Sobriété heureuse – Revue Sources https://www.revue-sources.org Wed, 21 Dec 2016 08:56:57 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Quand la pauvreté enrichit https://www.revue-sources.org/quand-la-pauvrete-enrichit/ https://www.revue-sources.org/quand-la-pauvrete-enrichit/#comments Mon, 26 Sep 2016 12:55:09 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1582 [print-me]

Au moment de rédiger cet éditorial, un verset biblique me vient à l’esprit: «Le Christ qui était riche s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté». La pauvreté serait-elle synonyme de richesse? Il y a bien des années, un économiste béninois, Albert Tévoédjirè, qui assuma un poste de direction au Bureau International du Travail (BIT), se servit de ce paradoxe pour intituler un de ses ouvrages: «Pauvreté, richesse des peuples». Comme si la pauvreté traditionnelle des Africains – Tévoédjirè ne parlait pas de leurs ténèbres ou de leur misère – valait mieux que les prétendues richesses importées d’Occident.

Ce thème est devenu une mode en notre temps qui voit se lever de nouveaux prophètes, comme Pierre Rabhi, Maxime Egger ou notre pape François. Autant d’apôtres de la «sobriété heureuse» que d’autres appellent sans fards «décroissance». Il y va de la survie de notre planète encombrée par les déchet de nantis irresponsables ou par ceux qui puisent sans vergogne dans ses dernières réserves. La sobriété ne serait donc pas seulement une vertu franciscaine, mais une réelle stratégie de survie pour l’humanité et la création qui l’entoure.

Notre dossier ne fait qu’évoquer cette thématique si développée et illustrée dans l’encyclique «Laudato Si» pour qu’il soit encore nécessaire d’y insister. Un simple face à face cependant avec la spiritualité dominicaine qui inspire notre revue.

« La sobriété ne serait donc pas seulement une vertu franciscaine, mais une réelle stratégie de survie pour l’humanité et la création qui l’entoure ».

Dominique a choisi la pauvreté personnelle et communautaire pour des motifs précis. Encore étudiant, il vendit ses précieux parchemins parce que, disait-il, il ne pouvait pas étudier sur des peaux mortes, tandis qu’autour de lui ses frères humains mouraient de faim. De même, il conseilla aux missionnaires qui prétendaient ramener à l’Eglise officielle les dissidents languedociens de renvoyer leurs riches attelages et équipages et de marcher comme lui, sandales aux pieds et bâton de pèlerin à la main. On sait aussi qu’il jugeait sévèrement la propension de certains de ses frères à accumuler des revenus ou à se complaire dans d’inutiles structures, architecturales surtout. Sa sobriété était au service de son dessin apostolique. Elle tenait de l’équipement léger du sportif ou du fantassin, juste suffisant pour faciliter sa course. Ou de la fronde de David, plus efficace que la lourde cuirasse de Goliath.

On pourrait se demander si ceux et celles qui se réclament aujourd’hui de la paternités spirituelle de Dominique pratiquent encore ce dépouillement «tactique». Il se pourrait qu’ils l’aient oublié, préférant le confort de leurs «cellules» à la poussière des grands chemins. Je ne m’aventurerai pas dans les aléas de cette histoire risquant de m’y prendre les pieds. Je préfère relater un fait vécu dont j’ai gardé fidèle mémoire. Mais est-ce une histoire dominicaine?

Course de montagne avec un frère dominicain. Après quelques heures d’essoufflement, il m’incite à m’asseoir sur un tronc d’arbre face à un paysage grandiose, plutôt que m’attabler dans une buvette voisine. Il sort de son sac, non pas le traditionnel sandwich au jambon, mais une magnifique pomme reinette qu’il me tendit avec la même délicate précaution qu’Eve manifesta au jardin de la Genèse. Ce fruit, qui n’avait rien d’exotique, suffit sur le moment à me désaltérer. Coupée en tranches fines – au couteau suisse, s’il vous plait! – cette simple pomme recélait toutes les saveurs de la création. Parabole de sobriété heureuse.

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Guy Musy

Guy Musy

Fr.Guy Musy op

 

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La décroissance sereine: possible mais pas facile https://www.revue-sources.org/decroissance-sereine-possible-facile/ https://www.revue-sources.org/decroissance-sereine-possible-facile/#comments Mon, 26 Sep 2016 12:54:22 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1615 [print-me]

Les termes de «décroissance» et de la «croissance zéro» sont entrés dans le vocabulaire courant, dans le sillage du rapport publié en 1972 par le Club de Romesous le titre «Les limites à la croissance». Ce rapport a fait date, il a durablement marqué les esprits par ses méthodes novatrices et par ses conclusions. «Les limites à la croissance» a mis en évidence les contraintes externes – épuisement des ressources et pollution – qui allait, si rien n’était fait en matière de démographie et de modèle économique, conduire le monde à la catastrophe. Quelques mois après cette publication – est-ce par pure coïncidence? – les producteurs de pétrole déclenchaient la première crise pétrolière en limitant de manière coordonnée leur production.

