Nous ne pouvons donc pas proposer un schéma standard ou satisfaire à un protocole établi à l’avance. On reste dans la singularité déjà évoquée et on laisse l’aumônier maître de sa décision quant à la manière de vivre cet accompagnement.

Comme dans tout accompagnement spirituel, la démarche de cohérence et de vérité concerne autant l’aumônier que la personne. Quelqu’un qui demande la grâce du pardon se trouve probablement à un point nodal de son existence. Il cherche à redécouvrir comment le Seigneur peut encore être présent dans sa vie et comment retrouver l’espérance et la force. C’est là aussi toute l’importance de la temporalité.

Sans critères de jugement objectifs, l’aumônier peut être en difficulté.
La difficulté est déjà là au moment où il commence à accompagner une personne en fin de vie indépendamment de la problématique du suicide assisté. Un aumônier qui sent que les choses sont trop difficiles pour lui doit pouvoir le partager, soit dans une équipe, soit avec un référent. Mais je pense qu’il y a encore plus de mal à proposer une grille ou une recette inapte à absorber la globalité complexe d’une telle situation.

Jusqu’ou peut-on accompagner une personne qui maintient sa décision de se suicider?
L’enjeu fondamental est de ne pas abandonner les personnes, même dans des choix qui sont contraires à l’enseignement de l’Eglise. Le Christ n’a jamais abandonné quiconque. Nous avons souvent l’expérience de personnes qui meurent naturellement avant de faire le geste du suicide. Selon mon hypothèse, mais qui est assez bien vérifiée, dès qu’une personne se sait reconnue, entendue, écoutée dans sa propre vérité, sans jugement, un processus de libération se met en route et aboutit à accepter de lâcher prise et de mourir naturellement. Elle a pu, peut-être inconsciemment, évacuer, exorciser ce choix qu’elle avait fait de vouloir se suicider. En tout cela, il m’apparaît essentiel de rester très humble.

Un aumônier peut-il être présent au moment où la personne va absorber la potion létale?

Je ne me suis jamais trouvé dans une telle situation. Mais personnellement, je peux imaginer que je puisse être présent, sans pour autant cautionner l’acte. Il faudrait que cela soit une personne que j’aie pu accompagner un certain temps, que je connaisse assez bien et qui me demande d’être là. Je m’assurerais aussi que l’environnement soit informé du pourquoi je suis présent et du fait que je ne soutiens en aucun cas l’acte du suicide. Entre le oui et le non, il y a peut-être une troisième voie, celle de la présence qui dépasse tout discours, parce que je suis convaincu que là, le Christ est présent et pleure devant la mort de cette personne. L’un des maîtres-mots est la vérité avec la personne, avec les gens qui l’entourent et avec soi-même. Mais par exemple donner l’eucharistie à ce moment-là me paraît impensable. C’est une ligne rouge infranchissable. Bien évidemment, aucun aumônier ni agent pastoral ne doit se sentir contraint d’aller au-delà de ce que lui-même peut supporter: il importe d’aller le plus loin possible.[print-me]

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