Le modèle de la croissance énergivore était durablement ébranlé et l’économie mondiale accusait le coup, sans pour autant dévier durablement de sa trajectoire de croissance. Ainsi, depuis le début des années 1970 le produit mondial (en termes nominaux) a été multiplié par un facteur de 20, alors que produit par tête augmentait pendant la même période d’un facteur de 10. L’écart entre ces deux chiffres s’explique par le fait que, simultanément, la population mondiale a doublé, en passant de 3,7 à 7,5 milliards aujourd’hui. Pendant cette même période, la consommation d’énergie par tête – tout vecteur confondu – n’a augmenté que de l’ordre de 20%. Cette progression peut sembler modeste, mais il ne faut pas oublier que compte tenu de l’augmentation démographique, la consommation mondiale d’énergie a été, durant la période multipliée par un facteur de trois.

Si le terme de «décroissance» avait, dans les premières années, une connotation écologique forte (pollution et énergie), plus récemment il a pris aussi une signification plus qualitative, voire morale de frugalité vertueuse. Ainsi, aujourd’hui ce qui caractérise les débats sur la décroissance c’est la question centrale du sens et du contenu qualitatif de la croissance alors que la «durabilité» se focalise essentiellement sur la pérennité environnementale étendue plus récemment pour inclure aussi le social.

L’activité économique n’est qu’un moyen et ne fait sens qu’en vue des finalités plus hautes. Il en va de même de la décroissance.

Les quatre considérations qui suivent visent à préciser tant soit peu les tenant et aboutissants du débat actuel sur la décroissance. La première d’entre elles concerne les œillères statistiques sous-jacentes à toute la mesure économique de la croissance, la seconde distingue la croissance par tête de la croissance tout court et donc introduit la dimension démographique; la troisième considération aborde la distinction entre le qualitatif et le quantifiable, finalement la quatrième et dernière met en évidence les rapports entre accumulation des richesses et démutualisation.

L’œillère de la comptabilité nationale

La question de la mesure s’invite naturellement dans tout débat sur la (dé)croissance économique. La catégorie de «produit national» est la seule mesure de l’activité économique largement disponible. Le produit national (dans ses différentes variantes) mesure la valeur ajoutée générée dans un territoire pendant une période donnée. La collecte des données nécessaires à son calcul repose sur un système comptable dit des «comptes nationaux» dont la méthodologie s’est généralisée seulement à la fin des années 1940. Elle est aujourd’hui harmonisée et pilotée par les Nations Unies.

Le cadre comptable des «comptes nationaux» a trois caractéristiques principales, qui sont autant de limites que de faiblesses. Tout d’abord, ce dispositif statistique sert à mesurer des flux – production annuelle – et non des stocks à un moment donnée. Cela est parfois source de confusion, notamment quand on assimile le produit national à la «richesse» alors qu’il s’agit uniquement d’une mesure du flux de production. Cela est d’autant plus problématique que nous ne disposons pas de métrique pour quantifier le stock de la richesse accumulée.

La deuxième limitation de la comptabilité nationale tient à son attention exclusivement centrée sur les échanges marchands de biens et services. Ainsi, sont laissées de côté toutes les activités domestiques et celles qui sont qualifiées – avec une connotation indument négative – d’informelles. Si la famille prépare un repas à la maison, seule la valeur des ingrédients achetés au supermarché apparaîtra dans le produit national, alors que si le même repas est pris dans le restaurant le plus proche, toute la note y sera incluse. La question de savoir si la famille a vraiment produit moins de «richesses» que le restaurant, reste posée.

Cet exemple met en lumière le biais méthodologique sur lequel repose toute la construction conceptuelle des comptes nationaux et donc de la croissance: elle ne retient que ce qui passe par une transaction, ou un échange marchand.

La troisième limitation de la comptabilité nationale découle directement de la précédente. La focalisation sur la transaction permet à la comptabilité de tout agréger en termes monétaires et donc de ne retenir des productions diverses que le prix. L’hypothèse sous-jacente est donc que le prix mesure de manière pertinente la production de richesse et laquelle est synonyme de satisfaction accrue.

L’exemple invoqué souvent est celui de la facture de carrosserie suite à un accident: il y a certes un effort de production du carrossier, mais ce dernier ne fait que remplacer ce qui a été endommagé. La satisfaction n’augmente pas alors qu’il y a croissance au sens comptable. Les limites du paradigme sont encore plus claires lorsqu’il s’agit d’utilisation (pollution) des ressources environnementales notamment l’air ou l’eau, qui n’ont pas de prix de marché. Il s’ensuit que ce qui est en réalité une ponction sur les ressources disponibles n’est pas répertorié comme un coût. Ces exemples montrent à l’évidence qu’il est hasardeux d’assimiler utilité ou satisfaction et quantification monétaire.

En conclusion: si la métrique de la comptabilité nationale reste la référence incontournable dans tout débat sur la croissance, elle ne permet pas, et de loin, d’appréhender la totalité du phénomène. De grands noms de l’économie – A. Sen et J. Stiglitz – ont co-signé en 2009 un rapport sur la question, commandité par le président français N. Sarkozy. Ils plaident pour l’extension du périmètre de la comptabilité nationale afin d’y inclure, à l’aide d’estimations subtiles, l’environnement et la qualité de vie. La mise en œuvre de ces recommandations, somme toute peu révolutionnaires, serait laborieuse et impliquerait d’autres hypothèses simplificatrices. De plus, cette voie tend à consolider le monopole méthodologique du «produit national» plutôt que d’envisager la mise sur pied de deux autres métriques – complémentaires. Une d’entre elles devrait permettre – à l’aide d’un appareillage conceptuel et statistique ad hoc – de mesurer l’activité para-marchande et sa contribution qualitative au bien-être alors que la seconde métrique serait adaptée à mesurer les prélèvements effectués sur l’environnement à l’instar de ce que préconise «ecological footprint».

Le fait de disposer de trois indicateurs parallèles aurait l’avantage de permettre la comparaison de l’impact des diverses politiques économiques sur trois plans différents: celui de la croissance économique, celui du para-économique et celui de l’environnement. Avec l’aide d’une telle batterie d’indicateurs, le politique et les électeurs verraient plus clairement quand les tendances convergent sur les trois plans et quand elles divergent. Il se pourrait ainsi que ce qui apparaît aujourd’hui comme de la «décroissance» du point de vue du produit national, serait en fait accompagné par une croissance des activités para-économiques et une amélioration de l’état de l’environnement. Il est urgent donc, pour rendre le débat sur le sens de la croissance plus opérationnel, de mettre au point sans tarder, ces indicateurs complémentaires et les utiliser systématiquement dans le débat et la prise de décision politique. Face au monopole de la «comptabilité nationale» et au confort intellectuel dont elle est porteuse grâce à son caractère unidimensionnel, la bataille des méthodes statistiques de mesures n’est pas gagnée.

Entre frugalité et écologie: les variantes de la décroissance

La deuxième considération qu’il s’agit de traiter concerne le rôle de la variable «démographie» dans le discours de la décroissance. S’agit-il de réduire le volume total de l’activité économique, d’en limiter certaines composantes ou bien de baisser ce volume par tête d’habitant? Dans le premier cas, (à population constante) le souci est clairement de contenir voire de réduire la sphère régie par la logique marchande, de manière à laisser subsister des plages de vie sociale ouvertes à d’autres logiques que celle de l’échange. Ici, la décroissance apparaît comme un moyen pour préserver l’autonomie de tout un chacun, en lui donnant plus de temps – mais pas d’argent – non seulement pour ses loisirs mais avant tout pour produire sa subsistance selon d’autres modalités que l’échange (comme la réciprocité ou la solidarité), à l’instar du repas familial mentionné plus haut. Derrière cette version de la décroissance, on distingue l’aspiration à la frugalité face au déluge du «prêt-à-jeter» et à la «culture du déchet» que stigmatise souvent le Pape François.

Quand le discours de la décroissance se réfère uniquement à des activités hautement polluantes, le souci est moins la frugalité que l’impact environnemental. Ce qui est en point de mire, c’est l’empreinte écologique plus que l’activité marchande en tant que telle. Le regard, à l’instar de l’écologie libérale, se porte vers les activités de service et l’innovation technologique dans laquelle on discerne les promesses de faire plus de valeur et d’emplois avec une moindre ponction environnementale. Par conséquent, la croissance propre se présente parfois comme une alternative à la décroissance pure et dure.

Chacun de ces deux discours en matière de décroissance et de croissance propre s’applique à l’ensemble de l’économie. En fonction de l’évolution démographique, les conséquences de ces discours seront plus ou moins radicales. En cas de fortes poussées de population, la réduction du produit national va diminuer le produit moyen par tête, ce qui peut affecter particulièrement fort les plus vulnérables. Il en va autrement en cas de stagnation ou de baisse démographique; la décroissance peut alors être proportionnellement moins sensible au niveau du revenu par tête, à l’instar du Japon ou de la Grèce.

Depuis le rapport «Limites à la croissance», la dynamique démographique et la croissance économique entretiennent un rapport ambigu dans le discours sur la décroissance. En effet, pour certains, le contrôle des naissances est une condition incontournable de la décroissance nécessaire à la préservation de l’environnement. Une telle attitude permet – en théorie – de concilier l’augmentation du niveau de vie individuel et décroissance macro. D’autres, dont de nombreux chrétiens, refusent de lier décroissance et politiques de natalité.

L’argent fait-il le bonheur?

La troisième considération relative à la décroissance porte sur le rapport entre le qualitatif et le quantitatif. L’argument est simple, il consiste à dire que la qualité de la vie, ou plus prosaïquement le bonheur, ne se réduisent pas à la valeur de la production marchande. Si la croissance quantitative mise exclusivement sur le «plus», l’augmentation qualitative préconise le «mieux». Il s’agit alors d’utiliser les ressources économiques de manière à produire des biens à services qui, à ponction environnementale constante, auraient un effet supérieur en termes de satisfaction ou de bonheur. L’argument est généreux et met le doigt sur une des faiblesses de la métrique statistique discutée plus haut. Il est toutefois très difficile à mettre en œuvre comme en témoignent les efforts de l’OCDE autour de l’indice du «mieux-vivre» qui regroupe, en plus du produit national, six autres indicateurs. En effet, le rapport entre croissance et bien-être est ambigu: si de nombreuses études montrent que la croissance n’induit pas une augmentation proportionnelle du bien-être, d’autres études soulignent que ce dernier dépend néanmoins grandement de l’aisance matérielle (Rapport social 2016).

L’opposition croissance quantitative / bonheur qualitatif est d’autant plus problématique qu’elle est unilatérale. En effet, elle se base sur les biens et services produits et oublie que tout ralentissement de la croissance menace potentiellement des places de travail. Or, dans le monde d’aujourd’hui, la valeur psychologique – satisfaction qualitative – d’une place de travail est souvent plus importante que son apport en termes de ressources. Si donc la décroissance devait entraîner une réduction des places de travail, son effet sur la perception du bien-être perçu serait probablement plus négatif que la seule baisse des revenus. Dans des sociétés où le lien social s’effiloche et ne subsiste, dans certaines situations, que grâce à la participation au marché du travail, la décroissance sereine impliquerait un changement profond du rapport non pas au travail en tant qu’activité, mais à l’occupation rémunérée synonyme aujourd’hui de place dans la société. Pour rendre cette décroissance-là possible, il faudrait «remettre du lien social» par d’autres voies que le marché du travail.

La richesse contre la solitude

La version idyllique de la décroissance met en exergue le fait que l’extension du para-économique viendrait compenser la baisse du secteur marchand. Ce secteur se développerait grâce au temps libéré par la baisse de l’emploi et aux ressources, notamment immatérielles, que l’économie marchande ignore voire détruit. En effet, les besoins matériels sont moindres dans une société avec de fortes poches de mutualisation que dans une société fortement individualisée. Cela est vrai pour ce qui est du besoin en denrées alimentaires mieux utilisées, en logements, en infrastructures et plus généralement en objets, puisque ces derniers auraient plus facilement une seconde vie. Si la décroissance s’accompagnait effectivement d’une re-mutualisation, alors elle pourrait être sereine voire heureuse. Certaines anecdotes en provenance des pays du Sud de l’Europe plus durement touchés par la crise semblent indiquer que le tissu social, quand il est contraint de se débrouiller avec moins, parvient à trouver des solutions innovantes ou anciennes qui, par ailleurs, contribuent à resserrer ou même à recréer le lien social. L’individualisme de confort devient impraticable en situation de disette. Certes, mais cela ne signifie point qu’une société individualiste va choisir volontairement la décroissance et se contraindre ainsi elle-même à chercher un mode de fonctionnement plus économe en ressources, plus frugal, probablement aussi plus humain mais exigeant un effort considérable d’adaptation et de tension.

Le monde hédoniste cultive, pour le plus grand bonheur des marchands de gadgets, l’accumulation des richesses comme gage de sécurité et d’indépendance. C’est parce que nous avons des ressources matérielles que nous pensons – illusion marchande – pouvoir nous passer des autres. Nous ne devrons pas attendre qu’ils nous donnent leur temps et leur compétence puisque nous avons assez pour l’acheter. La relation humaine disparaît au profit de la transaction marchande. L’être s’efface devant l’avoir. Le chemin de la décroissance passe donc par un effort de tous les jours visant à remettre l’être au cœur de l’économie, de faire de l’avoir l’instrument et non la finalité de l’existence. La décroissance c’est donc tout autant une affaire spirituelle qu’un problème, un défi environnemental et économique. La décroissance sereine n’est envisageable que si, en parallèle, la sphère para-économique – celle qui statistiquement n’existe pas aujourd’hui – affirme son existence aussi statistique et prend de l’ampleur en tant que lieu de production simultanée de biens et de liens sans lesquels ni la réciprocité ni les solidarités ne sont possibles.

La phrase dans Luc (16:9) montre, on ne peut plus clairement, la manière dont il convient d’utiliser les fruits de la croissance pour paver la route à la décroissance sereine: «Faites-vous des amis avec l’Argent trompeur, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles” . C’est bien le chemin qu’indique aussi le Pape François dans Laudato Si: l’activité économique n’est qu’un moyen et ne fait sens qu’en vue des finalités plus hautes. Il en va de même de la décroissance, elle n’a de sens que si elle porte du fruit dans d’autres registres dont l’écologie est un parmi d’autres.

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Paul H. Dembinski (© Unifr)

Paul H. Dembinski (© Unifr)

Paul Dembinski, professeur à l’Université de Fribourg et à l’ Observatoire de la Finance à, Genève, membre de la Plateforme diocésaine «Dignité et Développement».

 

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La sobriété dans la tradition chrétienne https://www.revue-sources.org/sobriete-tradition-chretienne/ https://www.revue-sources.org/sobriete-tradition-chretienne/#comments Mon, 26 Sep 2016 12:46:31 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1578 [print-me]

Dans son encyclique sur l’écologie, le Pape François écrit que «la spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété, et une capacité de jouir avec peu[1]». Cette idée d’une sobriété dans la consommation rejoint des aspirations de nombreux contemporains, chrétiens ou non (par exemple Pierre Rabbi dans son ouvrage Vers la sobriété heureuse[2]). La relier à une tradition spirituelle proprement chrétienne n’est pas sans fondement, comme le rappelle le Pape. Même dans des contextes très différents du nôtre, la Bible puis les Pères de l’Eglise ont promu un ethos spécifique, un mode de comportement à l’égard de la sobriété, qui peut encore nous inspirer aujourd’hui. On pourrait associer cette valorisation de la sobriété à une mise en garde à l’égard de la richesse possédée et à une grande sévérité à l’encontre de la richesse recherchée pour elle-même.

Sobriété dans la richesse possédée

La Bible présente parfois la richesse reçue comme un don de Dieu. Ainsi la bénédiction que Jacob arrache à son père est accompagnée d’une promesse de richesse matérielle (Gn 27,28) et pour signifier la réussite de David il est dit de lui qu’«il mourut dans une heureuse vieillesse, rassasié de jours, de richesses et d’honneurs» (1Ch 29,28). Cependant, même s’ils peuvent prendre un aspect individuel, les bénéfices matériels n’acquièrent leur sens plénier que dans la mesure où le Peuple élu – voire l’humanité dans son ensemble – en est l’ultime bénéficiaire.

« La tradition chrétienne manifeste une méfiance à l’égard de la richesse non seulement possédée, mais surtout recherchée »

La Terre qui produit la richesse est d’abord une propriété de Dieu (Lv 25,23), généreusement confiée à son Peuple. La mise à la disposition de tous des richesses individuelles semble caractériser également les premières communautés chrétiennes, comme le rapportent les Actes des Apôtres (par exemple Ac 4,32-34), mais aussi Saint Justin dans sa Première apologie composée vers 153-161 qui indique: «autrefois (…) nous recherchions par-dessus tout l’argent et les domaines; aujourd’hui nous mettons en commun ce que nous avons, nous le partageons avec les pauvres[3]». Pour Justin, un signe de la conversion au christianisme consiste donc en l’adoption d’un nouveau comportement à l’égard des biens matériels. La sobriété dans le rapport aux richesses possédées semble donc avoir pour premier fondement de rappeler l’égalité de tous les membres de la communauté (de la communauté de foi, mais plus largement, de la communauté humaine) devant Dieu.

Sobriété dans la richesse recherchée

Mais la tradition chrétienne manifeste une méfiance encore plus importante à l’égard de la richesse non seulement possédée, mais surtout recherchée. La dangerosité de la recherche du gain pour l’individu est soulignée sous plusieurs rapports que l’on pourrait résumer en indiquant que celui qui se consacre à une telle quête s’expose à une distorsion du sens de la réalité et finalement de la justice. Saint Ambroise de Milan écrit ainsi «l’avare se réjouit davantage de l’excès des prix que de la profusion des ressources[4]»… Cette mise en garde ne semble pas concerner les seuls «avares» de l’Antiquité tant son actualité paraît claire. Plus fondamentalement, cette distorsion grève le rapport à Dieu de l’homme qui refuse la sobriété. La recherche de la richesse est ainsi fréquemment décrite comme rendant l’homme qui s’y engage insatiable et donc incapable de se donner à sa quête de Dieu. La recherche de la richesse menace ce dernier de devenir idolâtre (Ep 5,5), susceptible de glorifier davantage ses propres forces que Dieu. Paul le résume avec sévérité quand il s’adresse à Timothée: «la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être livrés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont transpercé l’âme de tourments sans nombre» (1Tm 6,10).

La sobriété chrétienne n’est donc pas simplement l’adoption d’une mode moderne. Elle est profondément ancrée dans la vie des croyants qui ont réfléchi sur les enjeux de la possession et de la recherche des richesses. Voir qu’elle rejoint la quête de nombreux contemporains peut nous rendre fiers de notre tradition spirituelle et nous aider à la proposer à des personnes qui n’auraient pas nécessairement eu l’idée de puiser ce type d’inspiration auprès du christianisme.

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Le frère dominicain Jacques-Benoît Rauscher, docteur en sociologie, diplômé en sciences politiques, master en théologie à l’Université de Fribourg.


[1] François, Lettre encyclique Laudato Si, 24 mai 2015, n°222.

[2] Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse, Arles, Actes Sud, 2010.

[3] Saint Justin, Première apologie, 14, traduction Georges Archambault, La philosophie passe au Christ, l’oeuvre de Justin, Paris, Desclée de Brouwer, 1982.

[4] Saint Ambroise de Milan, La vigne de Naboth, traduction des bénédictines de la Rochette revue par Michel Poirier in Riches et pauvres dans l’Eglise ancienne, Lettres chrétiennes n°2, Paris, Editions Migne, 2011, pp. 281-322.

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Trouver le plus dans le moins https://www.revue-sources.org/trouver-le-plus-dans-le-moins/ https://www.revue-sources.org/trouver-le-plus-dans-le-moins/#respond Mon, 26 Sep 2016 12:29:38 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1572 [print-me]

Au début du mois d’août 2016, la Suisse avait déjà consommé sa part annuelle de ressources de la planète. Ces calculs, très théoriques, nous interpellent sur deux points.

Premièrement, ce que nous consommons à partir du mois d’août est un plus qui ne vient pas de nulle part, mais qui est la part des autres, celle de ceux qui viendront après nous, mais aussi celle de ceux qui vivent actuellement dans des lieux moins favorisés. Nos résidences secondaires face à ceux qui vivent entassés dans un bidonville de Manille, nos deux voitures par ménage face aux enfants qui transportent de lourds récipients d’eau le long des routes d’Afrique, notre indécent gaspillage alimentaire face à ceux qui doivent passer toute leur journée à la recherche angoissée du minimum pour nourrir leur famille.

Voilà de quoi nous faire sérieusement réfléchir, nous qui sommes assis sur des richesses que, quoi qu’en dise une certaine fierté nationale, nous n’avons en rien méritées. Notre travail n’a pas été plus acharné que celui fourni par d’autres humains et notre intelligence n’es pas supérieure à la leur. C’est donc chez nous, qui surconsommons, que doit surgir une remise en question de nos comportements. Tant il serait indécent d’aller demander une réflexion sur la sobriété à ceux qui aujourd’hui meurent de faim.

Le tapis roulant

La deuxième interpellation tient au pourquoi de la boulimie qui nous anime.

« Il est une nécessité plus urgente pour notre salut, celle de déconnecter les faux liens entre l’argent, les objets consommables et le bonheur. »

Les économistes ont redécouvert, après les auteurs spirituels, un intéressant mécanisme qui guide notre consommation: l’insatiabilité, qu’ils nomment pour faire sérieux, le treadmill effect ou effet tapis roulant, qu’on illustrera de la manière suivante: si vous devez marcher pour aller à votre travail, vous pensez que le bonheur serait de posséder un vélo.

Effectivement vous êtes heureux quand vous l’avez, mais vous êtes comme sur un tapis roulant tournant en sens inverse de votre marche. Si vous vous arrêtez, vous êtes entraînés en arrière. Progressivement, votre plaisir faiblit et vous revenez à votre état d’insatisfaction antérieure. Vous vous dites alors que vous seriez heureux si, à la place du vélo, vous aviez un scooter etc. etc..

Saint Bernard de Clairvaux connaissait déjà ce mécanisme de fuite en avant qui cherche à combler le désir par des objets matériels. Dans son Traité de l’amour de Dieu, il l’appelle «la marche en rond des impies» parce que ceux-ci surconsomment «dans l’épuisement d’une peine perdue». L’image décrit parfaitement l’épuisement du consommateur voué par la malédiction du tapis roulant à être à jamais insatisfait. Bernard, on s’en doute, a une solution à proposer. Plutôt que l’épuisement, l’achèvement. Autrement dit, l’épanouissement, la tranquillité, la paix qui se trouvent en Dieu. Il ne s’agit pas de renier les créatures, mais de désirer d’abord leur Créateur. Par analogie, il ne s’agit pas de désirer une belle voiture, mais désirer la beauté en tant que telle. Elle pourra, pourquoi pas, transparaître dans une voiture, mais encore à d’autres endroits que nous oublions d’explorer.

L’hôtellerie du monastère

Si nous réussissons à déconnecter le lien désir-objets, c’est comme si nous arrêtions le tapis roulant. Nous cesserions de penser que le bonheur est dans la captation accumulatrice et envieuse et nous le trouverions dans le petit, l’insignifiant. Qui n’a pas fait l’expérience dans une hôtellerie de monastère du goût que peut prendre un verre d’eau ou une tranche de pain, du prix du silence, bref d’un bonheur qui peut se trouver aussi dans le moins.

Perversion de la monétarisation

De plus, la perversion de la monétarisation focalise le désir sur un seul objet: l’argent. Ce qui nous comble ce n’est plus une belle maison, des repas savoureux, des vacances avec des amis, mais l’argent.

La simplicité ouvre le regard que la richesse ferme.

L’exemple le plus frappant est celui du patron de Nestlé Peter Brabeck (dont la fortune personnelle avoisine les 200 millions de francs). Il y a quelques années (il a un peu nuancé sa position depuis), Brabeck refusait la notion de «droit à l’eau» et proposait de considérer celle-ci comme une marchandise, négociable comme une autre. On lui opposera la promesse de Dieu de donner à boire et à manger «même à celui qui n’a pas d’argent» (Is 55,1). S’approprier les biens de la terre pour les revendre, c’est oublier leur origine. C’est sortir du rapport de don-réception que les «gens simples» conservaient encore dans nos campagnes, hors des bureaux des multinationales.

Désirer ce qui n’est pas monnayable

Il nous faut impérativement modifier nos habitudes de consommation si nous ne voulons pas que notre planète courre à la catastrophe. Cela, nous le savons, passe par un arrêt de ce que nous appelons la croissance, qui n’est en fait qu’une croissance de la production et de la circulation des objets que nous nous sommes le plus souvent indûment appropriés.

Il est une nécessité plus urgente pour notre salut, celle de déconnecter les faux liens entre l’argent, les objets consommables et le bonheur. Une révolution mentale qui n’est facile pour personne. Qui accepterait la baisse d’un salaire confortable sous prétexte qu’il peut s’offrir tout ce dont il a besoin ou envie? Qui est d’accord de faire durablement l’expérience de la simplicité en se passant de voiture, en délaissant les gadgets électroniques auxquels nous nous sommes livrés pieds et poings liés? Qui après avoir satisfait ses besoins de base se pose la question de savoir ce qui pourrait vraiment le combler? Il découvrirait alors des biens non monnayables comme l’amitié, la communion, la paix, l’harmonie.

Piqûres de rappel

Le Christ nous donne l’exemple d’un renoncement au pouvoir, au dépouillement radical dans le but de nous rejoindre (Ph 2, 5-8). Saint Paul nous encourage à en faire le modèle des interactions entre nous (Ph 2,4). Je pense qu’on peut étendre ce modèle. Renoncer à notre pouvoir de produire, de consommer, d’accumuler, pour vivre la communauté entre nous et avec Celui qui nous enrichit. Les premiers chrétiens l’ont vécu; d’autres les ont suivis. Constamment, au cours de l’histoire de l’Eglise, il y eut des personnes qui, à l’instar des premiers moines ou de François d’Assise, ont poussé cet appel au dépouillement jusque dans ses retranchements les plus abrupts. Ils étaient pour le reste du corps ecclésial comme des piqûres de rappel quand les liens pervers, dénoncés plus haut, devenaient trop prenants.

Peut-être avons-nous, à notre époque, besoin de figures interpellantes de ce type. Peut-être sont-elles déjà là et nous ne savons pas les voir. La sobriété n’est pas envieuse et la simplicité ouvre le regard que la richesse ferme.

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Thierry Collaud, médecin et théolgien, est professeur d’éthique à la Faculté de Théologie de l’Université de Fribourg.

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Sobriété heureuse: Mère de toutes les batailles https://www.revue-sources.org/sobriete-heureuse-mere-de-toutes-batailles/ https://www.revue-sources.org/sobriete-heureuse-mere-de-toutes-batailles/#respond Mon, 26 Sep 2016 12:12:22 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1564 [print-me]

En 2006, la Cotmec (Commission tiers-monde de l’Église catholique) était, avec la Fédération romande des consommateurs, la première à dénoncer le lancement d’un nouvel emballage d’une gamme de chocolats Cailler, en PET non recyclable, élaboré par l’atelier du célèbre architecte Jean Nouvel. Au départ, une information recueillie par Martyna Olivet qui venait d’être engagée comme permanente de la Commission. Forte de sa formation scientifique, Martyna avait été en mesure d’évaluer l’impact écologique de cette opération de prestige, destinée à relancer les ventes. À la conclusion, après une vive polémique dans les médias, le retrait par Nestlé de cet emballage et le retour au bon vieux papier, moins dommageable pour l’environnement.

La COTMEC en première ligne

Née en 1968 d’un acte de résistance (la mise en cause par un prêtre du paiement de la taxe militaire), la Cotmec s’était vouée, sous la houlette, entre autres, de l’abbé André Fol et de Dominique Froidevaux, à cultiver la solidarité nord-sud et à alerter l’Eglise et la société sur les injustices infligées aux peuples du «tiers-monde». Une riche histoire, avec de multiples accents, par exemple sur les questions des réfugiés, des abus du secret bancaire, de la mondialisation, de la dette des pays du Sud, avec des liens avec des Latino-Américains en butte aux dictatures, des victimes de l’apartheid, des Haïtiens, des promoteurs de paix dans la région des Grands Lacs (grâce à un autre permanent, Justin Kahamaile)…

Avec la publication de livres et de brochures, des débats, des animations pour les jeunes, la participation aux campagnes de Carême, ainsi que 353 numéros de la «feuille jaune» mensuelle. Et la collaboration avec tout un réseau, à Genève, en Suisse et un peu partout dans le monde.

« En simplifiant grossièrement, on dira que la modernité occidentale a réduit la création à une ressource et la société à un marché, amputant l’humanité d’une partie d’elle-même. »

Ce n’était pas la première fois, en 2006, que la Cotmec s’intéressait à l’écologie. Elle avait déjà été attentive, dans les années 1980, au mouvement œcuménique «Justice, Paix et Sauvegarde de la Création». Cependant, il lui est progressivement apparu que la défense de la vie sur la planète devenait «la mère de toutes les batailles». Elle impliquait la lutte contre les inégalités, contre une consommation débridée, contre le gaspillage et, au bout du compte, elle mettait en question un système économique mortifère.

Des petits gestes à une mutation

En 2009, la Cotmec publiait, sous le titre «Un monde plus juste? À toi de jouer», une brochure incitant les jeunes à accomplir chaque jour «des petits gestes pour préserver la planète». Il s’agissait de circuler à bicyclette plutôt qu’en scooter, de changer moins fréquemment de téléphone portable ou d’ordinateur, d’éviter d’acheter quantité de vêtements, de boire de l’eau du robinet plutôt que de l’eau en bouteille ou encore de limiter sa consommation de sodas ou l’utilisation de cosmétiques. Pour aller plus loin, il était proposé aux lecteurs de s’engager dans des associations pour la protection de l’environnement ou pour des relations Nord-Sud plus justes.

La Cotmec s’était aussi impliquée dans la quête du lien entre spiritualité et environnement, en particulier avec le théologien protestant Lukas Vischer. Pour son 40ème anniversaire, en 2008, elle avait invité trois Belges, François Houtart, Ignace Berten et Thierry Verhelst qui avaient pointé le doigt sur les origines de la crise globale que vit l’humanité et sur les issues possibles. Thierry Verhelst avait affirmé avec force qu’une «spiritualité profonde était indispensable à la promotion d’une mutation culturelle et écologique.» Certains des membres de la commission ont aussi été marqués par l’ouvrage de Michel Maxime Egger «La Terre comme soi-même, repères pour une écospiritualité» (Labor et Fides, Genève 2012).

Après le retrait de son mandat par les responsables de l’Église catholique de Genève, fin 2013, la Cotmec, devenue association, n’a pas voulu abandonner cette question vitale, l’abordant, parmi d’autres, dans son livre intitulé «Trop riches, trop pauvres», publié en juin 2015 (Éditions d’en bas). Et lors du lancement à Fribourg, en septembre 2015, de la plateforme Dignité et Développement – dont la création a été voulue par l’évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg à la suite de la mise à l’écart de la Cotmec – celle-ci a proposé, comme thème de recherche, «Écologie et pauvreté», devenu depuis: «Écologie et sobriété heureuse». Elle restait ainsi fidèle à sa mission d’origine sur le fossé Nord Sud, élargi aujourd’hui à l’ensemble de la planète, tout en se centrant sur ce qui déterminera, en grande partie, l’existence de nos enfants et petits-enfants (et affecte déjà sérieusement celle de certains peuples).

«Vivre intensément avec peu»

L’élévation du niveau des océans etc. a des racines enfouies dans l’âme humaine. Et tout particulièrement dans la culture répandue sur la planète par la modernité occidentale. Avec des avancées scientifiques et technologiques inouïes, une croissance de l’espérance de vie ou une diminution de la pénibilité du travail. Mais aussi une périlleuse dérive qui s’accélère depuis quelques décennies et nous mène au bord du gouffre.

En simplifiant grossièrement, on dira que la modernité occidentale a réduit la création à une ressource et la société à un marché, amputant l’humanité d’une partie d’elle-même. Elle a dévoyé sa puissance de désir, infinie, de l’ordre de l’être et non de l’avoir, la dégradant en envies addictives, à l’aide de la publicité et du marketing. D’où l’emballement de la production et de la consommation de «biens» qui épuisent les ressources offertes par la planète, en jouant sur notre quête de reconnaissance, notre tendance au mimétisme et, en définitive, sur une vaine tentative d’échapper à notre finitude par la jouissance et l’accumulation. Tout en négligeant les besoins vitaux de larges couches de la population mondiale.

Les solutions technologiques – production d’énergie durable, réduction du gaspillage des ressources etc. – aussi indispensables soient-elles, ne suffiront sans doute pas. Dans l’encyclique Laudato si’, le pape François nous propose un retour à la simplicité. «La sobriété vécue avec liberté est libératrice. Ce n’est pas moins de vie, ce n’est pas une basse intensité de vie, mais tout le contraire», écrit-il (No 223). Bien des sages de diverses civilisations ont, à travers les âges, foulé ce chemin, encore emprunté de nos jours, par choix ou obligation, par nombre d’individus et de peuples dont l’exemple peut nous inspirer. Un chemin exigeant qui implique une désintoxication de certaines des «valeurs» de notre société, mais est aussi un chemin de convivialité et de joie.

Le pape François n’oublie pas la dimension politique de «la conversion écologique» qu’il appelle de ses vœux. «Un changement dans les styles de vie pourrait réussir à exercer une pression saine sur ceux qui détiennent le pouvoir» (No 206). Problème: une telle conversion nécessite du temps, alors qu’elle est urgente si nous voulons garder l’espoir d’échapper aux pires calamités… Pour sa modeste part, l’association Cotmec s’efforce d’y contribuer.

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Michel Bavarel, journliste genevois, collabore à l’«Action de Carême» des catholiques suisse.Membre de la Commission tiers-monde de l’Eglise de Genève (COTMEC), il fut rédacteur de la «Feuille Jaune», périodique de cette institution et collabora très activement à ses autres publications.

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Jardin Laudato Si: permaculture et spiritualité https://www.revue-sources.org/jardin-laudato-permaculture-spiritualite/ https://www.revue-sources.org/jardin-laudato-permaculture-spiritualite/#respond Mon, 26 Sep 2016 11:48:04 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=1556 [print-me]

Pour Lionel Avanthay, la lecture de Laudato Si a été déterminante. Il décide de s’inspirer des valeurs de l’encyclique du pape François pour cultiver un jardin de 6’000 m2 en parfaite harmonie avec la nature. 

Il y a quelques mois, un paysan fribourgeois lui prêtait un terrain à Villarlod, près de Romont. Restait à trouver les fonds pour l’achat des graines, des outils et de quelques heures de cours pour acquérir des compétences spécifiques dans l’univers de la permaculture. Lionel Avanthay met sur pied au printemps 2016 une campagne de financement participatif sur Internet pour réunir les 5’000 francs nécessaires. En quelques semaines, il rassemble 6’862 francs. Et se lance dans l’aventure. Reportage.

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Un reportage réalisé par Pierre Pistoletti, membre du comité de rédaction.

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